Le village de Zouaouine et sa montagne sont situés à une vingtaine de kilomètres du sud de Mornag et à pareille distance du nord de Zaghouan. Pour y accéder en partant de Tunis, il faut traverser le centre ville de Mornag. Le dimanche, il y a souk et la place grouille de monde. Du côté de cette région agricole, les prix affichés sont majoritairement abordables, les fruits et légumes abondants et les couffins des citoyens sont presque pleins. La route vers Zouaouine est rocailleuse. Les petits trous et les nids-de-poule ne se comptent plus. Mais l'endroit est mirifique et les paysages naturels sont à couper le souffle ! La verdure s'étend à perte de vue, entre plaines, collines et vallées. Les terrains agricoles longent les deux côtés de la route. Impossible de ne pas succomber au charme poétique de cette campagne harmonieuse où quiétude rime avec magnificence. Mais ici encore et comme un peu partout en Tunisie, cette beauté naturelle inégalée cache dans ses bas-fonds une effroyable pauvreté et une misère économique et sociale qui rongent de l'intérieur et qui entraînent inéluctablement la misère intellectuelle et affective. Depuis quelque temps, les habitants se font de plus en plus rares dans ce coin reclus. Face aux conditions difficiles, peu résistent à l'attrait de la ville et délaissent derrière eux Zouaouine et sa beauté enivrante, qui ne sont au final, synonymes pour eux, que de tracas, d'obstacles et d'accablement. Une rénovation qui ne résout pas les problèmes L'école de Zouaouine est située, quant à elle, au beau milieu de nulle part. Sa clôture et ses salles de classe fraîchement peintes d'un blanc immaculé et son bloc sanitaire moderne tranchent singulièrement avec les lieux. L'école est raccordée au réseau d'électricité et sera bientôt alimentée en eau potable. Outre la rénovation de l'ancien bloc, le ministère de l'Education a financé la construction d'une quatrième salle de classe ainsi que d'un bureau pour le directeur. Les travaux ont duré près de deux ans. L'école est vaste et sa cour aussi. Mais alors qu'il pourrait accueillir plus d'une centaine d'élèves, cet établissement scolaire n'en compte à peine que 28. En première année par exemple, ils ne sont que quatre élèves, pareil pour la deuxième année et seulement deux inscrits en troisième année. Vu le nombre réduit d'écoliers, le système d'études par groupes a été adopté depuis quelques années à l'école Zouaouine. Il s'agit, pour un maître d'école, d'enseigner simultanément à des élèves de deux niveaux scolaires différents. Ainsi, les élèves de première et de deuxième années étudient ensemble, ainsi que ceux que de la troisième et de la quatrième années. Bien évidemment, cette méthode est inefficace et handicape lourdement les élèves, en plus d'être éreintante pour l'enseignant. Résultat des courses, des écoliers peu motivés et des résultats scolaires pas fameux. Le transport, un problème majeur Pourtant, pour parvenir jusqu'à l'école, les enfants fournissent un gros effort. Habitant presque tous loin de l'établissement, ils font quotidiennement entre 3 et 5 km à pied, aussi bien par temps de pluie que de soleil. Quant aux quatre instituteurs, ils n'habitent pas au village. Tous les jours, ils se rendent à l'école à bord d'un taxi collectif dont le propriétaire travaille dans la clandestinité. D'après le directeur de l'écolier, qui lui est motorisé, les élèves et le corps enseignant sont continuellement à la merci d'une météo capricieuse et de l'humeur du chauffeur de taxi collectif clandestin. S'il pleut abondamment ou que le monsieur se réveille un matin du pied gauche et n'ait pas envie de travailler, il n'y aura tout simplement pas école ce jour-là. Pour le directeur de l'établissement, le problème majeur de cette région reste le manque cruel de moyens de transport permettant de relier ce village à un autre ou aux grands bourgs avoisinants. C'est aussi l'une des raisons qui peuvent expliquer l'interruption de la scolarité de nombreux jeunes de la région. Ne pouvant poursuivre leurs études secondaires à Mornag ou à El Khalidia, ils se trouvent obligés de le faire à Zaghouan ou à Smanja, en devenant internes dans des foyers, ce qui rebute bon nombre d'entre eux. Malgré son potentiel agricole et la beauté de sa nature encore « vierge », Zouaouine cache une réalité amère: une précarité révoltante et révulsante. Les enfants rencontrés sur le chemin sont tous légèrement vêtus et leurs habits sont usées et défraîchis. Peu d'entre eux possèdent des manteaux pour couvrir leurs frêles corps. Pourtant, sur ces hauteurs, le froid est impitoyablement glacial. Quelles solutions pour ces petits écoliers totalement dépendants des conditions climatiques et quelles mesures pour parer au problème de transport dans cette région, pourtant située à quelques encablures de grandes villes ?