L'initiative lancée par le Président de la République concernant la loi sur la réconciliation économique sans qu'elle mûrisse que déjà les défenseurs des droits de l'Homme et les partisans de la justice transitionnelle lèvent leurs boucliers pour la saper à défaut de la remodeler chacun à sa guise. La loi du grand pardon destinée à « relancer l'économie nationale » pour rompre définitivement avec le passé et en ouvrant une nouvelle page avec les hommes d'affaires fauteurs (corruption, détournement de fonds...) sous le règne de Ben Ali mais aussi au cours de la période de transition politique post-Révolution. Une loi déclarée anticonstitutionnelle par l'Instance vérité et Dignité. Devant l'imbroglio politico-légal, l'affaire a été présentée à la Commission de Venise pour consultation. La commission a finalement désapprouvé le projet de loi sur la réconciliation économique. Selon la commission de Venise: «la Commission de Réconciliation par le projet de loi présidentiel ne présente pas de garanties suffisantes d'indépendance pour pouvoir considérer que le mécanisme de justice transitionnelle opéré dans le domaine de la corruption financière et le détournement des deniers publics serait équivalent aux mécanismes opérant dans les autres domaines ». De fait, les députés de Nidaa Tounes enfourchent une autre monture, celle de l'amnistie fiscale générale. Une amnistie proposée par le député du parti Nidaa Tounes Mohamed El Fadhel Ben Omran « qui a demandé d'introduire dans le projet de la loi de finances 2016 des articles stipulant une amnistie fiscale générale devant permettre au gouvernement de mobiliser des ressources financières additionnelles et d'alléger, par ailleurs, les charges fiscales du contribuable », rapporte l'agence TAP. Slim Chaker, ministre des Finances et co-auteur du programme économique et social du parti au pouvoir s'est engagé lundi à présenter au gouvernement la dite proposition. Qu'est-ce que l'amnistie fiscale ? Selon l'Observatoire Tunisien de l'Economie l'amnistie est définie comme une mesure générale prévue par un acte législatif et ayant pour objet d'effacer un fait punissable en matière fiscale envers les contribuables récalcitrants, l'amnistie fiscale concourt à un objectif traditionnel, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale en augmentant les recettes de l'Etat. Théoriquement l'amnistie fiscale doit voler au secours des finances publiques. Selon la même source : « Les amnisties fiscales peuvent se prévaloir d'être un outil qui vise le soutien à la croissance économique. En effet, selon leur typologie, les amnisties fiscales peuvent concourir à l'incitation à l'investissement, à la lutte contre l'économie parallèle et au rapatriement de capitaux ». Pratiquement, c'est une autre paire de manches. L'amnistie fiscale risque « de discréditer encore plus la crédibilité de l'Etat, de plomber l'équité fiscale, de nourrir l'injustice fiscale et de jouer, in fine, le rôle de prime à la fraude fiscale ». L'Observatoire tunisien de l'économie affirme dans une note analytique publié le 22 octobre dernier l'absence de conditions de réussite de l'amnistie fiscale en Tunisie. Aujourd'hui la proposition d'inclure une amnistie fiscale dans les dispositions de la loi de finances 2016 suscitera certes la polémique et ravivera les débats sous l'hémicycle et ailleurs. Experts, administration fiscale et société civile devront analyser et évaluer les vertus d'une telle mesure en l'absence d'une justice économique.