Et nos enfants, et les enfants de nos enfants, et les petits enfants de nos enfants... se souviendront encore de lui. Dans dix- mille ans, Habib Bourguiba fera encore de l'ombre, à tous ceux qui essaieront, à tout prix, d'effacer sa trace des pages de l'Histoire, de réduire son aura, d'amoindrir sa stature, de dénaturer le sens de ses propos, de ses actes, de ses gestes, de « Sa » Geste héroïque, n'en déplaise à tous ses détracteurs, et ils sont nombreux, qui voudraient le diaboliser aujourd'hui, comme ils n'ont eu de cesse de le faire hier, sans y parvenir d'ailleurs, se sentant insuffisamment en confiance, pour pouvoir rivaliser avec celui qui fut, et demeurera pour la postérité, comme le père de l'indépendance de cette Tunisie moderne, qu'il a voulu édifier, et qui lui doit ce qu'elle compte aujourd'hui de meilleur... Envers, en dépit, et contre tout. Il y a quinze ans, un certain 6 avril 2000, le ciel de Tunis était couvert et lourd. Toute la Tunisie s'apprêtait à le pleurer, ayant appris que le Combattant suprême venait de tirer sa révérence, et qu'il fallait désormais apprendre à vivre avec son deuil. Une page allait être tournée, et c'était comme la fin d'un monde. Un monde qui était familier à la plupart des Tunisiens qui n'avaient pas tout à fait alors, intégré l'idée qu'il ait été destitué, que c'était définitif, et qu'il fallait compter sans lui. On invoquait le grand âge, l'incapacité de pouvoir tenir les rênes de la Nation, la nécessité de lui permettre de se reposer enfin après tant de labeurs, en passant le relais à celui qui était présenté comme étant, en quelque sorte, son fils spirituel. Une immense supercherie... Mais on n'en n'était pas encore là. Le peuple tunisien avait du chagrin, et il voulait rendre hommage au Leader, comme il se doit, parce qu'il n'y avait pas, cela notamment, un foyer, où une mère, une grand-mère, ne vouait pas une adoration sans bornes à Bourguiba, qui avait, non pas seulement libéré son pays, mais aussi les femmes de son pays. Et de quelle manière... Il ne fut pas le précurseur ? Il ne fut pas le seul ? C'est pourtant lui qui l'imposa de fait, et qui put donner, en le concrétisant, forme et couleurs à ce rêve, en adhérant à la thèse des réformateurs tunisiens, qui n'étaient pas légion. Et dont l'Histoire, la grande, a également retenu les noms. Tahar Haddad dérange aussi, à ce jour, tous les esprits obtus et rétrogrades. La Tunisie pleurait le grand Habib Bourguiba. Toute la Tunisie ? Certes, non. Phagocytées, les images de son enterrement. Sur l'écran de télévision doublé de notre peine, « Animalia » se la jouait version indécence totale, par la volonté de quelques veules et lâches conseillers à la petite semaine, qui n'eurent, même pas l'intelligence de comprendre, que ce faisant, en empêchant la Tunisie de faire son deuil de son président, élu, lui, à l'unanimité sans le recours au trafic des suffrages, ils avaient commencé à déboulonner la statue de l'usurpateur, qui tombera, une décennie après. L'Histoire ne pardonne pas. Il est, bien entendu que Bourguiba ne fut pas un saint, qu'il commit lui aussi quelques erreurs conséquentes, mais lui, par contre, a aimé son pays, et n'a pas peu contribué à lui donner cette souveraineté, qui fait que, partout au monde, un citoyen tunisien se sente fier de sa « Tunisianité ». Ce qui semble évident ne l'est pas du tout, en réalité. A l'aune du chemin parcouru depuis l'indépendance, même si celui qui est venu après lui, a fait un travail de sape, en ratissant à rebours, ne serait-ce que sur le plan de l'Education et de la Santé, les « joyaux » de la « couronne » du Combattant suprême, l'on peut mesurer l'ampleur de la tâche, à laquelle il s'était attelé, avec le ferme dessein de réussir à relever le pari de la modernité, en nivelant par le haut. Ce qui fait toute la différence... De l'eau est passée sous les ponts..., et Bourguiba continue de déranger. Que ses détracteurs, ces oiseaux de mauvais augure, ne se fassent pas de mouron : leurs enfants, tout comme leurs petits enfants, se souviendront encore de lui, lorsque, eux, seront vite oubliés.