L'essayiste et écrivain tunisien Abdelwaheb Meddeb s'est éteint l'année dernière, le 6 novembre 2014 à Paris. Un hommage posthume lui a été consacré durant deux jours, les 30 et 31 octobre, avec la présence d'une élite intellectuelle arabe et française, à l'instar des grands poètes Michel Deguy, Salah Stétié, Alain Rey et d'autres intellectuels de renommée. L'hommage a débuté par une allocation de la Ministre de la Culture Latifa Lakhdar, ainsi que de Kamel Gahha, ex-directeur de la bibliothèque Nationale. Des débats et des tables rondes ont été organisés au Musée de Bardo, à la bibliothèque Nationale et à l'Institut Français de Tunis. Les conférenciers ont abordé la personnalité de Abdelwaheb Meddeb, profil du poète, du penseur, de l'essayiste, de l'islamologue. Les principales thématiques qui ont été discutées sont: l'intellectuel et son engagement, le rapport à la langue française, la littérature, la poésie, la philosophie et le soufisme, le cinéma, l'art et l'architecture. De même, une projection suivie d'un débat intitulée « Filmer la pensée. Autour et avec Abdelwaheb Meddeb ». Les trois films sont « Meddeb, éclaireur de l'Islam, « L'occident vu d'orient » d'Abraham Ségal et « Miroirs de Tunis » de Raoul Ruiz. Une cérémonie de remise de décoration à titre posthume a eu lieu au Palais de Carthage. Le président de la république Béji Caid Sebssi a accueilli Madame Amina Meddeb, veuve du défunt, et a décerné une médaille de mérite à l'écrivain Abdelwaheb Meddeb. La soirée de samedi 31 octobre, le Théâtre National a de son côté, participé à l'hommage de feu Abdelwaheb Meddeb en organisant un spectacle poétique au 4ème art mêlant chant, lectures poétiques et projection documentaire, intitulé « Errances, de villes en villes ». Une création coréalisée par J. Baccar, F.Jaibi, R. Lauro, A.Meddeb, H. Meddeb, T.Naccache. La soirée a été réalisée à partir de textes, dits et archives d'Abdelwaheb Meddeb avec une musique originale de Michel Portal. Le spectacle a été assuré par Jalila Baccar, Sonia Zarg Ayoun, Mohamed Kouka avec les chants de Françoise Atlan et Emna Jaziri. Naceur khemir, un cinéaste tunisien qui a puisé son esthétique cinématographique dans l'univers des soufis, a parlé d'Abdelwaheb Meddeb avec une certaine amertume : « Nous avons vécu deux jours très émouvants, et j'espère qu'on vivra avec lui d'autres rencontres posthumes mais intenses. Abdelwaheb Meddeb a beaucoup parlé d'exil, mais en fait, le seul exil c'est la mort ! Il nous a quittés ! C'est dommage que le pays ne s'est pas rendu compte assez tôt quel enfant il avait ! Et quel cœur battant s'est lancé comme une flèche à travers le monde pour raconter un peu son pays, sa culture et sa civilisation ! En fait, le soufisme est la vraie réponse culturelle, civilisationnelle au mal qui le ronge et qui l'a bien stigmatisé. On n'approche pas de la même manière, mais, on partage beaucoup de choses. » L'homme de théâtre, Hacen Moadhen, considère aussi Abdelwaheb Meddeb comme « l'une des importantes personnalités littéraires et intellectuelles tunisiennes. Même s'il résidait à l'étranger, exactement en France, et qu'il était le plus souvent en voyage parmi les villes arabes et européennes, il a été cependant présent parmi nous, à travers son bel et riche ouvrage. Il est bien connu par ses productions littéraires et radiophoniques mais aussi à travers ses prises de position notamment dans la phase de défis connus par le Monde Arabe, et par la Tunisie, entre autres l'apparition du mouvement intégriste. Ses attitudes étaient claires à l'égard de ce sujet. Nous savons aussi qu'Abdelwaheb Meddeb était d'une grande spiritualité, il était bien ancré dans le soufisme, et l'une de ses principales références est d'Ibn Arabi, d'où, il a inspiré le chemin de l'amour. Faiza Messaoudi Abdelwahab Meddeb « Ecrivain, poète et philosophe, né à Tunis en 1946, Abdelwahab Meddeb a consacré toute sa vie à l'écriture. Spécialiste et traducteur des grands maîtres soufis, inlassable passeur de la culture arabe, il a enseigné la littérature comparée dans plusieurs universités du monde (Yale, Nanterre, Berlin). Après avoir fondé la revue Dédale, il a dirigé et animé, de 1997 à 2014, sur France Culture, l'émission hebdomadaire « Cultures d'Islam » vouée à se livrer à une « archéologie du contemporain ». Fervent défenseur d'un Islam des Lumières, laïc et ouvert à l'autre, il a mené ses derniers combats contre l'obscurantisme. Abdelwahab Meddeb s'est éteint à Paris le 6 novembre 2014, à l'âge de 68 ans, laissant derrière lui une œuvre magistrale d'une trentaine de livres. »