L'intitulé tel qu'il nous est présenté se réfère sans aucun doute au raccourci chalbien véhément et provocateur lorsqu'il annonce la ligne éditoriale de l'exportateur en cours à El Teatro. L'originalité de cette fameuse ligne éditoriale en fait c'est de ne pas exister réellement ou si elle existe, elle n'est pas unilatérale, unique. Elle est plurielle mais verse plutôt dans une démarche de la liberté de créer, de s'exprimer indépendamment du genre et des matériaux sollicités. La peinture La peinture semble dominer la scène de l'exposition. Hafedh Jerbi, à travers une technique mixte, se laisse aller à une composition apparemment chaotique mais en fait très structurée grâce à un mouvement circulaire de graphisme et des taches arrivant à l'émergence de formes allant jusqu'à la création de figures, le tout est d'essence dynamique. Malek Saadallah développe une démarche qui consiste à « jeter » des aplats rehaussés de formes et de jalons segmentés. L'expression est caricaturale sur une surface restreinte. Avec ses feutres sur papier, Ghada Chamma nous propose un monde intracellulaire dans une composition structurée selon une accumulation plane de détails dans leur grouillement intense. Le fourmillement crée un pullulement de formes et de mouvements fébriles de points, de lignes, de tentacules pleins de vie. Le travail est méticuleux, débridé et libre. Mouna Negra nous présente un corps féminin généreux en position allongée et saisi à la gorge par les tentacules d'une pieuvre. Toile symbolique s'il en faut, d'une femme pieuvre ou d'une pieuvre donnant la mort. Autoportrait ou fantasme d'un corps en attente d'amour. Hamdi Mezhoudi peint dans son grand tableau selon des raccourcis sans fioritures. Il réalise des formes allusives non réalistes où le corps de la femme se déploie dans une position lascive mais loin de l'érotisme facile. Hamdi Mezhoudi semble posséder des dons non encore exploités réellement jusqu'à nos jours. Ahmed Zelfani nous offre d'une manière naiviste une composition qui lui est habituelle autour d'un groupe de femmes allongées hiératiques et fixes. Le tableau est supposé être symbolique du temps qui s'arrête au même instant où la prise de vue picturale est faite. Cette peinture est concrète mais elle est sans mouvements. Elle est statique. Walid Ardhaoui, un peintre hyperréaliste fait intervenir l'acrylique et la feuille d'or pour créer une sorte de hiatus et nous proposer une vision changeante, mouvante par rapport à la position du spectateur à un moment donné. Helmi Bouteraa s'essaye à la figuration libre (technique mixte, peinture et collage) avec la représentation d'êtres hybrides animaux-humains, caractéristique de la peinture figurative libre. Nahla Dkhili, nous offre une toile représentant une étreinte (pastel et peinture). Les corps du couple sont parcourus par des zébrures qui octroient à l'ensemble le mouvement de l'étreinte et de la fusion des corps. L'expression obtenue n'est pas loin d'un érotisme total. Yosra Mzoughi (acrylique sur toile) propose des dessins gras en contours emprisonnant des traces blanches. Les personnages réalisés sont irréels. La figuration est libre. Elle n'obéit à aucune règle de représentation et se meut dans un style naiviste évident. Olfa Jomaa réalise un tableau « Ta Main » en peinture- sculpture regroupant la technique plane et le volume dans une tentative expressionniste très originale. Fatma Ben Slama (peinture acrylique sur toile), représente des personnages d'essence caricaturale mais mis en valeur par une composition dynamique et légère. Photographie Rym Melki situe son travail de synthèse inspiré des techniques de la peinture (aplats, graphismes) avec des moyens de photo montage contemporanéistes sur toile. La composition très sophistiquée crée l'illusion d'une picturalité figurative. Brinsi Ferdaous déploie des aplats interposés et des coulures. Entre aplats et transparence, elle compose sa toile en des effets dynamiques jouant sur un équilibre des taches et des surfaces délimitées par des couleurs et des lignes. Une économie dans les couleurs jaune, gris et noir crée une sérénité chromatique remarquable. La sculpture La sculpture en marbre de Mejdi Hezbri qu'il appelle « Femme Nue » sort très difficilement de la masse hétéroclite du marbre. Les nervures, les disparités, les plans irréguliers de la matière n'ont pas laissé le sculpteur affirmer sa domination et dicter sa loi à une matière revêche. Le sculpteur est parvenu malgré tout à exprimer à peu près les formes rondes d'une femme presque imaginaire. Najet Gherissi excelle dans son installation rendant hommage à Bouabana. Tous les ingrédients symboliques autour du personnage sont réunis. Najet Gherissi connait l'homme de l'avenue Bourguiba. Bouabana est ainsi représenté dans toute sa truculence. Portant chapeau, élégant et pouvant être chevaleresque, charmant, galant avec ses fleurs qu'il offre volontiers à ses femmes. Bouabana est ainsi présent. Najet Gherissi le restitue si bien, aussi bien dans ses habitudes réelles que dans son mythe. La mémoire que nous avons de Bouabana est bien conforme à l'œuvre qui nous est présentée par Najet. Malgré le peu d'homogénéité entre les genres présentés à l'exposition et le peu d'équilibre entre une peinture omniprésente, une photographie faiblement représentée et une sculpture puissante mais rare, cette composition est très présente comme recherche de l'expression contemporaine enracinée dans notre quotidienneté mais aussi impliquée dans notre exigence d'universalité.