Figer des instants de bonheur fugace, immortaliser un regard lourd d'interrogations, donner vie à l'expression d'un visage déformé par la misère et la privation, pérenniser le sourire d'un enfant intimidé par l'objectif, mettre en valeur le patrimoine architectural des villes et raconter en images le rude quotidien des habitants de différents villages reculés de Tunisie, tel est l'objectif de l'expo-photo « Don't forget us ». Organisée par l'Association tunisienne des médias alternatifs (ATMA) et financée par le Fonds européen pour la démocratie, elle se tient le 8 et le 9 février à la galerie de l'information, située à l'avenue Habib Bourguiba, à Tunis. L'année dernière, durant plusieurs semaines, trois jeunes photographes tunisiens ont sillonné l'intérieur du pays, passant de ville en ville et de hameau en hameau, en quête de l'image parfaite qui en dira mille fois plus que tous les mots réunis. Leur périple les a mené à Gafsa, à Gabès mais aussi à Siliana, Jendouba, Le Kef, Kasserine en passant par Kébili, Kairouan, Sidi Bouzid ou encore Mahdia. Appareil photo ou caméra à la main, Ali Jabeur, Zouhaier Ahmadi et Mohamed Reggui sont partis à la conquête d'une réalité lointaine et douloureuse, celle de milliers de citoyens tunisiens, marginalisés et laissés pour compte, vivant au milieu de nulle part, dans la précarité et la privation. Pour les initiateurs de ce projet, le but est de « tirer la sonnette d'alarme et attirer l'attention aussi bien des pouvoirs politiques et de l'opinion publique quant à la précarité dans laquelle vivent des millions de Tunisiens dans les régions de l'intérieur.» Pour Ali Jabeur, l'idée est d'offrir un espace de libre parole à ces citoyens pour qu'ils mettent des mots sur leur situation précaire et qu'ils puissent raconter, en toute liberté, leur malheur au quotidien et les difficultés qu'ils rencontrent à chaque instant. Il s'agit aussi de faire parvenir leurs doléances et leurs revendications aux oreilles des décideurs. Pour Omar Kammoun, trésorier de l'ATMA, il s'agit surtout de donner un écho aux voix étouffées et ignorées des populations marginalisées et de dissiper un tant soit peu l'injustice qu'ils subissent depuis des générations, qui les écrase et qui en fait des proies faciles pour différents prédateurs et notamment les trafiquants en tous genres et les extrémistes. Après cette première à Tunis, d'autres expositions devraient prochainement suivre et se tenir dans pas moins de trois gouvernorats. Créée en 2013, l'Association tunisienne des médias alternatifs a été fondée par un groupe des journalistes tunisiens indépendants et de militants de la société civile. Son objectif principal est d'encadrer les jeunes tunisiens dans les régions et de les initier aux bonnes pratiques journalistiques mais aussi participer à la professionnalisation des journalistes citoyens et les aider à lancer leurs propres projets. En étroite collaboration avec ses partenaires locaux et internationaux, l'Association organise ponctuellement des sessions de formation en faveur des journalistes professionnels tunisiens et s'engage dans différents événements et débats traitant de la mise à niveau du secteur des médias en Tunisie. Par ailleurs, l'ATMA accorde un intérêt tout particulier aux problématiques du développement régional et de l'égalité des chances pour tous les citoyens.