Interview de Mondher Thabet, secrétaire général du Parti Social Libéral (PSL) : « Quel serait l'avenir de la Tunisie si les partis politiques se livraient à une compétition pour la conquête de l'appui des puissances étrangères ? » Mondher Thabet, notre invité, aujourd'hui, a été élu secrétaire général du Parti Social Libéral (PSL), lors de la tenue du congrès de ce parti le 15 juillet 2006 après la démission de Me Mounir Béji ex-président du PSL. Il nous parle du bilan de ses 15 mois passés à la tête du parti, des perspectives d'avenir, de la Rencontre Démocratique qui regroupe ce parti, l'Union Démocratique Unioniste (UDU), le Parti de l'Unité Populaire (PUP) et le Parti des Verts pour le Progrès (PVP), des réformes et d'autres questions. Interview.
• Le Temps : Il y a quinze mois que vous êtes à la tête du parti quel en est, selon vous, le bilan ? -Mondher Thabet : Objectivement et de l'avis de plusieurs observateurs je peux considérer le PSL comme étant un parti émergent. En un laps de temps nous avons réussi à constituer une logistique fonctionnelle capable d'apporter une valeur ajoutée à la direction. Nous avons pu également constituer des organisations notamment celle de la jeunesse ainsi que cinq bureaux des fédérations et nous avons pu également faire rééditer El Oufok, l'organe de presse du parti. D'ailleurs, son huitième numéro paraîtra ces jours-ci. Sur le plan extérieur nous sommes parvenus à relooker l'image de la diplomatie de notre parti au sein des organismes de l'Internationale Libérale notamment, au sein du réseau libéral africain, du réseau libéral arabe ainsi que l'organisation mère qui regroupe les libéraux du monde entier. Politiquement le PSL s'est affirmé en tant que parti centriste modéré partisan d'un dialogue serein dans le cadre d'une transition consensuelle. L'adhésion du PSL au projet de la Rencontre Démocratique qui regroupe trois autres partis, le PUP, l'UDU et le PVP, prouve que la nouvelle direction a rompu avec l'adhésion sectaire qui a terni l'image du parti. • Ceci pour le bilan parlez-nous des perspectives d'avenir du PSL. -Dieu merci nous ne tombons pas dans l'autosatisfaction. Nous considérons le PSL comme un vaste chantier où le manque en structures et en cadres requiert davantage d'efforts et davantage de souplesse pour pouvoir remporter le pari des élections législatives de 2009. A partir de décembre prochain, le PSL concentrera ses efforts sur l'installation des bureaux des fédérations du Kef, de Sfax, de Gafsa, de Béja et de Bizerte ainsi que la constitution du bureau provisoire de l'organisation de la femme libérale. Le site web est également en chantier et nous espérons le voir entrer en fonction d'ici début 2008. • Au parti et à la direction même on vous reproche un pouvoir personnel et une gestion financière qui manque de transparence. -Il n'y a pas au PSL et depuis le congrès du 15 juillet 2006 une quelconque forme de « despotisme » dans la gestion des affaires politiques ou organisationnelles du parti, seulement des vieilles habitudes malsaines ont subsisté chez certains membres du parti de ceux qui offraient en pâture le parti à ses adversaires. Nous avons veillé à sanctionner ceux qui alimentaient la presse à scandale qui se payait la crédibilité des partis modérés pour légiférer le statu quo défendu par les conservateurs et la surenchère pratiquée par les extrémistes. Un parti politique est une affaire sérieuse. Personnellement je veillerai à ce que le PSL soit respecté et à ce que les questions ou les problèmes qui pourraient survenir soient élevés au niveau d'un débat national franc et direct. Je ne permettrai jamais que le PSL soit l'argument par lequel certaines parties exécuteraient leur catharisme. Quant à la direction politique nous avons toujours dirigé les affaires du parti dans le cadre de la concertation et le consensus dans les limites évidemment des compétences des uns et des autres. J'ai appelé personnellement à un débat public concernant les finances des partis et des associations. Un débat qui traitera également du financement extérieur perçu par certaines associations. • Vous paraissez confiant mais certaines parties qualifient le PSL de parti d'allégeance. Qu'en pensez-vous ? -Le qualificatif est tout à fait inadéquat au PSL en tant que parti libéral. Nous considérons que le pouvoir a enclenché une série de mesures réformistes émanant du programme libéral. Une démarche que nous avons encouragée vu qu'elle réalise un recoupement avec notre vision des choses. Politiquement nous considérons que la transition démocratique est toujours en cours et qu'elle ne pourrait générer les résultats escomptés que par la voie du dialogue de la communication que l'esprit du consensus dicté. En dehors de cette démarche il n'y a que la voie insurrectionnelle que nous rejetons et refusons. Par conviction, nous considérons que le bilan de 20 ans du Changement est un plein succès pour l'essentiel. Des prouesses économiques et sociales et des résultats acceptables politiquement ont été réalisés et, ceci, grâce à la volonté du Président Ben Ali. Car, l'histoire se condense pendant les phases transitoires pour s'exprimer dans les idées et les actes d'une personnalité telle que Bonaparte, De Gaulle, Bismarck et nous pensons que l'acte sauveteur du 7 Novembre était un acte de bravoure qui avait rompu les ponts d'une crise générale qui menaçait réellement le pays et l'Etat. • Le PSL fait partie de la Rencontre Démocratique. Dans une interview au Temps, Moncef Chebbi, membre du bureau politique de l'UDU s'est montré sceptique quant à l'utilité d'une telle alliance. Que dites-vous ? -Mon ami Moncef Chebbi, que j'apprécie beaucoup pour ses qualités intellectuelles et son militantisme, est sincère et dévoué pour les causes nobles mais il paraît omettre la nuance entre deux types d'alliances. Une alliance tactique répondant à une exigence immédiate, un souci de rééquilibrage et une alliance stratégique dont le programme aboutit à un partage politique et organisationnel entre ses composantes. La Rencontre Démocratique appartient à la première catégorie. Il y avait un vide au centre du paysage politique qu'il fallait combler par la revendication d'un programme politique minimum qui pourrait transcender la diversité de l'idéologie des partis et répondre à une exigence de sauvegarde du consensus national. • Dans le communiqué public après la réunion des secrétaires généraux des partis de la Rencontre Démocratique lundi 22 octobre dernier, vous avez dénoncé toute ingérence étrangère. Quel type d'ingérence ? -Ce que nous refusons c'est l'interférence de la diplomatie étrangère dans un litige interne. C'est-à-dire que nous considérons que la diplomatie fait certainement partie de l'activité de n'importe quelle formation politique et que l'échange des rencontres est la chose la plus naturelle mais ce qui est réellement blâmable c'est de voir que certains diplomates développent depuis un certain temps une diplomatie sélective. Nous pensons, également, qu'une visite rendue à un siège d'un parti en temps de crise, pourrait être interprétée comme étant l'expression d'un soutien solennel. Nous pensons que le respect de l'indépendance des Etats est une valeur non dérogeable autour de laquelle s'est constitué le Parti national au lendemain du 7 Novembre et auquel ont pris part les différentes sensibilités de la société politique. Il est tout à fait grave de cultiver l'idée que l'allégeance aux puissances étrangères puisse apporter une quelconque plus value. Quel serait l'avenir de la Tunisie si les partis politiques se livraient à une compétition pour la conquête de l'appui des puissances étrangères. Notre patriotisme en tant que libéraux nous l'interdit. Personnellement, je ne crois pas que la démocratie et les droits de l'Homme soient le souci réel de ceux qui ont soutenu d'une façon inconditionnelle les guerres israéliennes et « légitimé » le démembrement illégal du point de vue du droit international de l'Etat irakien. La démocratie est un idéal pour lequel des générations entières ont lutté, nous la construisons entre Tunisiens sans aucune tutelle étrangère. Interview réalisée par Nejib SASSI