Avec son franc parler habituel et sa fougue qui ne fléchit pas, cet homme politique très rusé, destourien d'origine et démocrate depuis le début des années soixante-dix du siècle dernier, livre aux lecteurs du Temps, la quintessence de ses expériences au pouvoir et dans l'opposition. Comme toujours, il sait surprendre par ses idées toujours à la page. Aujourd'hui avec son dynamisme que lui envieraient certains jeunes scotchés devant leur PC, il propose aux vieux renards politiques et à tous les politiciens qui s'étaient opposés à Bourguiba et son successeur, de laisser la scène politique aux jeunes tout en les aidant à assurer la relève. C'est de Mohamed Mouâada qu'il s'agit, un des fondateurs du MDS, après avoir désespéré de transformer de l'intérieur, le PSD au pouvoir dans les années post- indépendance. Ses éclairages réconforteront les jeunes et certains moins jeunes. Détails. Le Temps : Quatre années après le soulèvement du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, comment trouvez-vous la Tunisie et ses élites ? Mohamed Mouâada : Les élites ? Qu'ils crèvent ! (yerzik fihom), comme disait Ahmed Ben Salah à son époque. La situation économique et sociale est pratiquement au bord du ravin, comment s'en sortir ? C'est la catastrophe, selon un jugement unanime, et ce à tous les niveaux, politiques, économique et social. Comment s'en sortir ? Autant tout le monde fait le même diagnostic apocalyptique et parle de dialogue, réconciliation, autant, malheureusement, aucun signal de la moindre avancée dans ce sens, n'est perceptible. Tout le danger est là. Est-ce une crise d'idées chez l'élite tunisienne grandie dans l'opposition à Bourguiba et à son successeur, devenue incapable structurellement, organiquement et idéologiquement d'imaginer des solutions... ? La classe politique au pouvoir ou dans l'opposition a une manière de réfléchir dépassée par le temps et est inadaptée à l'étape actuelle. La Tunisie est à l'image d'une voiture immobilisée et dont toutes les roues sont usées. Il faut les remplacer toutes. Nous avons besoin d'une véritable Révolution, culturelle au sens large du terme pour pouvoir trouver des solutions et sauver la situation. Dans le même ordre d'idées le monde arabe vit depuis la dite Révolution du Jasmin une dégradation totale avec beaucoup de foyers de tension, d'anarchie...L'Occident a qualifié l'insurrection du 17 décembre-14 janvier de « Révolution du Jasmin », elle s'est avérée une opération de désertification totale, d'abrutissement, de création de zones d'anarchie, partout. Où sont passés les penseurs arabes ? L'insurrection a surpris tout le monde. Toutefois, l'Occident et à sa tête les Etats-Unis disposent de Think thank qui aident les hommes au pouvoir à décider. Quant à nous, même si quelques uns ont quoi dire, on ne les laissera pas tranquilles. Y –a-t-il une voie pour sortir de cette situation ? Sans être totalement pessimiste, je pense que comme dans un accouchement, il aura lieu quand même, quitte à opter pour un césarienne. Des compétences jeunes existent. La preuve, elles font le bonheur de leurs employeurs à l'étranger. Ces jeunes sauront trouver les solutions adéquates. C'est la seule voie de salut. Et, vous les sages, quel est votre rôle ? La classe politique qui a atteint son niveau d'incompétence selon le principe défini par Péter, doit se retirer et encourager es jeunes à percer. Que penses –tu d'Enahdha et de Rached Ghannouchi ? Ennahdha est le seul parti, structuré. Le discours de Rached Ghannouchi a beaucoup évolué dans le bon sens. Et, Béji Caïd Essebsi ? C'est un véritable démocrate. Aujourd'hui, il a du mal à trouver tous les moyens pour traiter les grandes difficultés qui se présentent. Tout dépendra de sa capacité d'adaptation. Vous aviez dit que la composition de la liste des fondateurs, si on la téléchargeait dans un PC, le PC éclaterait en mille morceaux, tellement ils sont si éloignés l'un de l'autre ? De toute façon, aujourd'hui Nida souffre d'une crise de structures internes profonde. Ce parti a été vite appelé à former un gouvernement, avant que les différents groupes disparaissent. Ça grince de partout. Et demain ? La Tunisie a intérêt à ce que les problèmes internes de Nida soient résolus.