La Galerie Saladin, à Sidi Bou Saïd, a déroulé le tapis rouge, le samedi 6 février 2016, pour recevoir les artistes exposants, leurs invités et tous les amateurs d'art, venus nombreux assister au vernissage de « l'expo petits formats », regroupant une trentaine d'artistes venant de tous bords de plusieurs générations, et ayant, en outre, accumulé des expériences très différentes les unes des autres. Le seul critère organisateur de cette exposition semble être celui de la dimension des œuvres regroupées, aujourd'hui, dans cette galerie, elle-même, d'espace modeste mais de plus en plus active sur la scène artistique tunisienne. Mais, il reste que la qualité des œuvres d'art n'est pas définie par leur dimension (petite ou monumentale). En fait, ce qui garantit la qualité des œuvres d'art, c'est comment s'instaurer, à l'intérieur de l'œuvre, dans sa composition, un équilibre, une adéquation entre le motif d'inspiration, les moyens techniques pour sa réalisation (lignes, couleurs, volumes...) et l'expression qui en émane et qui dit cette homogénéité du tout. Hegel, en parlant de peinture du genre, estimait que certains tableaux, agréables en petits formats, sont insupportables en plus grande dimension. Les exigences esthétiques attendues du tableau à petit format, ne peuvent pas être les mêmes que celles attendues du tableau à grand format. La spécificité du petit format se distingue par son adoption d'un principe intérieur structurant l'espace pictural petit format. Ce principe n'est pas une réduction en plus petit de celui du grand format. Il est lié à une nécessité intérieure de l'œuvre, à l'individualité de l'artiste, à sa formation et aux buts expressifs qu'il astreint à l'œuvre. Mais, trêve de théorie, essayons d'apprécier cette belle exposition à travers quelques unes de ses œuvres... pourquoi quelques unes seulement ? L'exposition L'exposition est constituée de travaux d'une trentaine d'artistes qu'il serait fastidieux d'examiner tous en même temps. Il nous semble que les œuvres qui ont retenu l'attention des observateurs sont assez nombreuses. Nous citerons, entre autres, les œuvres de Samir Makhlouf, pour son originalité compositionnelle peu habituelle. L'espace représenté est amorphe, non euclidien, rompant avec les paramètres géométriques et ceux de la pesanteur. Les êtres hybrides participent à accentuer l'expression de l'irréel qui se dégage et que Samir Makhlouf développe depuis quelques temps déjà. Rafik El Kamel nous propose deux travaux de petite dimension et qui ont été produits il y a quelques années, mais qui restent actuels. Le tableau transfiguration 1, est réalisé en technique mixte sur carton appartient aux travaux abstraits de R.El Kamel. R. El Kamel excelle, évidemment, dans ses démarches abstraites et figuratives. Son geste pictural n'est pas de l'ordre dichotomique. Il est un et il est le fruit d'un raccourci (économie) graphique et chromatique très puissant. Hamadi Ben Saâd participe avec une ancienne réalisation, un masque qui a fait l'originalité de ce peintre brut. Samir Ben Gouiâ confirme sa propension à créer dans l'informel figuratif très lyrique. Kaouther Jellazi choisit, également, de travailler dans l'économie des moyens graphiques noirs et gris et hésite à sortir la forme de l'imbroglio de la masse. Fathi Ben Zakour lui, n'a aucun mal à retourner à ses représentations féminines qu'elles soient occidentales ou orientales. Ses couleurs, aujourd'hui, terre, ne cachent pas une sérénité chromatique affichée. Mohamed Guiga, à son accoutumée, ne s'embarrasse pas de complication graphique. Il va à l'essentiel et arrive toujours à sortir indemne de son firmament graphique grouillant par des pirouettes graphiques quasi-calligraphiques d'une grande transparence ou par des formes figuratives stylisées sortant de la grande mêlée humaine. Adnène Haj Sassi, également, toujours assez expressionniste montre dans ses réalisations l'ambiguïté dans la figuration du Christ crucifié ou de tout autre humain. Nous sentons que Lotfi Larnaout n'est pas loin. Raouf Karray reste très fidèle à ses anciens amours où les arabesques continuent à animer ses formes abstraites, ses totems très symboliques et teintés d'ocre, rouge et le gris contrastés. Raouf Karray est un artiste sfaxien exceptionnel. Férid Lakhdar propose une installation de figures apparemment spontanées sans titres. Six figures encadrées sont placées l'une à côté de l'autre dans une installation de figures hiératiques dessinées en lignes grasses sur fond bleu. Les dessins sont également réalisés en jets spontanés. Des oiseaux tout aussi spontanés survolent l'installation. Abdelwahed Cherni, sur fond aquatique, (acrylique sur bois), étale ses aplats et structure son travail à travers des coups vigoureux de peinture blanche et des graffitis annihilant l'effort même d'organisation du travail réalisé plus tôt. Abdelhamid Thabouti tout en maintenant une composition solide de son travail perd le dessin habituel classique pour faire jouer à la couleur un rôle plus dynamique, plus dilué et plus lyrique. Leïla Shili, très constructiviste, élabore sa silhouette d'une manière très élaborée sur fond chromatique gris et ocre. Cette silhouette assez massive en son milieu est suggestive et érotique au niveau du torse. Radhouani Abdellatif arrive à travers sa toile à nous étonner en traçant en très peu de mouvements, le portrait très expressif d'un enfant. La pause d'un enfant assis, le buste à peine penché en avant, la tête ébouriffée... produisent un effet construit mais quelque peu insouciant très charmant. Ghazoua Riahi, crée toujours dans la même veine sitôt son espace construit, elle place sa scène, genre et octroie au personnage l'espace qui lui faut, en général, l'espace central. Le personnage est représenté dans ses dimensions généreuses à la Botero. L'expression iconographique n'est jamais fixe comme chez les naïfs qui s'inspirent de Botero, comme Hamda Dniden. Les autres artistes qui participent à cette exposition ne sont pas moins intéressants que ceux qui ont été passés rapidement en revue par nous. D'autres grands artistes nous offrent de belles œuvres en petits formats. Ce sont les peintres Hamda Dniden, que nous examinerons lors de la lecture du petit livre édité dernièrement en rétrospective. Nous signalons une œuvre très ancienne produite par Hédi Turki datant du passage aux USA, en 1961 et rendant hommage à Pollock. Ali Zenaïdi sollicite, lui, le collage pour nous représenter une scène rurale djerbienne forte en fraîcheur et en couleurs de Malyas amples et de Madhallas typiques. Mongi Maâtoug déploie un travail de véritable plasticien qui domine l'espace pictural qu'il saisit et transforme en autant de mouvements que d'oppositions de lumière et d'ombre, de valeurs et de contre-valeur. L'espace, tout en sauvegardant la figure, fait entrer celle-ci dans un tourbillon d'aplats et de volumes. Le résultat est une effervescence de contrastes et de mouvements, un véritable plaisir pour les yeux. Ali Louati, lui, revient de loin. Ses aquarelles sont réellement légères, suggestives... Elles nous rappellent la nécessité quelquefois pour nous de rester à la surface des choses pour goûter la légèreté du monde et de l'être. L'exposition de la galerie Saladin a été parrainée par l'association Art Cot, qu'elle en soit remerciée. Les prix, que Saladin propose, sont réellement très raisonnables, sauf, peut-être, pour les travaux de Mme Fériel Lakhdar, jugés un peu trop chers par certains amateurs d'art.