Le gouvernement est enfin investi de la confiance après de multiples tractations, parfois dans la douleur, le doute et la passion qui ont accompagné la « rébellion » des uns et des autres, mais il faut que l'on sache que ce sera désormais la Règle, du moment que l'on a accepté de passer du régime présidentiel au régime parlementaire. Le premier permet une meilleure présence « exécutive » et donne toute sa dimension à l'Etat siège du commandement politique, économique et social, le second ne peut pas fonctionner sans un certain affaiblissement de l'exécutif parce que la démocratie a toujours accompagné un déficit d'autorité ou plutôt d'autoritarisme. L'Histoire des systèmes sociaux et politiques confirme que la démocratie a toujours été une conquête progressive des sociétés et leurs composantes, des pouvoirs excessifs du Roi... et plus tard des Présidents. La mère des démocraties, l'Angleterre, a été le champ d'application de cette évolution depuis 1215 avec les chartes qui ont limité les pouvoirs du Roi au profit du Parlement et du corps législatif. Par conséquent on doit s'habituer et s'accommoder de plus en plus avec l'effervescence parlementaire du moment que la nouvelle constitution a fait de Carthage une sorte de « Beit El Hikma » politique (maison de la sagesse) où l'on règne, mais où on ne gouverne pas... ou si peu ! D'ailleurs M. Béji Caïd Essebsi le nouveau Président sous le nouveau système constitutionnel joue à notre avis en bon juriste, à la perfection son nouveau rôle un peu « effacé » se contentant depuis son investiture de paraître rarement et se limitant au « protocolaire », ou à ses pouvoirs tels que prévus par la Constitution, d'où son activité diplomatique sa participation au Sommet de l'Union Africaine et sa visite d'Etat en Algérie. Ceci ne veut pas dire qu'il est tout à fait étranger à la composition du nouveau gouvernement mais ça ne pourrait s'expliquer que par la victoire de son parti « Nida Tounès » aux législatives et en tant que tel il a certainement son mot, à dire dans la discrétion « constitutionnelle ». J'e arrive à la petite « rébellion » des Nidaïstes qui ont combiné un rejet apparent de la participation d'Ennahdha au gouvernement avec une forte expression d'ambition de gouverner. Il faut tout de suite leur accorder que les deux sont « légitimes » mais irréalistes et insuffisants. Comment peut-on « exclure » Ennahdha du pouvoir alors qu'elle a été élue par 1 million de Tunisiens qui ont fait aussi que le Nida n'a pas de majorité confortable au Parlement. Il est par ailleurs naïf de ne pas comprendre que Nida et Ennahdha ont tout en commun au niveau économique et social, sauf le projet identitaire où le parti islamiste semble avoir bien évolué, mais pas suffisamment pour séculariser « l'Islam politique » et en faire un mode de gouvernement « civil » et démocratique comme c'est le cas des démocraties chrétiennes de par le monde. Le temps de la « laïcité musulmane » n'a pas encore sonné surtout avec la progression universelle et dangereuse de l'extrémisme religieux qui font de l'ombre aux islamistes modérés et tolérants. Autre aspect comment s'allier avec « El Jabha Achaâbiya » qui s'attache à l'économie dirigée, l'Etat providence et qui frise le « collectivisme » des années 60 ! Quant au gouvernement, il ressemble de plus en plus à ce bus collectif avec des places limitées et qui ne peut prendre tous les prétendants politiques aux bureaux ministériels de la Kasbah. Les Nidaïstes impatients voient filer devant eux l'occasion idéale de récolter les fruits de leurs efforts sur le terrain électoral et avoir de droit, « leurs ministères » de souveraineté. Hélas... ils auront compris maintenant enfin, que la politique et le pouvoir sont des illusions !