La dernière apparition du président de la République date de quelques semaines lorsqu'il avait accordé un entretien à la télévision nationale, en début du mois de février. Un mois plus tard, Béji Caïd Essebsi a choisi de s'adresser au peuple à travers une grande interview, bien matinale, diffusée sur plusieurs chaînes radiophoniques. Le chef de l'Etat a été invité à s'exprimer sur plusieurs dossiers brûlants de l'actualité tunisienne et mondiale. Interrogé sur la classification du parti libanais Hezzbollah comme étant une organisation terroriste, Béji Caïd Essebsi a assuré que la Tunisie – qui aurait récupéré les constantes diplomatiques bourguibiennes – considère officiellement le Hezbollah en tant que parti de résistance et que les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères ne représentent pas la position officielle de la Tunisie. Une réponse qui nous laisse perplexes car quand-bien même le ministre de l'Intérieur ne représenterait pas les prises de position officielles du pays, le ministre des Affaires étrangères demeure, cependant, l'un des principaux décideurs de notre diplomatie. Etant donné que Khemais Jhinaoui a voté en faveur de cette classification au Caire, la précision de Béji Caïd Essebsi n'apporte pas un grand réconfort quant à cette affaire. Revenant à la situation interne du pays, Béji Caïd Essebsi a avoué être responsable de la situation actuelle du pays avant d'ajouter que le pouvoir actuel – issu des élections de 2014 – a hérité de grands problèmes liés, notamment, à la sécurité et à l'économie nationale. Selon les prérogatives post-révolutionnaires accordées au président de la République, il est tout à fait normal de voir le chef de l'Etat ne faire que des constats et donner l'orientation politique générale à prendre. Toutefois, Béji Caïd Essebsi a profité de ce passage pour rappeler, à tous ceux qui s'y étaient catégoriquement opposé, que la loi de la réconciliation économique et financière n'a pas été abandonnée. En effet, le chef de l'Etat a assuré qu'il n'a pas renoncé à ce texte de loi qui avait provoqué une grande polémique dans le pays. Et d'ajouter que le projet de loi est aujourd'hui entre les mains des députés de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cette référence au projet de loi de la réconciliation économique et financière peut expliquer la fixation de Béji Caïd Essebsi sur les partis de l'opposition en général et sur le Front populaire et son porte-parole officiel, Hamma Hammami, en particulier. Au cours de l'entretien, nous avons été surpris d'entendre le président assurer que l'opposition pratique ‘le terrorisme mental'. Une opposition qui, toujours selon le chef de l'Etat, ne reconnaît pas les réalisations du gouvernement et qui ne représente pas tous les Tunisiens. Il est clair aujourd'hui qu'il existe une réelle crise entre Hamma Hammami et Béji Caïd Essebsi. On pourrait même aller jusqu'à dire que cette continuelle et éternelle dispute remonte au second tour de l'élection présidentielle quand le porte-parole du Front populaire avait refusé de soutenir, ouvertement, la candidature de l'ancien président du mouvement de Nidaa Tounes. Comme il l'avait mentionné lors de son interview avec la télévision nationale, le chef de l'Etat a qualifié Hamma Hammami de ‘chef de l'opposition', une expression ironique traduisant « le côté dédaigneux », selon les analystes, du président de la République à l'encontre du concerné. A propos de la question du replacement de la statue de feu Habib Bourguiba à l'avenue portant son nom, Béji Caïd Essebsi a tenu à préciser que cette demande a été faite par les résistants et les militants pour l'Indépendance et que la Tunisie a aujourd'hui besoin de voir son Histoire reprise en main. En suivant cette logique de raisonnement, l'Histoire du pays doit absolument être soigneusement sauvegardée dans sa globalité. Ainsi, il serait illogique d'effacer 23 ans d'histoire du pays en arrachant l'horloge qui nous rappelle un pan récent de notre Histoire et qui nous rappelle, surtout, ce qu'on est convenu d'appeler aujourd'hui ‘l'invasion de l'horloge'! Pour finir, le président de la République a répondu à tous ceux qui l'ont critiqué parce qu'il ne s'est pas déplacé à Ben Guerdane après l'attaque terroriste avortée. Béji Caïd Essebsi a assuré, à ce propos, que son déplacement dans la ville a déjà été programmé, mais que finalement, c'est Habib Essid qui s'y est rendu après consultation entre la présidence de la République et celle du gouvernement. L'interview radiophonique de Béji Caïd Essebsi est survenue, selon certains observateurs, relativement tard suite à une grande attaque terroriste et de longues polémiques économiques dans le pays. D'autres et en dépit de toutes les réserves et les reproches quant au timing, considèrent que ce passage radiophonique est survenu à un moment opportun et pertinent dans le sens où il a contribué à écarter, un tant soit peu, quelques flous de l'échiquier politique national.