L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois a émis son avis sur la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, en tranchant dans le sens de l'inconstitutionnalité. 28 députés avaient présenté, le 22 mai dernier un recours à l'Instance afin d'émettre son avis sur ladite loi du point de vue de sa conformité avec la Constitution. L'Instance a donc jugé que la loi est anticonstitutionnelle dans plusieurs de ses articles. Ladite Instance est pour le moment et en attendant que soit adoptée la loi sur la Cour constitutionnelle, la seule compétente en la matière. Son avis lie-t-il la commission de législation? La réponse à cette question semble évidente, autrement elle n'aurait pas sa raison d'être. La commission est donc tenue de revoir les points soulevés par l'Instance en vue et jugés contraires à la Constitution. La notification n'est pas encore parvenue à la commission car l'avis de l'Instance sera soumis au Président de la République qui le soumet à son tour à l'ARP. En l'occurrence, et bien que l'Instance ait décidé de l'inconstitutionnalité dans certains de ses articles de la loi et non dans sa globalité, il n'en demeure pas moins qu'elle évoque également le problème de non respect des procédures d'examen du texte par l'ARP, puisque celle-ci ne lui n'a pas soumis à son avis le texte de loi en question. Il est donc impératif en l'occurrence que celle-ci soit invitée à soumettre la loi à un nouvel examen de la commission de législation. Les membres de la composante civile ont salué cette décision conforme à l'avis de la majeure partie des parties prenantes de la Justice. Dans un communiqué du 8 juin dernier, l'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la Justice (OTIM) a mis en exergue les principaux articles de la loi qui sont en contradiction avec la Constitution, et notamment les articles 4, 10, 11, 12, 17, 42, 63, et 81. Pour sa part Ahmed Rahmouni président de l'Observatoire a estimé en outre que le fait de n'avoir pas présenté le projet préalablement à l'avis de l'Instance constitue une violation substantielle de la procédure. Un rôle conféré par la Constitution L'Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois est créée en vertu de l'alinéa 7 de l'article 148 de la Constitution. C'est une instance provisoire indépendante et son rôle consiste à vérifier la constitutionnalité des projets de lois. Elle procède au contrôle de la constitutionnalité des projets de loi sur demande du Président de la République, du Chef du Gouvernement, du Président de l'Assemblée Nationale Constituante, du président de l'Assemblée des Représentants du Peuple ou de trente députés au moins. C'est justement en l'occurrence le point soulevé par ceux qui estiment que le nombre de 30 députés requis selon la loi, n'est pas atteint. Des 30 députés qui ont contesté la loi, deux se sont désistés au dernier moment. L'Instance a quand même retenu le recours en dépit du nombre de députés inférieur au minimum requis. Son avis est-il lui même contraire à la procédure? Cela peut mener loin dans les conjectures et les méandres de la procédure, y compris celle consistant à requérir au besoin l'avis du tribunal administratif Dans le cas de l'expiration du délai mentionné à l'article 23 sans l'émission d'une décision par l'instance, cette dernière est obligée de transmettre le projet immédiatement au Président de la République. Si l'instance décide de l'inconstitutionnalité d'une ou de plusieurs dispositions du projet de loi qui sont détachables de l'ensemble du texte, il est possible de promulguer la loi à l'exception des dispositions jugées inconstitutionnelles. Si l'instance décide que le projet de loi est anticonstitutionnel, ce dernier est transmis au Président de la République qui le transmet à son tour à l'Assemblée Nationale Constituante ou de l'Assemblée des Représentants du Peuple pour une seconde lecture, conformément à la décision de l'instance, et ce, dans un délai de dix jours à partir de la date de transmission. Il incombe au Président de la République avant la promulgation de le retransmettre à l'instance pour un contrôle de constitutionnalité. Quoi qu'il en soit, il faut qu'il y ait une volonté commune pour la création d'un Conseil supérieur de la magistrature conforme aux principes de l'indépendance de la magistrature, consacrés par la Constitution. L'instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois a pour sa part émis un avis en vue de remodeler le projet de loi dans ce sens. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, a dit Boileau tout en incitant à « se hâter lentement sans perdre courage ». C'est une devise qui doit être celle de nos députés de l'ARP, afin de parvenir à voter des lois conformes aux principes de la Constitution, censés répondre aux objectifs de la Révolution et aux valeurs de la nouvelle République.