Il n'y a pas que Nidaa Tounes qui a affecté par le pouvoir, son fondateur, Béji Caïd Essebsi, a connu de sérieux problèmes avec l'opinion publique en général et avec ses sympathisants en particulier : dès qu'il a succédé à la magistrature suprême, Caïd Essebsi a dû délaisser son discours spontané et léger pour des déclarations trop officielles. Bien qu'il ait tenu un bon nombre de discours et d'entretiens depuis sa victoire à l'élection présidentielle, le passage du chef de l'Etat sur la chaîne nationale au milieu de cette semaine attire l'attention. Après avoir créé la polémique à cause de quelques déclarations, Béji Caïd Essebsi est réapparu, sur Al Watania 1, pour remettre les points sur les i. Cependant, cet entretien n'a rien apporté de nouveau: le président de la République, tout en retrouvant son style décontracté, s'est bien gardé de révéler des exclusivités. Qu'il s'agisse du maintien d'Habib Essid à la tête du gouvernement, de la démission de Ridha Belhadj du cabinet présidentiel ou de la cuisine interne de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi a fourni un effort considérable pour ne pas se prononcer subjectivement sur ces sujets polémiques. Toutefois, le locataire du palais de Carthage a su exploiter ce passage à la télévision pour faire passer ses messages les plus urgents et les plus importants. Le premier concerne une nouvelle initiative que le président lancera prochainement. Après l'échec de son projet de loi de la réconciliation économique et financière – qui a créé une grande polémique – Béji Caïd Essebsi semble être sur le point d'annoncer une nouvelle initiative qui concerne la lutte contre le chômage. Bien qu'il l'ait dit à demi-mot lors de son passage télévisé, le chef de l'Etat a annoncé les spécificités de cette initiative puisqu'on sait déjà qu'elle sera ‘100% tunisienne'. Le deuxième message a été clairement adressé à l'opposition. En évitant de nommer Hamma Hammami et en le surnommant ‘le président de l'opposition', Béji Caïd Essebsi a rappelé aux leaders de la Gauche qu'ils ont refusé de collaborer avec lui et ce malgré les nombreuses négociations qu'il a lui-même menées avec eux. Le troisième message, et l'un des plus importants vu le timing, est celui qui concerne l'affaire de l'assassinat du martyr Chokri Belaïd. Nous nous rappelons tous que cette affaire a constitué l'un des points les plus importants de la campagne présidentielle de Caïd Essebsi qui avait promis, à l'époque, de dévoiler toute la vérité en ce qui concerne les dossiers des assassinats politiques. Questionné par Elyess Gharbi, le président a rectifié le tir. Il a expliqué qu'il s'est engagé à déployer tous ses efforts pour que l'affaire soit élucidée et qu'il a tenu sa promesse en intervenant auprès du ministère de l'Intérieur pour que les enquêtes soient soigneusement menées. Aujourd'hui, le problème ne réside plus au ministère de l'Intérieur mais au ministère de la Justice et, bien évidement, le chef de l'Etat ne peut en aucun cas intervenir dans le travail des magistrats. Cette réponse a été le maillon faible de toute l'interview parce qu'elle peut être assimilée à un aveu de défaite et à une promesse électorale non tenue. Et comme il ne pouvait employer qu'un ton sérieux vu la gravité de l'affaire, le message est très mal passé... Ce passage aura certainement son impact sur les prochains sondages d'opinion. Le grand public a retrouvé le personnage du Béji spontané et direct, l'image du père de tout le peuple. Cependant, et en raison de l'instabilité à tous les niveaux dans le pays, l'effet de cet entretien risque d'être très éphémère.