Les Tunisiens apprennent à connaître leur discret chef de Gouvernement. Sa dernière apparition sur Al-Watanya 1, avec en face de lui un des meilleurs interviewers, Habib Essid a pu sortir des atouts peu connus du grand public. Il a répondu à toutes les questions avec franchise et sans détours. Beaucoup parlaient de la chute prochaine de ce gouvernement. A-t-on besoin de pareil scénario ? Objectivement, c'est le contraire qui s'impose. D'ailleurs, nombreuses sont les raisons de la non disparition de ce gouvernement, le premier de la 2ème République. Déjà, à la lecture de la conjoncture politique et sociale, une dizaine d'arguments et de raisons objectives permettent d'écarter l'hypothèse d'un renversement, immédiat de ce gouvernement. Comment ? Et, surtout, pourquoi ? Une ; pour faire tomber un Gouvernement, il faut un blocage total, un remake du 17 Décembre-14 Janvier qui n'aurait jamais abouti, si Souse, Sfax et puis Tunis n'avaient bougé, en masses .Existe-t-il, un seul Sfaxien, Soussien ou Tunisois et, autres citadins de la classe moyenne, prêt à faire aboutir un deuxième soulèvement quatre ans après le premier qui n'a encore pas livré tous ses fruits. Déception pour déception, personne n'est prêt à se sacrifier gratuitement, une autre fois. S'insurger pour que d'autres en profitent, aucun jeune tunisien ne le répètera. Ceux qui veulent, aujourd'hui miser sur les mouvements de la Rue, l'apprendront à leurs dépens. Nous avons une transition démocratique qui est à sa dernière étape et seules les urnes départageront les différents protagonistes. Nous ne sommes plus sous une dictature pour jouer la carte du soulèvement, dit « populaire ». Deux ; la « Jabha chaâbya » a trop de problèmes internes à résoudre, pour pouvoir participer efficacement à des mouvements de rue qui feraient tomber un gouvernement assis sur une très large et solide majorité au sein de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Trois ; le Front populaire chercherait, selon nombreux observateurs, à ne pas dilapider encore plus le capital sympathie dont il a bénéficié lors des dernières élections. Une nouvelle vague de leaders prendrait les devant de la scène. Et, ils sont bien nombreux au sein d'une alliance faite entre plus de dix partis politiques sans compter les indépendants. Le « Peuple » de Gauche a besoin de voir sur la scène un Rocard tunisien, un Chevènement, un Jospin qui parlerait de « droit d'inventaire » en pensant à Hamma Hammami à la place de François Mitterand...Les Zied Lakhdhar, Ahmed Seddik, Mohamed Jemour, Jilani Hammami peuvent très bien assurer la relève et être au rendez-vous en 2020. Les jeunes et les femmes sous-représentés dans ce front pourraient devenir des frondeurs... Quatre ; encore au sein de la Gauche tunisienne, le modèle d'analyse de la société date des années soixante-dix. Sa révision pour s'adapter à l'ère du numérique et de l' internet, s'impose et occupera, pour longtemps, les stratèges, pour éviter un revers aux prochains rendez-vous électoraux. Cinq ; reste l'initiative des Watad de créer un Grand parti de gauche moderne et de masses conformément aux rêves de Chokri Belaïd. Ce chantier, mérite beaucoup d'énergie. Et, ils n'ont aucun intérêt à gaspiller leurs forces dans des querelles dépassées, avec le gouvernement Essid. Six ; si la Gauche politique se place en dehors des coups bas, qui d'autres chercherait à faire tomber le gouvernement ? L'Union Générale des Travailleurs Tunisiens ne le fera jamais, car ses adhérents ont obtenu de ce gouvernement plus que de tout autre. Sept ; Al-Massar a opté par fidélité à son option de soutien-critique, ne jouera jamais l'aventurier. Huit ; que reste-t-il pour que tombe le Gouvernement Essid ? Rien, sauf ses éventuelles erreurs fatales. Or, sa démarche des petits pas qui deviendront grands, montre que la prudence paye. En optant pour cette méthode initiée par Kissinger, ancien secrétaire d'Etat américain, des Affaires étrangères, et sa tendance à résoudre les conflits en respectant la loi et sans chercher à bousculer les équilibres politiques existants, Essid a de fortes chances de réussir. Neuf ; Essebsi, en choisissant Essid à la tête du Gouvernement sait qu'il va buter sur de gros problèmes et de grands obstacles, mais il a suffisamment d'expérience et de cartes politiques pour prendre des initiatives qui surprennent et remettent les choses dans leur ordre naturel. L'homme politique qu'il est, du haut de toutes ses expériences, ne lâchera pas son poulain et saura le propulser au devant de la scène, à tout moment, en cas de besoin. Dix ; avec quelques retouches qui s'imposent dans un nombre réduit de postes dont les titulaires ont encore du mal à s'adapter et retrouver leurs repères, l'équipe actuelle, survivra à toutes les crises. Enfin, il faut bien savoir communiquer, sinon place aux rumeurs qui balaieraient tout sur leur chemin.