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«La musique ne saurait souffrir le juste milieu»
L'entretien du Lundi : Zied Gharsa (chanteur-compositeur)
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 03 - 2013

Maître incontestable de la musique tunisienne, formé au Conservatoire et, surtout, à l'école de son père, il intègre la Rachidia en 1992 en tant que chanteur soliste et luthiste, sous la direction de deux grands maîtres : Tahar Gharsa et Abdelhamid Bel Algia. A la disparition de son père, il le relève à la tête de la chorale en 2003, puis, en 2006, il prend carrément la direction de la plus grande institution du malouf tunisien. Pour des raisons qu'il explique ci-après, il quitte la Rachidia et s'apprête à diriger, désormais, le volet artistique d'un grand nouveau-né : l'Association Carthage pour le malouf et la musique tunisienne (Acmmt).
Tout, en vous, renvoie systématiquement à votre père. Jusqu'où êtes-vous sous l'emprise de Tahar Gharsa?
Il n'y a aucune emprise. Tahar Gharsa est une école qui n'a pas tout dit, tant s'en faudra encore. Par conséquent, j'estime être investi de la mission d'assurer la continuité, de poursuivre une œuvre que, de toute façon, un seul homme ne peut mener à terme. La musique tunisienne en général, et le malouf en particulier, sont un océan dont nous ne connaissons qu'une partie infime. Cela étant, je pense avoir quand même fait un Zied Gharsa différent de son père : j'ai mes propres compositions qui ont assis ma popularité en tant que Zied, pas en tant que photocopie de Tahar Gharsa. J'ai, par ailleurs, imprégné mes compositions de plusieurs genres : le traditionnel, le bédoui, l'oriental, le flamenco, etc. Contrairement à ce que vous pensez, je ne suis pas resté prisonnier d'un genre ou d'un autre, même si le fond et l'âme de ce que je fais demeurent tunisiens.
Pensez-vous que le malouf tunisien soit, ou puisse être, appelé à être renouvelé, à devenir davantage dans l'air du temps?
A mon sens, et bien avant de penser au renouvellement du malouf, il y a d'abord un travail énorme qui n'a pas été accompli, à savoir la documentation. Autant déterrer, d'abord, ce trésor resté méconnu et l'exécuter tel quel avant de passer à autre chose. Il n'empêche que le malouf a, de toute façon, évolué : il n'est pas resté en l'état tel qu'il était interprété aux années 1910-30-40 ; chaque époque et chaque génération l'ont, d'une manière ou d'une autre, retouché, peu ou prou. Le plus important est de préserver la structure du malouf, d'améliorer son esthétique.
Vous dites que le malouf n'a pas été mis en solfège?
Pas intégralement, non. Et ce qui l'a été n'en représente qu'une partie minime qui, de surcroît, ne traduit qu'une seule version sur laquelle étaient tombés d'accord les cheikhs d'autrefois autour de Mohamed Triki, c'est-à-dire la version connue et prise en compte par la Rachidia depuis des lustres. D'ailleurs, c'est mon occupation actuelle: je ne fais que dépoussiérer des pans entiers de malouf non enregistrés ni même exécutés à ce jour. Sauf que la concrétisation de tout ce travail nécessite du temps et surtout un financement substantiel. En 2004, j'ai proposé le projet au ministère de la Culture, mais il n'y a guère eu de suite.
Beaucoup disent que les modes tunisiens constituent un champ très limité pour les compositeurs, ne permettant pas toujours l'expression d'une imagination et d'une créativité fertiles...
Ce n'est pas vrai. Jusqu'à l'Indépendance, la musique tunisienne avait pour cadre la Rachidia, évidemment, mais aussi les zaouia (mausolées), où l'on chantait aussi le malouf. Avec l'Indépendance et l'avènement de l'enseignement de la musique dans les lycées, on est entré à l'ère de la théorie, du solfège ; la transmission orale a pris fin. Du coup, pour reconnaître un mode tunisien, il fallait lui trouver un pendant, un équivalent en Orient, comme si le mode tunisien était un sous-produit bâtard qui, pour avoir une certaine identité, il lui fallait être apparenté à un mode oriental : c'est le cas, entre autres, du Rast Dhil qu'on a tendance à apparenter au Rast oriental. C'est le premier coup de sabre qu'a écopé la musique tunisienne, à savoir un enseignement défaillant, je dirais presque malsain, dès le départ. Et la paresse a fait le reste. Si vous ne connaissez pas par cœur au moins trois mille vers de poésie, jamais vous ne pourrez être un grand poète, pourvu d'une grande imagination. C'est malheureux de le dire, mais la musique orientale est beaucoup plus présente en nous que la musique tunisienne.
On n'arrête pas de parler de crise de la musique tunisienne...
Je dirais plutôt qu'il y a toute une vague de non-spécialistes, de non- professionnels qui font je-ne-sais-quoi. Mais il faut dire aussi qu'à un marché, au goût de moins en moins raffiné, répond un secteur en mal de référentiel. Je connais un parolier qui, 20 ans en arrière, écrivait de très beaux textes, de nos jours il s'est rabaissé jusqu'à écrire sur le klaxon de la voiture de la mariée. Mais c'est dans l'air du temps, paraît-il, et chacun y trouve son compte. Pour preuve, la majeure partie des chansons de valeur primées, lors des derniers grands festivals, sont restées méconnues, car le marché n'en veut pas. C'est ce dernier, façonné par la radio, la télévision et les producteurs de K7 et de CD qui privilégient l'oriental, influençant le goût du large public, qui a poussé la chanson tunisienne dans la crise. Et puis, il n'y a plus de chef de file à même de mettre un terme à la médiocrité.
Depuis plusieurs années, votre nom est resté accolé à celui de la Rachidia. Aujourd'hui, vous n'y êtes plus. Que représente-t-elle pour vous, à présent?
La Rachidia restera notre mère à tous. Elle est tel un arbre qui, à chaque période donnée, produit une branche : je suis fier d'avoir été l'une de ses branches. Or, cet arbre avait besoin, à un moment, de nouveaux terreaux pour nous permettre de mieux pousser, mieux grandir. Malheureusement, il a connu une certaine déforestation. Force donc était pour moi de sauver cette branche pour en faire un nouvel arbre fruitier.
Mais avec la création de l'Acmmt que vous avez intégrée, n'êtes-vous pas en train d'enterrer la mère?
Elle n'est pas morte et il n'est dans l'intérêt de personne qu'elle meure, un jour. Elle est un symbole et elle le restera à jamais. Simplement, le hic est que je caresse des ambitions beaucoup plus importantes que ne le veulent, ou ne peuvent la mère et ceux qui y veillent. Mon ambition n'est pas d'assurer un gala mensuel, ce n'est pas cela qui me manque, je voudrais passer à autre chose de plus profond, de plus intéressant pour le pays et pour la musique tunisienne. Quand j'étais à la Rachidia, j'ai soumis dans ce sens de nombreuses propositions, en vain. Raison pour laquelle j'ai quitté la mère.
Vous semblez très convaincu de l'Acmmt. Qu'en attendez-vous au juste?
J'entends pouvoir réaliser tout, ou, du moins, une partie de tout ce que j'ambitionne de faire, comme la documentation et la création d'une vraie école, pas un conservatoire à initier au piano et à la guitare.
Le jour de la présentation de l'Acmmt, vous avez annoncé une somme de nouveautés que constitue un héritage musical resté inconnu à ce jour. Le public va-t-il découvrir ce trésor lors de vos prochains concerts?
Absolument!... Il y a aura du nouveau, des morceaux inédits. Pourtant, l'essentiel, à mon avis, est ailleurs ; l'objectif est de réconcilier le Tunisien avec son malouf. Par conséquent, mon travail consistera à rendre au malouf ses lettres de noblesse, de faire en sorte que le public l'aime et en redemande.
Vous avez également promis de «décentraliser» le malouf vers l'intérieur de la République...
Tout à fait. Aujourd'hui, notre culture est en danger, n'importe quel mouvement musical étranger peut influencer nos jeunes et les ranger dans sa coupole. Nous sommes tous appelés à persuader ces jeunes quant à l'existence d'une vraie musique tunisienne, profonde, belle, authentique, et qu'il n'est pas logique de continuer à lui tourner le dos. Mais pour cela, nous devons présenter cette musique, le malouf en particulier, sous un jour radieux, moderne, vivant, attrayant, envoûtant. C'est nous qui devons aller vers les jeunes et les amener à apprécier leur patrimoine, pas à eux de venir nous chercher. C'est notre révolution culturelle qui commence.
On entend parler d'un projet Bouchnaq-Gharsa. De quoi s'agit-il?
En effet, nous avons convenu de travailler sur un projet en duo qui soit de longue haleine, appelé à s'inscrire dans la durée et la continuité. Concrètement, il va composer pour moi, je vais composer pour lui ; il est donc fort probable que nous ayons à présenter des concerts ensemble. Je suis content de cette collaboration avec Lotfi, un grand artiste, un vrai maître et un frère. Il est, d'ailleurs, sur un nouveau projet, avec Adem Fethi pour les paroles; j'espère qu'il le présentera au sein de l'Acmmt. Bref, nous avons tout un projet en commun.
On dit que vous maîtrisez plusieurs instruments. Pourquoi toute cette passion, disons rare?
C'est une passion qui remonte à ma plus tendre enfance quand je me suis essayé au piano, en premier lieu. Puis, c'était le tour du oûd (luth) traditionnel, du luth oriental, la percussion, le violon et même le violoncelle. Dernièrement, je me suis essayé au nay (flûte). Je considère que je suis avant tout un musicien. On a beau être chanteur, c'est encore mieux de maîtriser certains instruments qui servent énormément pour la composition.
Mais pas le qanûn?
Ah non, c'est un casse-tête à part ; pour en maîtriser la technique, il faudrait s'y consacrer entièrement.
Si on vous demande ce que représente pour vous le oûd?
L'âme.
Le violon?
La femme.
La percussion?
Les battements du cœur.
La contrebasse?
Comme le crépi du mur : elle élimine les anomalies.
Plus tard, lorsqu'ils grandiront, vos trois enfants porteront-ils le flambeau?
Ecoutez, je suis contre le fait qu'on dicte à ses enfants ce qu'ils doivent faire. Les miens feront ce que bon leur semblera, pas nécessairement de la musique. Et puis, la musique est un art suprême qui ne souffre pas le juste milieu : ou on est doué ou on ne l'est pas. Il n'y a pas de moyen en musique: on est excellent ou on est médiocre.
Et vous? Vous êtes excellent ou médiocre?
(Rires) Je n'en sais rien ; au public d'en juger...


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