On le sait principal parti de la coalition quadripartite au pouvoir. On ne le savait pas chef de file de la nouvelle rébellion qui a le gouvernement en point de mire. Nida Tounès se rebiffe. Nida Tounès monte au créneau. Nida a la bougeotte. Depuis quelques semaines, l'atmosphère n'est plus la même du côté du Lac. La canicule sévit, certes. Le mercure monte aussi dans les rangs du principal parti de la majorité gouvernementale. Il semble que Mohsen Marzouk, le nouveau secrétaire général du parti, ait décidé de prendre le taureau par les cornes. Et de marquer son territoire d'emblée. L'homme veut avoir un style. Et des griffes. Et trancher net avec son prédécesseur, Taïeb Baccouche, connu pour son peu d'entrain et son apathie chronique, tant au parti qu'à la tête du ministère des Affaires étrangères. Rassurer en même temps une base électorale en voie d'effritement. Cette dernière semble, en effet, fourvoyée par les atermoiements dus à l'alliance gouvernementale de Nida avec Ennahdha, principal ennemi politique à la veille des élections législatives et présidentielle de 2014. Dans l'interview publiée dimanche dernier sur les colonnes de notre journal, Mohsen Marzouk a donné le la. Le rappel s'impose. «Je veillerai à ce que Nida Tounès garde le leadership dans le pays», assénait-il. Et il empile les revendications urgentes. «La révision des nominations qui ont été faites au temps de la Troïka, c'était le souhait de toutes les forces démocratiques...Le gouvernement actuel a commencé ce travail, mais ne l'a pas encore achevé... Il faut réviser toutes les nominations partisanes qui ont été faites à l'époque de la Troïka et, surtout, s'intéresser aux personnes qui ont des responsabilités régionales et locales... il faut abolir toutes les délégations spéciales et les confier aux délégués... Pour le moment, nous avons deux objectifs majeurs à réaliser dans les dix ans à venir : les réformes et l'éradication du terrorisme. Mais ces deux réformes n'ont d'impact que si elles font partie d'une vision pour les trente ans à venir. Il y a une étude stratégique qui a été faite du temps de Ben Ali, « Tunisie 2030 »...C'est une étude intéressante qu'il faut réactualiser et je propose d'en faire dans quatre mois un document de base... La Tunisie a besoin dans l'immédiat d'un pacte national entre le gouvernement, les syndicats, le patronat et les partis. Nous avons besoin de passer deux ans sans soubresauts. Or, pour jouer le jeu, les partenaires sociaux ont besoin d'une vision. Et cette vision dépend de la résolution de deux clivages majeurs. Premier clivage, celui qui oppose tous les Tunisiens aux terroristes. Second clivage, celui qui existe entre les réformateurs et les conservateurs. Les conservateurs, pas forcément les islamistes, il peut s'agir simplement de bureaucrates qui n'ont pas envie que les choses bougent dans le pays. Le troisième clivage, c'est le clivage entre l'ordre et le désordre... La réconciliation nationale politique a été faite. Il faut l'assumer et passer à la réconciliation économique, et je propose d'ailleurs de l'appliquer aussi à ceux qui sont en Tunisie, notamment les contrebandiers qui, en régularisant leur situation, peuvent devenir utiles à l'économie du pays... Sihem Ben Sedrine (présidente de l'Instance vérité et dignité, Ndlr) veut mettre le pays en stand-by, tout arrêter et procéder à la réconciliation. Pour nous, la vie continue. Nous devons avancer, proposer, travailler et si, entre-temps, elle a des griefs, ils sont les bienvenus... La justice transitionnelle, c'est pour cicatriser les blessures, pas pour remuer le couteau dans les plaies déjà cicatrisées.» Et ce dimanche, le bureau exécutif de Nida Tounès se réunit pour faire de ces orientations un programme de redéploiement immédiat. Mohsen Marzouk nous l'a affirmé, il y a quelques jours. La démarche ne semble pas orpheline. Dans son intervention avant-hier au Parlement, la députée Hajer Laâroussi (Nida) a critiqué férocement le gouvernement et la justice pour leur laxisme dans la lutte antiterroriste. Cela ne se limite pas aux textes de loi, affirme-t-elle. Elle a cité notamment le peu d'entrain à combattre les prêches de la haine à Sfax. Plusieurs autres indices témoignent d'un regain de critiques acerbes de hauts responsables de Nida Tounès à l'endroit du gouvernement. Il y a quelques semaines, Habib Essid a fait valoir qu'il ne travaillait sous les ordres de quiconque. Ni Nida ni Ennahdha, à l'écouter. Mais les nidaïstes ne l'entendent précisément pas de cette même oreille. Ils semblent agir comme Topaze de Marcel Pagnol qui disait que le gant de velours cache une main de fer. Et le font savoir. Il faut dire que l'atmosphère est morose. Crise économique, flambée des prix, terrorisme chronique et insécurité ambiante n'en finissent pas d'envenimer le vécu des Tunisiens. La coalition au pouvoir est désignée comme principal responsable de ce marasme. Qui a les avantages a les charges, instruit l'adage. Et les nidaïstes savent bien qu'ils seront jugés sur leur bilan lors des prochaines échéances électorales. A l'instar de leurs prédécesseurs. Mohsen Marzouk, lui, veut commencer son mandat à la tête de Nida sur les chapeaux de roue. Avec le trophée au bout du parcours. Mais aussi les risques et périls que tout excès de vitesse recèle.