A l'heure où l'économie nationale peine à remonter la pente, la contestation sociale gagne du terrain et prend plusieurs formes. Plusieurs syndicats affiliés à l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) ont lancé des mots d'ordre de grève pour réclamer des augmentations salariales au profit de nombreux corps de métier. Ainsi, les instituteurs devraient observer les 12 et 13 mai une grève dans l'espoir de pousser le ministère de l'Education à leur accorder une prime de travail administratif et une indemnité de fin de service. Le syndicat général de l'enseignement de base revendique aussi le doublement des montants de la prime d'affectation et de l'indemnité de la rentrée scolaire. La Fédération générale de la poste et des télécommunications a appelé, de son côté, les employés de ce secteur à observer une grève de trois jours, du 11 au 14 mai, pour réclamer une indemnité d'encouragement, la révision des nominations partisanes et l'amélioration des services sociaux offerts par la mutuelle. Les surveillants exerçant dans les établissements éducatifs observeront, pour leur part, une grève les 13 et 14 mai pour dénoncer le refus du ministère de tutelle d'ouvrir des négociations relatives à l'amélioration de leur situation matérielle et professionnelle. La Fédération nationale de la santé a lancé, quant à elle, un mot d'ordre de grève de trois jours ( du 20 au 22 mai) pour réclamer le lancement du chantier de la mise à niveau du secteur de la santé publique à travers notamment l'amélioration des équipements et des capacités financières des établissements publics. La fédération revendique aussi la rémunération du travail pendant les dimanches et les fêtes religieuses ainsi que l'octroi d'une prime de transport au personnel soignant et la reconnaissance du caractère pénible du métier de cadre paramédical. Et last but not least, les employés des grandes surfaces devraient observer les 27 et 28 mai un débrayage à l'appel de la Fédération générale de l'agroalimentaire et du tourisme. La CPG à l'arrêt A cela s'ajoutent des manifestations et de sit-in organisés dans certaines régions intérieures longtemps laissés au bord de la route du développement. A El Faouar, une délégation du gouvernorat de Kébili, des affrontements violents opposent depuis plusieurs jours des jeunes manifestants revendiquant leur droit au travail dans les six sociétés pétrolières qui pompent l'or noir de la région et les forces de l'ordre. Ces dernières font usage du gaz lacrymogène et procèdent et des arrestations musclées des protestataires, qui répliquent en mettant le feu aux véhicules de la police. Au niveau de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), la situation est devenue dramatique depuis que toutes les unités de la société ont fermé leurs portes. Des sit-in sont organisés autour des sites de production par des jeunes chômeurs réclamant des emplois. La situation a pris une tournure d'autant plus dangereuse que le nombre d'emplois directs créés par la CPG, fleuron de l'économie nationale, dépasse les 4 900 alors que les emplois indirects s'élèvent à plus de 2 500. La CPG contribue aussi de plus de 3% du PIB national et de 10% aux exportations. Bien qu'il dispose d'une légitimité électorale qui a fait défaut chez ses prédécesseurs, le gouvernement semble impuissant face à la flambée de la contestation sociale. Il évoque à tout bout de champ une marge de manœuvre budgétaire et des caisses de l'Etat quasiment vides. L'UGTT ne cesse, quant à elle, d'évoquer un risque d'embrasement. Houcine Abassi, le secrétaire général de cette centrale syndicale historique, a prévenu le 27 avril qu'une «seconde révolution sociale était imminente», fustigeant le comportement «cupide » des hommes d'affaires tunisiens qui «veulent bénéficier des avantages fiscaux, ne paient pas les impôts, soutiennent la centralisation économique, refusent l'investissement dans les régions intérieures et œuvrent à privatiser toutes les entreprises publiques pour soutenir la logique d'exploitation des ouvriers». S'exprimant lors d'une conférence de presse tenue le 7 mai à Tunis, le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Samir Cheffi, a déclaré, lui aussi, que «la jeune démocratie tunisienne n'a aucun avenir si la pauvreté et la marginalisation continuent à gagner du terrain», estimant que «l'absence d'une réforme profonde du modèle économique mènerait à une deuxième révolte populaire qui risque d'être violente et destructrice». Le gouvernement et les patrons sont prévenus...