Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a accordé une interview exclusive à la chaîne privée Nessma TV le soir du mardi 22 septembre 2015. Interrogé sur l'évolution de l'actualité tunisienne et sur le rendement du gouvernement d'Habib Essid, Caïd Essebsi a surpris son public par un discours assez vague et une attitude très lointaine du personnage charismatique et spontané qu'il laissait apparaître avant les élections. Les mauvaises surprises ont commencé bien avant le démarrage de l'interview. Connu pour exceller dans les mises en scène, Nabil Karoui, patron de la chaîne, a tenu à diffuser quelques séquences de la cérémonie de la réception du chef de l'Etat : on aura vu le patron de Nessma TV, accompagné de Caïd Essesbi, entrer aux locaux de la chaîne en traversant un parking, rien de plus normal jusque là. Sauf que le parking en question a été retapé : un grand tapis rouge a été déroulé en l'honneur du président, cela sans compter la présence d'un groupe de musique traditionnelle (aissaouia) et les youyous d'usage. L'interview en question, menée par Borhen B'saiess, n'a rien apporté de nouveau à part quelques « dérapages » commis par Caïd Essesbi : en essayant de répondre à une question relative au projet de loi sur la réconciliation économique et financière, Caïd Essebsi a rétorqué: ‘il existe de bons Tunisiens et puis il existe les Tunisiens opposants'. Un lapsus ou un message codé ? On n'en saura rien Ré Le chef de l'Etat a assuré par la suite que ‘Ramadan 2015 s'est passé dans les meilleures conditions', oubliant ainsi que ce même mois a connu le pire attentat terroriste de l'histoire du pays. Pour finir, Béji Caïd Essebsi a nié en bloc le fait que le choix d'Habib Essid était le sien – ‘comme le stipule la Constitution, le chef du gouvernement a été nommé par le parti majoritaire aux élections législatives, à savoir Nidaa Tounes – pour dire par la suite que ‘si un dirigeant d'un autre parti s'était montré assez motivé, il l'aurait lui-même désigné à la tête du gouvernement... A part cela, l'entretien s'est déroulé sans incident majeur. Mais, et à quelques mois de la tenue du premier congrès national de Nidaa Tounes, l'intervention de son fondateur sur cette chaîne pose plus d'une question. Si Nessma TV a été la chaîne qui a le plus soutenu Nidaa et Béji Caid Essebsi lors des élections de 2014, en revanche elle a de même été la chaîne ayant le plus contribué à la crise qu'a vécue le mouvement il y a quelques mois de cela. Cela remonte aux mois de mars et d'avril quand l'adhésion de Nabil Karoui au comité constitutif de Nidaa Tounes a été rejetée. Nessma TV avait alors organisé des plateaux spéciaux – tenus même durant les dimanches– qui regroupaient les leaders du mouvement réformiste créé au sein du Nidaa, présidé par Hafedh Caïd Essesbi. Aujourd'hui, alors que le mouvement s'emploie à trouver des issues à ses multiples crises, Nabil Karoui et quelques dirigeants du Nidaa dont, entre autres, Khaled Chaouket, ont lancé le Forum de la famille destourienne. Un think tank qui ne s'empêchera certainement pas d'interférer dans les affaires politiques en générale et celles du Nidaa en particulier. Béji Caïd Essebsi est resté de marbre durant toutes les crises qu'a traversées son mouvement – prenant ses distances du Nidaa – mais son intervention sur la chaîne Nessma TV nous amène à nous poser la question : à quel point Caïd Essesbi senior peut-t-il être neutre dans les guerres qui tourmentent Nidaa ?