Pour beaucoup, plonger dans un livre, c'est aussi sortir un peu de soi, se glisser à travers les lignes, découvrir les arcanes de l'écrit, s'y évader. Le temps d'une lecture. Des romans, des nouvelles et des essais sur les étalages des librairies font leur méli-mélo de pensées. Chez nous la littérature abonde, mais ce sont les lecteurs qui font défaut. La littérature est restée malgré les moyens qui s'offrent, l'apanage d'une élite. Deux profils de lecteurs s'affichent, en effet : des lecteurs fidèles et d'autres occasionnels. Les premiers ont été dès leur tendre enfance familiarisés avec le livre, grâce à des parents ou plutôt un environnement familial qui leur a inculqué l'amour de la lecture. Les lecteurs occasionnels sont les jeunes lycéens qui ne s'adonnent à la lecture que par obligation en achetant ou empruntant des livres prescrits dans le programme de l'école. Ces derniers consultent également des encyclopédies ou des dictionnaires pour se documenter sur une recherche que le professeur leur demande. Et là encore ils ne sont pas obligés de se déplacer car avec la vulgarisation du numérique l'information devient accessible sur un simple clic. La dernière étude portant sur la fréquentation des bibliothèques en Tunisie a montré, en effet, que les élèves et les étudiants sont les principaux usagers de ces lieux et que la moyenne de fréquentation de la bibliothèque publique par le citoyen n'a pas atteint une fois par an. Et rappelons également ce chiffre qui donne froid dans le dos, la moyenne de lecture annuelle par citoyen, n'est qu'un seul livre par an ! Des manifestations s'organisent pourtant par-ci et par-là pour réconcilier le Tunisien avec les bibliothèques qu'il déserte au profit d'autres loisirs. On citera à titre indicatif, les journées nationales de la lecture publique, ou encore «l'été du livre», «la bibliothèque itinérante» ou encore la dernière initiative de la société civile à l'avenue Bourguiba incitant à la lecture « Tunis lit ». On ne passera pas sans citer cette grande manifestation tenue sur deux jours les 13 et 14 février à la Bibliothèque nationale, « le Festival de tous les savoirs ». La manifestation rappelons-le a été organisée par l'association tunisienne "Al-Jamiaa Al-Maftouha" (JAM), ("L'Université ouverte") avec le soutien entre autres de l'Institut français de Tunisie, de l'Institut du Monde arabe (IMA) de Paris... Elle a été l'occasion de renouer avec un débat essentiel sur la littérature et les problématiques de la culture et du développement. Encouragement à la lecture L'encouragement à la lecture, il faut le dire, a toujours été un objectif de notre système scolaire, même si ce dernier s'est avéré défaillant à plus d'un titre.. On est bien conscient, en effet, que l'amour de la lecture s'acquiert depuis la plus tendre enfance et qu'il faut miser sur l'école pour familiariser les enfants avec le livre. A titre indicatif, rappelons que la bibliothèque pour enfants a été créée en 1959 et que depuis 1982, on a lancé des bibliothèques scolaires et une matière, la lecture, dans notre école. Quant aux bibliothèques publiques, elles ont été planifiées depuis la création du service des bibliothèques publiques en 1962, selon un réseau qui prend en considération le nombre d'habitants, le nombre des écoles dans chaque région. Mais il ne suffit pas en fait de créer des bibliothèques qui ne se fréquentent au final que rarement. Il reste, en fait, un domaine auquel on n'a pas eu recours, jusque-là : les technologies numériques et bien entendu l'Internet. Le livre électronique qui fait couler beaucoup d'encre et suscite beaucoup de tapage médiatique en Occident commence à peine à susciter l'intérêt des instances publiques dans notre pays. La lecture, la pratique issue du papier qui émigre vers l'écran, pourrait être un moyen formidable pour que nos jeunes accros de la Toile découvrent le plaisir de lire. Vaste programme. Mona BEN GAMRA La première bibliothèque en Tunisie, plus d'un siècle déjà ! Héritière des bibliothèques de l'Ifriqiya musulmane, la Bibliothèque nationale de Tunisie fut instituée durant le règne du bey Ali Pacha par le décret du 8 mars 1885. Elle fut initialement constituée de collections offertes par la Direction de l'Instruction Publique, auxquelles est venue s'ajouter la bibliothèque Charles Tissot, ancien Consul de France en Tunisie. Sise au cœur de la Médina à proximité de la grande mosquée Al Zaytouna, la bibliothèque connut son véritable démarrage en 1910 avec son transfert à souk Al-Attarine et la nomination d'un nouveau conservateur Louis Barbeau. En 1956, au moment de l'indépendance, lorsque la bibliothèque prit la dénomination de Bibliothèque nationale de Tunisie, les ouvrages de langue arabe n'excédaient pas le sixième de l'ensemble du fonds. Avec la nomination de Othman Al Kaâk à la direction de l'institution, le fonds arabe connut un réel développement. Un décret présidentiel du 7 septembre 1967 permit le regroupement des manuscrits qui, jusqu'alors, étaient dispersés dans divers mausolées, mosquées et bibliothèques. C'est en vertu de ce même décret, qu'en 1968 furent conservés, à la bibliothèque nationale, les fonds des bibliothèques Al-Abdallya (XVIe siècle) et Al- Ahmadya (première moitié du XIXe siècle) qui constituaient jusqu'alors la fameuse bibliothèque de la Grande Mosquée Al Zaytouna. En vertu du code de la presse de 1975, la bibliothèque a pu bénéficier du dépôt légal de la production intellectuelle nationale.