En programmant pour la soirée de clôture la troupe X de Chady Garfi, le Comité directeur du Festival de Boukornine croyait agir pour le mieux, convaincu que le choix des spectacles devrait résoudre l'équation du culturel et du divertissant sans pour autant négliger l'aspect nécessairement matériel pour parvenir à équilibrer un budget souvent maigre par rapport aux ambitions du Comité directeur et aux attentes d'un public hétérogène et aux multiples goûts. En effet, la plupart de ceux qui ont eu l'occasion d'assister à la soirée de clôture, le samedi 22 août, auraient regretté leur déplacement et seraient rentrés un peu désappointés. Artistiquement, il n'y a peut-être rien à reprocher à la troupe de Garfi, qui a choisi de marier les genres classiques et modernes, réunissant des instruments à cordes, au vent, en cuivre et à percussion, donnant ainsi une musique hybride et des reprises de morceaux classiques devenues, à force d'être modifiées musicalement, quasi méconnus ou incompréhensibles par une assistance composée en grande partie par d'individus venus essentiellement de mettre de l'ambiance et chanter avec les artistes, se déhancher le temps d'un concert pour se marrer et se défouler. Et ce n'était pas par hasard si certains spectateurs commençaient à quitter les lieux dès les premières minutes du concert. Abordant certains d'entre eux, ils semblaient unanimes pour dire : « Ce n'est pas un spectacle digne d'une soirée de clôture, à comparer avec ceux qui ont précédé, comme Idir, Gnawa, Ziara... » Sans doute, ce soir, l'absence du public résultait du choix (délibéré ou innocent !) du comité directeur. En fait, rien ne resterait gravé dans la mémoire du programme présenté ce soir par cette troupe, à part les quelques morceaux classiques interprétés par Noureddine Béji qui s'est produit deux fois sur la scène, précédée par trois chanteurs, deux voix féminines et une voix masculine, apparemment nouveaux dans la sphère musicale, et qui passaient sous couvert d'anonymat, puisqu'on n'avait pas pris la peine d'annoncer leurs noms au public, ni avant ni après leur prestation respective. Les performances musicales de cette troupe formée d'une pléiade de plus de vingt musiciens tunisiens étaient certes formidables, mais elles n'étaient pas à la hauteur des attentes d'un public qui aurait préféré une musique plus rythmée, plus effrénée, qui créerait de l'ambiance et inviterait la foule à la fête et à la danse. Car, une soirée de clôture est toujours considérée comme une fête à célébrer ! D'ailleurs, qu'on le veuille ou non, le large public de la banlieue-sud a une certaine prédilection pour la musique populaire et, à part une élite très restreinte de mélomanes, la plupart des gens ont une certaine aversion pour la musique classique, orchestrale : « Ce n'est pas de la musique pour un festival d'été, nous a confié un spectateur, c'est plutôt une musique de salon, qu'il faut écouter dans un lieu couvert, comme le Théâtre Municipal de Tunis ! » Nous pouvons dire, maintenant que les jeux sont déjà faits, que le programme concocté par le Comité Directeur de la 36è édition de Boukornine était copieux et louable, dans la mesure où tous les membres, armés d'une volonté inébranlable d'agir pour la propagation de la culture dans la banlieue-sud et par-là même sortir le Festival International de Boukornine de sa léthargie et redorer son image d'antan. Cependant, ce spectacle de musique orchestrale savante, recherchée et élégante, aurait pu être programmé lors d'une autre soirée autre que celle de la clôture, car le public accorde en général une importance capitale à deux soirées, à savoir l'ouverture et la clôture, les deux soirées qui resteraient mémorables dans l'esprit du public. L'on se rappelle encore des soirées de clôture organisées au cours de ce Festival qui furent consacrées à la finale des chanteurs amateurs maghrébins durant plusieurs années de l'histoire du festival. Pourquoi n'a-t-on pas pensé à une soirée pareille, si vraiment on voulait récupérer la vocation maghrébine du Festival ?