Depuis des époques reculées, les groupes d'hommes se sont multipliés et se sont répandus dans toute la Tunisie engendrant les tribus et la vie tribale. Celle-ci a continué jusqu'à une époque récente. Nous pouvons en déduire deux idées : Premièrement, la terre de la Tunisie était le théâtre d'une vie humaine qui remonte à l'aube de l'existence humaine. Deuxièmement, les habitants de cette terre vivaient en tribus. Ils n'avaient pas connu l'Etat et le pouvoir central. Ils sont en cela comme tous les peuples en cette période très reculée de l'histoire. L'histoire ne nous a rien gardé à ce propos. Il y a une autre question importante. Ces habitants n'avaient pas d'écriture avant l'arrivée des Cananéens (Salem Chaker, www.centrederechercheberbere.fr/tl_files/doc-pdf/chak-hach.pdf), ces commerçants venus des côtes libano-syriennes que les historiens appelaient « Phéniciens ». Si la rencontre entre ces nouveaux venus et les autochtones avait pour but d'échanger des marchandises et de réaliser des intérêts matériels, elle a également apporté à la région un changement profond ethnologique, social, culturel, économique et militaire. Ce changement a fait que la région représente un poids historique pendant et après l'époque punique. L'arrivée des Phéniciens/Cananéens en terres Berbères et le brassage des deux ethnies et des deux cultures représentent l'apparition d'une nouvelle unité culturelle berbère/phénicienne. Celle-ci a fusionné dans une entité politique, économique et militaire qui s'est présentée aux forces ennemies et aux peuples amis sous le nom de Carthage. La fondation de Carthage était un événement crucial dans l'histoire du peuple tunisien. En effet, la grande Carthage, c'est-à-dire qui couvre la surface de la Tunisie actuelle, (sans considérer la surface de l'empire carthaginois qui englobe la Libye, l'Algérie, le Maroc, le sud de l'Espagne, la Sicile, la Corse, la Sardaigne et Malte) est le produit de la fusion entre la donnée ethnoculturelle berbère et la donnée ethnoculturelle phénicienne. On trouve l'incarnation de cette fusion dans les villes berbéro-phéniciennes tout le long de la côte surtout, mais aussi dans les villes intérieures (S. Gsell, Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, t.II, Paris 1918, p.116.) Dès la construction de ces villes et l'élargissement de l'emploi de la langue carthaginoise, l'identité de cette terre et de ses habitants a commencé à prendre forme. C'est l'identité carthaginoise qui a lié les identités tribales éparses des autochtones, ces derniers sont majoritaires, et l'identité phénicienne des immigrés qui sont minoritaires. Cette identité carthaginoise a commencé à se démarquer de plus en plus dans le sillage de la différenciation par rapport à l'Autre, à travers les guerres contre les Grecs d'abord et les Romains ensuite, pour défendre une terre, des intérêts et une dignité. A propos de sa lutte contre les Grecs pour défendre sa terre, nous citons la guerre de Libye. En ce qui concerne sa lutte pour défendre ses intérêts contre les Romains, les guerres puniques étaient dévastatrices. C'était la première guerre mondiale dans l'histoire. Pour ce qui est de la dignité, nous proposons deux histoires. L'une se déroule sur le plan collectif, l'autre sur le plan individuel. Tout d'abord, quand Amilcar s'est retiré de Sicile, il a imposé et obtenu qu'aucun de ses soldats ne soit pris en otage, ni qu'il soit l'objet de maltraitances. Amilcar s'est retiré la tête haute, comme un grand général qui n'a jamais perdu une guerre contre les Romains. Ses soldats se sont retirés comme des héros malgré la défaite de Carthage. Amilcar a préservé non seulement sa dignité en tant que grand général de guerre, mais aussi celle de ses soldats et de Carthage. Pour ce qui est de la deuxième histoire, il s'agit de la femme du chef militaire Asdrubal, quand celle-ci s'est assurée que les Romains étaient entrés à Carthage et qu'elle allait devenir captive, elle a pris ses enfants et s'est jetée avec eux dans le feu pour ne pas devenir, esclaves des ennemis. Elle a choisi de mourir dans la dignité plutôt que de vivre dans l'humiliation et le mépris. A suivre ... Imed Ben Soltana