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Lotfi Larguet, intellectuel indépendant : «Le dialogue social ne doit jamais s'arrêter !»
Publié dans Le Temps le 02 - 08 - 2015

Militant syndicaliste, au sein de la fédération syndicale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, il a joué un rôle important
dans la mise au point et la réussite de la grève administrative dans l'enseignement supérieur sous l'ancien régime. Il figure parmi les 93 signataires de la pétition du 20 mars 2001 contre la candidature de Ben Ali en 2004 avec ses amis et collègues Ezzedine Mhedhebi, Hamadi Redissi, Samir Taieb, Sami Aouadi, Rached Bouaziz etc... Par ailleurs, il a animé plusieurs conférences organisées par des partis politiques sous l'ancien régime comme le PDP sur la censure, la liberté de la presse, les droits de l'homme ; et à chaque fois, il a été limpide dans ses critiques envers le pouvoir en place à l'époque. Il s'agit de Lotfi Larguet , l'Universitaire, enseignant en droit, et de longue carrière de journaliste.
Il répond aux interrogations actuelles à propos de la scène politique avec sa face visible et celle qui est cachée. Détails.
Le Temps : Depuis le 17 décembre- 14 janvier, où sont passés nos intellectuels ? Nous ne les entendons pas analyser les faits qui se succèdent et proposer des solutions ?
Lotfi Larguet : Il est difficile de répondre à une telle question. Pour deux raisons. D'abord, les intellectuels tunisiens ne forment pas une entité homogène pour agir ensemble. Ils « agissent » soit en solitaire ou au sein de groupes très restreints formés en fonction d'affinités généralement idéologiques ou/et politiques. Après le 14 janvier, certains se sont retrouvés au sein de la haute autorité de Ben Achour ; d'autres, et pour diverses considérations,
se sont investis dans les ONG, d'autres, ont joué « le jeu » en cherchant la notoriété dans les différents plateaux médiatiques
à la télé ou dans les radios, enfin, une dernière catégorie a préféré la discrétion. Ensuite, que pouvaient faire ou apporter les intellectuels dans un espace politico-social caractérisé par une véritable anarchie. Le pays a été entraîné dans une interminable et suspecte
guerre idéologico-religieuse qui aurait pu l'emporter vers les abysses, et les intellectuels
se sont retrouvés prisonniers de ce contexte, et donc obligés de choisir « leur camp » au risque de se départir de leur « bon sens » intellectuel, si je peux m'exprimer ainsi. Maintenant, il faut reconnaitre aussi une forme de marginalisation des intellectuels dans la mesure où les cercles de réflexion ne sont guère disponibles que ce soit au sein des structures de l'Etat ou dans les partis, là où le politique, donc l'éphémère, prend le pas sur les idées. Puis, les intellectuels n'ont aucune chance de se faire entendre, les voies de la « publicité » de leurs contributions étant très limitées voire inexistantes dans notre pays. C'est ce qui peut expliquer, en partie du moins, leur mise à l'écart. Je note quand même aujourd'hui l'initiative prise par des intellectuels pour prendre une position sur le terrorisme. C'est une bonne chose.
Ce qui s'est passé en Tunisie a surpris tout le monde, les grandes puissances étrangères, les partis politiques tunisiens... Comment expliquez-vous cet effet-surprise alors que depuis 2008, au bassin minier, on sentait l'étincelle ? Aviez-vous été surpris par le 14 janvier ?
Dire que je m'attendais à une chute aussi rapide du régime serait prétentieux de ma part. La seule chose que j'avais à l'époque pressenti, c'est que si la révolte atteignait les grandes villes et surtout la capitale, la situation
pouvait évoluer mais, je le redis encore une fois, pas au point de voir Ben Ali quitter le navire. Quant aux événements de 2008 dans le bassin minier, ils pouvaient certes être annonciateurs de changement mais pas aussi « radical ». La féroce répression qui s'en est suivie ajoutée à l'absence de forces politiques capables de prendre en mains ce changement et de le diriger militait en faveur du statuquo. Enfin, les puissances étrangères n'ont pas été surprises puisqu'elles sont, quelque part, derrière
ce changement.
Croyez-vous au printemps arabe ? Et pourquoi ?
Croire ou ne pas croire au « printemps arabe » n'est plus d'actualité. Aujourd'hui, on est devant un fait accompli, puisque le monde arabo-musulman se retrouve en pleine tourmente,
et probablement à l'orée de profonds changements. Nous formons la seule partie au monde où il y a des conflits meurtriers, où la violence sociale et politique atteint des seuils intolérables, où la cruauté et la barbarie sont devenues quotidiennes presque banales, où l'anarchie et le désordre sont les principales caractéristiques de nos sociétés. Nous véhiculons
une image extrêmement négative de gens particulièrement violents, insensibles aux avancées de l'humanité sur plusieurs plans. Nous sommes assimilés à des adeptes de la destruction et de l'intolérance. C'est pour cela que nous devons, en tant que peuples, essayer de redresser la barre, de reprendre l'initiative et notre destin en mains, et d'éviter d'être des pantins aux mains des mercenaires et des « puissances » étrangères ! Et les nouveaux gouvernants doivent s'assumer pour mettre nos pays sur les bons rails. Ce qui n'est guère évident, du moins en l'état actuel des choses !
Aujourd'hui, comment voyez-vous le rôle des intellectuels et des penseurs tunisiens ?
Ils peuvent, à mon humble avis, jouer deux rôles. Ils peuvent tout d'abord participer à la gestion des affaires du pays. Certains, au-delà de leur qualité d'intellectuel, disposent de suffisamment
d'esprit pratique pour bien conduire les affaires de l'Etat. D'ailleurs, on ne peut qu'apprécier le travail accompli par des intellectuels à la tête de certains départements
ministériels comme NejiDjelloul, Mahmoud
Ben Romdhane ou Latifa Lakhdhar. Je considère qu'ils gèrent leurs affaires en toute probité, loin des calculs carriéristes parce qu'ils ont le sens de l'Etat et de l'intérêt général,
et pas soucieux de préserver leurs postes par tous les moyens ! Ils peuvent aussi servir dans des cercles de réflexion pour préparer le futur du pays par la recherche de solutions novatrices dans tous les domaines. L'Etat doit faire appel à leurs services et valoriser leur apport. D'une manière générale et dans le monde arabe, les intellectuels sont marginalisés,
alors qu'ils disposent d'un statut privilégié
ailleurs, là où on respecte et où on valorise les idées.
Quatre ans après le 17 décembre 2010- 14 janvier 2011, comment trouvez-vous la Tunisie ?
La situation est fort complexe. Tout d'abord, je dois dire que nous assistons au recyclage et à la reproduction de l'ancien système
sur le double plan social et économique. Aucune évolution n'a donc été enregistrée dans ce domaine, et il n'est pas près de changer
si nous demeurons soumis et adoptons les traditionnels schémas libéraux dictés par les instances internationales. Lorsque le libéralisme
a été en crise et « en danger » au début du XXème siècle, il a su trouver de nouvelles réponses pour éviter le naufrage. Tout en préservant
certains de ses principes fondamentaux,
il a opté pour une meilleure redistribution
des richesses avec une réforme de la fiscalité
et le développement des services publics par le développement de l'intervention
de l'Etat dans les affaires économiques. Or aujourd'hui, on n'assiste pas à la restauration
du service public, mais au contraire à sa détérioration et à sa dégradation, prémices à sa disparition. Ce qui aurait des conséquences dramatiques pour nos citoyens notamment en matière d'éducation, de santé, de transport, d'énergie etc.
Je considère aussi que nous n'avons pas répondu à une question principale et fondamentale
à mes yeux, et qui est celle relative au modèle de société que nous voulons. C'est là, à mon humble avis, le véritable gros problème
qui empoisonnera le futur du pays. C'est l'hypocrisie politique qui a dominé sur ce plan, et domine encore ! Les Islamistes n'ont pas définitivement renoncé à leur projet de société, et ils ne le feront jamais ! D'ailleurs, la Constitution n'a pas répondu clairement à cette problématique dans la mesure où elle est truffée de dispositions susceptibles
de diverses interprétations, parfois même les plus contradictoires. Et nous en avons eu déjà la preuve avec celles distillées par Rached Ghannouchi récemment dans une interview à un quotidien de langue arabe, et celles proclamées par les « nidaistes » ! Or, une démocratie est fondée sur des principes communs à tous les partis légaux parmi lesquels
le modèle de société, les libertés individuelles,
les droits de l'homme, l'alternance pacifique, etc. Cela n'est pas garanti avec les Islamistes !
Sur le plan politique, comment se présente
la situation actuelle ?
Elle pouvait être meilleure sans le phénomène
terroriste. A mon avis, la situation politique
actuelle du pays ne peut se stabiliser que si on arrive à réussir à surmonter deux écueils sérieux. D'abord, le terrorisme contre qui la lutte va être longue et dure. Le vaincre passe en premier lieu par une action multidimensionnelle
touchant le culturel, l'éducatif, l'économique et le social. En deuxième lieu, par la restructuration et la modernisation des moyens de lutte sur le terrain à la fois sur le plan structurel et logistique. Et en troisième lieu, par une vigilance de tous les instants de la part des citoyens et des forces de sécurité.
Le second écueil est relatif à la question de la réconciliation nationale. Je pense que le pouvoir politique est très hésitant sur ce plan et ce, depuis la Troïka. On se rappelle combien
la détermination d'une justice transitionnelle
a pris du temps, et lorsqu'on l'a mise en place, et sans avoir le moindre préjugé sur personne, je considère que l'on n'a pas réussi « le casting » avec le choix de personnes contestées alors qu'il fallait choisir des membres
au-dessus de toutes les critiques et capables
de faire l'unanimité autour de leur personne.
Ensuite, on distingue aujourd'hui entre la réconciliation économique et la réconciliation
politique. C'est peut-être une bonne résolution
mais il ne faut pas qu'elle soit un prétexte
pour blanchir des personnes ou des hommes d'affaires véreux, qui ont profité de l'ancien régime pour décupler leurs richesses de manière indue. Il va falloir être juste sans être populiste ; il s'agit de protéger les intérêts du peuple sans faiblesse mais en toute équité. Difficile pari !
Parlons modèle de développement. Vous attendez-vous à des changements ?
Dire que je m'attends à des changements, pas vraiment ! Mais, je les souhaite dans la mesure où ils sont nécessaires pour une double
raison : réinstaurer une forme de confiance entre les gouvernants et les citoyens, et accomplir le voeu d'une justice sociale entre les diverses classes sociales et entre les différentes
régions. Sur ce plan, je pense, et comme je l'ai déjà dit auparavant, l'on ne doit pas s'appuyer sur les solutions « miraculeuses
» des institutions internationales qui ont produit des catastrophes sociales ailleurs, mais rechercher des solutions nouvelles, originales
et adaptées à notre véritable situation et à notre réalité économique et sociale. Lorsque
j'entends et lis que nous allons au-devant de « solutions qui vont faire mal», je ne peux qu'exprimer mon inquiétude. J'estime que l'on tombe dans la facilité sans aucune considération
pour les populations qui ont toujours été victimes des « réformes douloureuses », les salariés et les classes démunies.
Si rien de sérieux n'a été fait au profit des catégories démunies alors que les autres couches sociales ont les syndicats pour les défendre, que faire aujourd'hui ?
Tout le problème réside justement dans cette approche parcellaire qui ne peut produire
que des effets anesthésiants, ponctuels et éphémères. Il ne s'agit pas de voir comment
venir en aide aux catégories démunies, mais de concevoir une politique d'ensemble touchant toutes les catégories sociales, tous les secteurs, tout le pays. La Tunisie n'est pas une somme d'intérêts catégoriels ou régionaux,
mais une entité homogène avec certes des intérêts qui peuvent être contradictoires, mais là il revient à l'Etat de réguler tout cela. L'absence de vision globale me semble être à la base de cette course d'obstacles des pouvoirs
publics face aux problèmes qui se posent à eux. Ils sont dans la réaction et non dans l'action, dans la gestion quotidienne et non dans la préparation de l'avenir. C'est donc l'inverse qui devrait se produire. L'incapacité de mettre au point un plan de développement avec des objectifs et des moyens précis me paraît être le résultat de l'inexistence d'une pensée claire et limpide se rapportant aux orientations économiques et sociales des partis
au pouvoir. Sans une « feuille de route » qui éclaircit les horizons, on ne peut galvaniser
un peuple ni le motiver pour « tirer » dans le même sens !
A ce niveau, il serait aussi souhaitable d'instaurer de véritables mécanismes de participation
avec toutes les parties concernées, les syndicats, la société civile, les médias, l'administration,
les spécialistes pour instaurer une société où tout le monde se sent, quelque part, responsable du destin de ce pays et de ses générations futures.
Etes-vous favorable à un dialogue social pour arrêter l'hémorragie des finances de l'Etat ?
Mais le dialogue social ne doit jamais s'arrêter !
Il doit se poursuivre sous une autre forme et avec d'autres objectifs. Jusque-là qui disait dialogue social, disait négociations sur les augmentations des salaires dans le secteur public et le secteur privé, discussions sur les conventions collectives, et rien d'autre. Cette démarche est éculée et cet ordre du jour est devenu bien étriqué. Aujourd'hui, ce dialogue social doit non seulement se rapporter à ces questions classiques, mais doit aussi toucher les entreprises, la fiscalité, les investissements,
les choix économiques, les orientations sociales, bref tout ce qui a un caractère social et permette d'assurer le lien entre pouvoirs publics et syndicats des salariés et des patrons.
Si nous revenons à la question politique, pensez-vous que les partis politiques sont en train de jouer pleinement leur rôle dans l'encadrement de la société et la formation des leaders de demain ?
Aujourd'hui, les partis politiques sont en crise en Tunisie. D'abord, leur profusion après le 14 janvier, quoique naturelle, a produit un effet négatif sur l'opinion publique. Celle-ci y a vu l'expression de l'opportunisme d'individus
sans aucune envergure et sans aucun projet
sinon le leur ! Ensuite, on peut relever que certains partis politiques ont du mal à se remettre de leur dernière déconvenue électorale
et donc de continuer d'exister. Pourtant, ils sont relativement anciens mais leurs pratiques
les ont renvoyées aux oubliettes à l'instar
du PDP, d'Ettakatol, du CPR et autres formations.
Aujourd'hui, la scène politique est dominée par deux grandes formations, Nida et Ennahdha, qui se sont alliées pour diriger le pays, vraisemblablement contre la volonté de leurs propres bases qui ne voient pas d'un bon oeil ce rapprochement contre-nature mais qui a été probablement imposé par les chancelleries
étrangères. Si les Islamistes restent unis malgré leurs dissensions, Nida pourrait connaitre des développements négatifs à cause des forces centrifuges qui le traversent, et pourrait donc imploser. Il revient à ses adhérents de savoir le préserver. Il y a aussi le Front Populaire qui propose des alternatives. Il reste qu'il lui revient d'affiner son discours et de moderniser son image et ses approches en devenant plus pragmatique sans pour autant se renier !
Quel est le profil d'un parti alternatif ?
Il est difficile d'affirmer aujourd'hui qu'un nouveau parti puisse faire son « trou » dans le paysage politique actuel. Il y a peut-être encore de la place pour un nouveau parti à condition qu'il propose aux Tunisiens un projet
clair et adopte une démarche moderne et un autre type de communication afin de pouvoir
attirer notamment les jeunes.
On parle du retour des Destouriens ?
Mais, les Destouriens n'ont pas disparu. Ils se sont simplement recyclés, les uns chez Ennahdha, les autres à Nida. Maintenant, on apprend qu'ils espèrent s'organiser de manière autonome, mais ils l'ont déjà fait et n'ont pu récolter que des miettes.
On prête à Mehdi Jemaa l'intention de revenir sur la scène politique. A-t-il des chances ?
Je pense qu'il continue de bénéficier auprès de l'opinion publique d'une certaine sympathie
après son passage à la tête du gouvernement
après la Troïka dans un contexte pas facile. Même si je crois que lui et son équipe auraient pu faire mieux, son bilan est globalement
positif avec la réussite du processus électoral et la réinstauration de la sécurité.
Etes-vous optimiste quant à l'avenir immédiat, à moyen et à long terme de la Tunisie ?
Il ne s'agit pas de se déclarer optimiste ou pessimiste pour l'avenir de notre pays. Il faut se poser les bonnes questions. Que faisons-nous pour mettre notre pays sur la bonne voie et donc créer une onde de choc positive de nature à rendre les citoyens optimistes ? Il me semble que le gouvernement ne fait pas suffisamment
pour permettre une relance réelle. Le pays a besoin d'audace et de fermeté, audace dans les choix et les décisions, fermeté dans l'application de ces décisions. Cependant,
ce n'est pas tout. Ce qui m'inquiète le plus aujourd'hui, c'est cette défectueuse mentalité
qui s'est installée au sein de la population
par rapport à sa relation avec le travail et à sa vision des choses. Aujourd'hui, et à quelques
rares exceptions, personne n'est en train de faire honneur à son métier et de mériter son salaire, et principalement dans le secteur public. Les services publics se dégradent sans que les parties concernées ne réagissent. A ce niveau, la société civile et les syndicats peuvent
jouer un grand rôle, et non seulement revendicatif. Nous sommes aussi devenus trop individualistes, et il s'agit là de la plus grave menace qui pèse sur notre pays. Une prise de conscience générale est plus que nécessaire pour sortir la tête de l'eau, relancer le pays et se redonner de l'espoir. Nous devons comprendre
que nos destins personnels sont intimement
liés l'un à l'autre, et cela doit se transcender pour se transformer en l'intérêt national. Enfin, je note aussi une forme de recul culturel inquiétant pour les libertés notamment celles de la femme, sans laquelle le pays aurait déjà basculé dans les ténèbres. La femme tunisienne est le pilier de notre présent,
elle doit le demeurer pour son avenir aussi !
On vous connait aussi dans le domaine sportif. Que faut-il faire de ce côté-là ?
C'est un vaste problème qui mérite en premier
lieu une détermination des objectifs puis des moyens. A mon sens, le sport est une activité
économique à part entière qui génère des milliards et des milliers d'emplois. Il doit donc être traité comme tel avec des incitations,
des encouragements etc. Il est aussi une activité ludique servant à l'encadrement et à l'épanouissement de la jeunesse. C'est donc un vecteur social extrêmement important qui pourrait occuper des centaines de milliers de jeunes dont certains pourraient devenir de grands champions sur le plan international. Le sport permet à une nation de se mettre en valeur dans le concert des nations de belle façon. Un sportif qui remporte une médaille olympique ou devient champion mondial peut faire connaitre son pays mieux que quiconque !
L'évolution passe par une profonde restructuration
du sport, de sa législation et de ses institutions. Il y a une infrastructure à développer entre les départements concernés dans les écoles, les lycées et les universités, un emploi du temps scolaire à réaménager pour permettre aux élèves de faire du sport, mais aussi d'autres activités artistiques, scientifiques
ou autres. Il y a une législation à améliorer,
à épurer et à développer. Enfin, il y a des institutions à développer en faisant en sorte de distinguer le sport professionnel du sport amateur, tout en maintenant une certaine relation entre eux. Bref, c'est un très vaste chantier, comme l'est actuellement notre pays. Mais, la réussite est possible. Il suffit de motiver
les citoyens afin de pousser dans le bon sens et de montrer sa sincérité et son intégrité, les deux conditions nécessaires et obligatoires pour obtenir leur soutien et leur aval.


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