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Néji Jelloul, ministre de l'Education nationale au Temps: « Je suis venu pour réformer l'école et en faire, de nouveau, un véritable ascenseur social, un outil de progrès»
D'habitude, volubile, maîtrisant l'art oratoire avec un sens aigu de la polémique, qu'il soit sur un plateau de télévision ou dans une réunion publique, le fils d'ouvrier devenu universitaire après des études couronnées de succès, Néji Jelloul vient à peine de se mettre dans les habits du ministre, que le Temps l'a pris à chaud pour recueillir son analyse de la situation de l'enseignement et les idées qu'il compte concrétiser. Le Temps : Quelques jours après votre nomination comme ministre de l'Education, vous annoncez un report du concours de la sixième, pourtant décidé par votre prédécesseur. Pourquoi pareille reculade ? Où est la continuité de l'Etat ? Néji JELLOUL :La continuité de l'Etat est dans les grandes décisions. Et là, la plus grande n'est autre que l'école républicaine. Nous n'avons pas annulé le concours de la Sixième, mais plutôt le reporter, pour davantage de concertation, car je suis à la tête d'un département où toutes les décisions finissent par se répercuter sur toutes les familles et donc, tous les tunisiens. L'approche participative doit être à la règle. Etes-vous personnellement, contre la Sixième ? Moi je suis, pour la Sixième. Toutefois, tout concours, par principe clôture un cycle. On ne peut demander à des enfants de concourir au milieu d'un cycle. En plus, il faut assurer, que techniquement, nous n'avons pas les moyens de le faire. Il est de notoriété publique que nombreux bacheliers n'ont pas à être à la faculté vu leurs multiples faiblesses. Qu'allez-vous faire pour rehausser leur niveau ? Là vous touchez au projet de réforme lui-même. C'est-à-dire comment sortir du piège de l'école diplomate à l'école du savoir. Le décrochage et l'abandon scolaire, ne vous inquiètent-il pas ? De ma génération, on quittait des maisons modestes, souvent dépourvues d'électricité et de tout vers un univers meilleur. Pour nous, sur le plan symbolique au moins, l'école représentait une ascension sociale.... et la migration vers un univers meilleur. De nos jours on assiste à l'inverse. La 1ère urgence, c'est améliorer l'infrastructure scolaire, et rendre l'espace scolaire plus agréable. Quelle place pour l'enseignement technique ? D'une manière globale, il faut remettre l'apprentissage des métiers à l'école... et valoriser l'enseignement technique et professionnel. ...Et les langues, la philosophie, la culture de l'esprit critique ? Dans le cadre de l'école du Savoir, il faut valoriser davantage les sciences humaines, et des humanités. Trouver une solution urgente pour améliorer l'apprentissage des langues étrangères et la culture de l'esprit critique, est une nécessité. Juste après, la passation avec votre prédécesseur, seul dans votre bureau, quelle a été votre première pensée ? Pour le fils d'ouvrier que je suis, je me suis rappelé ma première journée d'école, le bol de lait servi le matin, la cantine... Votre première décision ? Ecouter tout le monde et mettre fin aux grèves tournantes. Comment faites-vous avec les syndicats de l'enseignement qui sont la colonne véritable de l'UGTT ? Je traite avec les syndicats les plus puissants. Et c'est une chance d'avoir à faire à des syndicats représentatifs. L'UGTT est un partenaire privilégié, mais elle ne remplace pas l'Etat. De même l'Etat ne remplace pas la Centrale Syndicale. Vous êtes assis sur une chaise éjectable, quelles sont vos premiers dossiers à traiter immédiatement ? Je suis universitaire. Je ne suis pas un apparatchik. Je suis venu pour réformer l'Ecole et en faire, de nouveau, un véritable ascenseur social, un outil de progrès. Quelle action parmi celles que vous comptez faire, serait votre plus grande fierté, et ce après votre passage par ce ministère ? Ma fierté serait qu'un jour les élèves habitants à la Cité Ennaceur s'inscrivent dans une école à Ettadhamen et quand je verrai les grandes universités européennes se disputer les bacheliers tunisiens... Et quand je verrai des jeunes préférer le métier d'instituteur à celui de médecin. ... Et que serait votre plus amer souvenir ? Lorsque je verrais des universités départagées entre celles des pauvres et celles des riches. Que dites-vous aux syndicalistes et aux parents d'élèves ? L'école est une affaire qui concerne tout un peuple. Nous sommes tous des partenaires. Les parents doivent s'impliquer davantage dans la vie de l'école, en étant plus actifs dans les associations de parents d'élèves. Quant aux syndicats, ils doivent comprendre que l'enseignement est un métier noble, qu'ils doivent s'investir d'avantage dans la formation et ne pas se limiter aux revendications corporatistes. Pour quand l'école républicaine chez nous ? Dans un an, nous aurons jeté les fondements de cette école tout en la remettant au cœur de la cité. Quelle place pour le secteur privé dans l'enseignement ? L'école républicaine, publique qui offre un enseignement gratuit de qualité, doit être le fondement de notre système éducatif. L'enseignement privé a sa place, mais ce secteur doit être revu, restructuré et surtout, dispenser un enseignement de qualité. Ce qui n'est pas toujours le cas. La preuve, certains parents inscrivent, l'année du baccalauréat, leurs enfants dans des institutions privées attirés par l'apport des 25 %, ramené à 20 % avec des corrections de moyenne cette année, pour donner plus de crédibilité à nos diplômes.