Hier, au cimetière de Gammarth, Alain Nadaud rejoignait sa dernière demeure. Cet écrivain repose désormais en terre tunisienne, dans cet humus qu'il avait tant aimé et si bien décrit. En promenade dans la forêt de Gammarth, Nadaud a écrit des lignes inoubliables qui nous reviennent à l'esprit: "Hormis les bosquets d'oliviers sauvages et, presque incongru au milieu des broussailles, le surgissement inopiné d'un cactus ou d'un figuier de Barbarie (...)Lorsqu'on marche en silence, on entend de loin les pommes de pin se détacher avec un claquement sec qui fait dresser l'oreille; elles tombent sur le sol tapissé d'épines avec un imperceptible bruit d'étoffe". Un authentique ami de la Tunisie Alain Nadaud pressentait-il qu'il reposerait un jour en cette terre? On peut affirmer qu'il l'avait choisie en s'installant en Tunisie depuis une quinzaine d'années, en posant ses valises dans ce pays qu'il aimait et dans lequel il s'était enraciné auprès de son épouse Sadika. C'est en pleine mer, au large de la Grèce, que l'écrivain français Alain Nadaud a trouvé la mort. Il a succombé à une crise cardiaque à l'age de 66 ans. Sa dépouille a ensuite été rapatriée à Tunis, parmi les siens, famille et amis. Ecrivain réputé, Nadaud est l'auteur d'une oeuvre trés riche, multiforme, dominée par le roman et bonifiée par plusieurs essais à la fois doctes et richement documentés. "Archéologie du zéro" (1984) fut son premier roman qu'il écrivit de retour en France, après avoir enseigné en Irak. Parmi ses textes, il existe un roman d'inspiration tunisienne, intitulé "Auguste fulminant" (1997) et paru alors que Nadaud était responsable du Bureau du livre à l'Institut français de Tunis. C'est cette mission de trois ans, menée à la fin des années 90, qui le fera connaitre en Tunisie. Ses oeuvres ont alors commence à circuler et son style particulier à être apprecié par un lectorat toujours plus nombreux. Après son départ de Tunis, il ira occuper de nouvelles fonctions au Canada mais poursuivra son travail d'écriture avec les remarquables "La Fonte des Glaces" (2000) et "Le Vacillement du Monde" (2006) puis "Le Passage du Col" (2009), son dernier roman. Trés borgesien, Nadaud aimait construire des intrigues imaginaires sur fond de réalité. Dans une démarche proche de celle du Milan Kundera de "L'Immortalité", il instillait de l'imaginaire dans les interstices de l'histoire et faisait se téléscoper mondes réels et virtuels. Ces dernières années, Nadaud avait affirmé son désir de cesser d'écrire dans un bref essai intitulé "D'écrire, j'arrête" (2010). Fatigué des connivences parisiennes, celui qui vivait éloigné du microcosme dans lequel se font et défont les carrières, entendait par ce geste dénoncer le nombrilisme éditorial français. Toutefois, il continuera à caresser les muses tout en cultivant son jardin et en animant avec Sadika l'espace culturel de Gammarth qui porte désormais son nom. Muses et jardins secrets A la fin des années 90, Alain Nadaud a été un infatigable animateur de la scéne littéraire tunisienne. Grâce à lui, plusieurs écrivains français avaient visité la Tunisie, à l'image de Robert Solé, Hubert Haddad ou Nedim Gursel. Il a poursuivi cette tâche passionnante en suscitant plusieurs rencontres littéraires à l'espace Sadika qui vient donc de lui être dédié. Né en juillet 1948 à Paris, Alain Nadaud est mort le 12 juin 2015 à Amorgos, en Grèce. Bourlingueur devant l'Eternel, il fut "cette haute silhouette et ce doux sourire dans les rues de La Marsa". Et comme le soulignait l'écrivain Philippe Di Folco, entre Nadaud et la Tunisie, "c'est bien plus d'une histoire - c'est d'amour qu'il s'agit".