La chanson humanitaire, qu'est-ce que c'est ? Un tube (pas toujours réussi) qui ambitionne de changer le monde en trois minutes top chrono avec un refrain impossible à se sortir de la tête et une bande d'artistes prestigieux qui se réunissent autour d'un micro, casques sur le front, bras dessus bras dessous et l'air heureux de réveiller les consciences. En bon petit soldat, le tube humanitaire a combattu ou défendu toutes les causes: la famine, la pauvreté, le sida et, tout récemment, les réfugiés. L'ex-chanteur de Led Zeppelin, Robert Plant, a décidé de raconter tout au long d'un album, dans les bacs le 4 mars, le drame des migrants. Les bénéfices seront entièrement reversés à la Croix-Rouge anglaise. Robert Plant poursuit une longue tradition inaugurée par Bob Geldof en 1984. Le chanteur, catholique irlandais, avait été bouleversé par un documentaire de la BBCsur la famine en Ethiopie. Déplorant le manque d'aide internationale, il décide de faire appel à la crème de la brit pop: David Bowie, Paul McCartney, Phil Collins, pour ne citer qu'eux. Le Band Aid est l'auteur du plus grand tube du Royaume-Uni, «Do They Know It's Christmas?», qui a détenu le record de vente outre-Manche jusqu'à la sortie de «Candle in The Wind » d'Elton John (1997). Lancé sur son succès, Bob Geldof organise ensuite un concert géant retransmis à la télévision. Humblement baptisé Le jour où la musique changea le monde, le show a attiré 2 milliards de téléspectateurs et engendré 150 millions de livres qui auraient finalement été employés à l'achat d'armes de guerre... Bob Geldof a fait revivre son Band Aid en 2014 pour lutter contre le virus Ebola. On vous épargne sa version française. Les Etats-Unis veulent aussi leur tube en 1985 De l'autre côté de l'Atlantique, Michael Jackson voit rouge. Lui, le roi de la pop et du don, s'est fait doubler sur le tube humanitaire. Les Américains veulent aussi leur chanson. La mobilisation est telle que tous les artistes tiennent difficilement dans le cadre. Michael Jackson et Lionel Richie signent la chanson « We Are The World ». Le clip mobilise tous les plus grands chanteurs de l'époque : Bruce Springsteen, Stevie Wonder, Cindy Lauper, Tina Turner, Diana Ross, Ray Charles et tout le clan Jackson en lunettes de soleil. C'est le tube humanitaire par excellence : tout le monde chante avec tout le monde, le sourire aux lèvres, le regard vers le ciel, les ego laissés à la porte du studio... Cette belle opération de communication canonise pratiquement les artistes, rapporte 63 millions de dollars et laisse derrière elle, il faut bien le reconnaître, un morceau d'anthologie indépassable. Et la France ? La France suit le mouvement l'année suivante. On préfère se concentrer sur les problèmes de chez nous : les sans-abri. En 1986, Coluche fonde l'institution des Restos du coeur. Il charge le Michael Jackson local d'écrire le tube qui va avec. Jean-Jacques Goldman compose l'hymne des Restos – paraît-il – en quelques minutes. Il réunit quelques copains (Michel Drucker, Michel Platini et évidemment Coluche) qui parlent plutôt qu'ils ne chantent. Le clip alterne images de rôtis, palettes de fromages et images de studio... Une association bien franchouillarde formidablement efficace qui tient depuis trente ans. Les enfants des Enfoirés sont nombreux. Charles Aznavour chante en 1989 « Pour toi Arménie » avec 89 acolytes, dont Johnny et Eddie Mitchell mais aussi Vanessa Paradi et Florent Pagny. Le pays avait été frappé par un violent tremblement de terre. En 2008, Didier Barbelivien et Renaud Siry s'engagent pour le Tibet avec un titre aux paroles particulièrement percutantes : « Le Tibet c'est nous, la Terre est partout... Le Tibet là-haut, silence des agneaux... À trop vouloir nous faire taire, on va faire un boucan d'enfer. » Trois ans plus tard, Nolwenn Leroy, Hélène Segara, Jane Birkin et 77 autres artistes signent de nouveau pour l'Afrique sous le nom Paris for Africa. La chanson « Des ricochets » et l'album ont permis de récolter 240 000 euros pour l'Unicef en faveur de la Corne de l'Afrique.
