Le Président de la République, Béji Caïd Essebsi, a fait un passage bien remarqué à la chaîne « Nessma » à la veille de «l'Aïd El Kébir» aussi bien sur la forme que sur le fond. D'abord, pourquoi la «Nessma» de M. Nabil Karoui, l'énigmatique membre de la coalition «La famille destourienne» affiliée en principe à « Nida Tounès », alors que beaucoup de citoyennes et de citoyens voient mieux le Chef de l'Etat s'adresser au peuple tunisien à travers la chaîne publique TV nationale « 1 » ! Il faut dire tout de suite, que cet aspect n'est pas déterminant, d'autant plus que la « Nationale Une » a une certaine tendance à se « démarquer » de cette « fonction » ancienne de « porte-parole » indirect de l'Establishment, à tel enseigne que, souvent, l'activité du Président est traitée comme un fait divers ou presque, façon d'affirmer la « nouvelle » vocation de la Télévision publique... Mais, passons les voies du Seigneur sont impénétrables et Si Béji a bien le droit de jouer lui aussi la diversité, après tout, nous sommes bien en Démocratie ! Je reviens au fond pour dire que le Président avait l'air en forme et en pleine maîtrise de « ses » dossiers, face à un journaliste dont on peut dire ce qu'on veut, sauf nier son haut degré de professionnalisme. Béji Caïd Essebsi était bien dans son jardin surtout sur le volet diplomatique et des Affaires étrangères. Sa politique d'équilibre en Libye entre les différents protagonistes, est largement justifiée par la défense des intérêts tunisiens et surtout sauver nos diplomates enlevés par les milices libyennes de l'ombre et de la nuit ! Certes, il y a là une petite entorse à un principe sacro-saint de la culture diplomatique tunisienne depuis la nuit des temps, qui consiste à se ranger toujours du côté de la légalité internationale, et donc, de soutenir le régime de « Tobrouk » reconnu par la communauté internationale mais la « réal politique » n'a pas laissé d'autres choix à l'ancien chef de la diplomatie tunisienne du temps de Bourguiba. L'affaire « Dubaï » et des Emirats a été éclairée de la même manière sans trop s'acharner sur son prédécesseur Dr. Marzouki, ni la Troïka, qui se sont pourtant alignés sur d'autres « axes » engagés vers un alignement inconditionnel, sur Washington et ses « alliés » et sa stratégie désastreuse en Syrie, en Irak et en Libye. Pour preuve, regardez la carte du Moyen-Orient et d'une grande partie de l'Afrique. Aujourd'hui, les tâches « noires » sont de plus en plus ascendantes et dominantes et Daëch aura été, très bien ménagé par toutes ces « puissances » « anti-Daëch » ... uniquement sur le papier ! Pourtant, ce qu'il faut peut être creuser à travers cette interview présidentielle à « Nessma » c'est le regard du Président de la 2ème République sur la société tunisienne, les institutions et les partis politiques. Disons, tout d'abord, qu'il avait l'air heureux et soulagé par l'accord entre l'UGTT et le gouvernement (excusez le classement involontaire, j'aurais dû mettre le gouvernement d'abord !!), sur les négociations sociales pour le secteur public. Le Président n'a pas manqué de soutenir à l'occasion « son » chef du gouvernement, M. Habib Essid, alors que la « rumeur » dont Ibn Khaldoun disait justement : « Toutes les rumeurs indiquent la véracité des faits sauf en Tunisie » (Inna attawatour youfidou al kataâ, illa fi Tounès », justement cette rumeur malveillante quelque part suggèrerait un différend de taille entre Nida Tounès et le Premier ministre, enclin de plus en plus à jouer son rôle marqué par la « neutralité », alors que le Nida est bel et bien le vainqueur des élections et estime être en droit d'avoir des exigences. Idem de la politique avec Ennahdha, Béji Caïd Essebsi dit ne pas regretter (cette fois-ci..., alors qu'il l'a regretté, précédemment), d'avoir poussé à un « large » consensus avec le Parti islamiste. Mais, tout de suite, le Président met les points sur les « i » : « La religion n'est pas la propriété d'Ennahdha ni son domaine réservé et encore moins les mosquées qui doivent être dirigées par des Imams « patriotes » ! (Al Masajed mouch mtaâhom... wal Ayemma lazem yekounou wataniine). Voilà presque mot à mot le discours tenu par Béji Caïd Essebsi qui connaît bien la subtilité de son « ami » Rached Ghannouchi, qui veut le beurre et l'argent du beurre, à savoir, profiter des avantages de la démocratie civile et contrôle l'identité religieuse du peuple qui doit être (« frériste » musulmane) certifiée Iso ! En conclusion, le Président s'est voulu rassurant (l'Aïd étant une fête populaire et apaisante) mais le jeu reste ouvert à toutes les éventualités, y compris quelques correctifs douloureux au « Nida » qui doit sonner la fin d'une récréation qui n'a que trop duré et qui a donné des ambitions de reconquête sérieuse et légitime du pouvoir à Ennahdha et dérivés ! Et là, ce serait une autre paire de manches, car Ennahdha, de nouveau aux commandes, avec un « surpouvoir » sans partage ramènerait ce pays a peine relevé de ses angoisses troïkistes passées, au point de départ en 2012 ! Bourguiba disait il y a bien longtemps : « Je me considère comme garant de ce pays... même après mon départ », parce qu'il avait investi dans l'enseignement, la libération de la femme, l'ouverture sur l'Occident, etc... ! Il faut dire qu'il s'est trompé à moitié : La modernisation a résisté par miracle aux assauts de l'obscurantisme envahissant d'Orient par les prédicateurs des ténèbres, les Wajdi, les Lâârifi, les Ramadhan et j'en passe. Karadhaoui a célébré en personne et à Tunis même, le « nouveau Fath » de l'Ifriquiya (la Tunisie) ! La Révolution a failli être confisquée par l'islamisation politique enthousiasmée et fanatisée. Le modèle sociétal et identitaire tunisien a chaviré. Si Béji devrait y penser bien sérieusement, à la manière d'immuniser la Tunisie contre l'obscurantisme qui la menace toujours, en long et en large. Attention, la Démocratie a bien servi les partis religieux extrémistes de par le monde et pas seulement en Tunisie, mais ces partis n'ont jamais jusque là, ni intégré sérieusement, ni servi la démocratie. En démocratie, les partis sont « civils et démocratiques ». La religion appartient aux citoyens et au peuple, dans l'intimité personnelle et le peuple, respecte des cultes avec une transcendance de l'Etat garant de la paix religieuse et de la liberté identitaire ! Et tout cela ne peut être assuré que par un équilibre politique. C'était, d'ailleurs, l'objectif premier de Nida Tounès et de son président de l'époque Béji Caïd Essebsi, atteint partiellement. Avec la crise actuelle de Nida Tounès tout peut être remis en question ! Ce serait le drame ! Attention, c'est Ennahdha qui se presse aux portes des élections municipales et non pas « Annida ». Et elle a bien raison... A la guerre comme à la guerre et à la paix comme à la paix ! Un peuple désabusé, a la mémoire courte ! K.G