Qu'elles soient " coupables" ou " déesses", " vieilles filles " ou " mal chaussées", les femmes sont " toutes dispersées" car vivant ce calvaire d'être nées femmes dans des sociétés qui les mettent au rebus. " On ne naît pas femme, écrit Simone de Beauvoir, mais on le devient" tant l'emprise familiale, sociale, culturelle et politique pèse comme un fardeau sur les épaules frêles de celles qui sont assujetties, dominées, soumises à l'ordre établi. Elles sont formatées selon le moule social qui voudrait faire d'elles des assistées, des victimes, des coupables. Le corps devient linceul ou objet de désir et de plaisir. Il subit les entraves qu'on lui impose ou il est exposé à la voracité masculine. Il est le lieu de tous les combats. Olfa Jomaa montre le corps féminin, le dénude pour révéler ses cicatrices, ses blessures, cachées ou apparentes, car il n'oublie jamais les sévices subis. Les tableaux sont parcourus de lignes verticales, comme si la peinture suintait, larmes noires traversant l'espace pictural, échappées du pinceau, échappant à la maîtrise de l'artiste, coulant et s'arrêtant, lorsque le pinceau aura livré toute l'eau du cœur et que la toile aura ravalé toutes ses larmes. Des femmes différentes, aux parcours dissemblables, vivant dans des conditions inégales et pourtant si proches, si semblables, affrontant un regard qui ne connait ni compassion, ni justice. Les seules, les esseulées, les discriminées, les laissées pour compte, les esclaves, les dominées, les soumises, les agenouillées, les respectées, les adulées, les opprimées, les exploitées, les idolâtrées, toutes se prêtent au regard, dénudées, exposant un corps qui ne ment jamais. A jamais y sont inscrites, ses blessures, ses traumatismes, ses fêlures, sa fragilité à fleurs de peau. Exposé au regard avide, ogre ou aimant, émerveillé, le corps porte les stigmates des souffrances, des tourments, des violences, du désarroi. Bienveillant et humain, le regard de l'artiste embellit ces femmes, dans des poses et postures différentes, donnant à voir leur charme, leur séduction, leur fascination. La main, généreuse, les inondes des couleurs les plus sublimes. Les techniques diverses: aquarelle, acrylique, collage, toutes réussies avec brio montrent les différentes facettes d'une seule femme, l'éternel féminin dans ses turpitudes, sa beauté, son combat, son parcours, son chemin, son mystère, ses rêves et ses cauchemars, ses promesses, l'âpre réalité, ses attentes, ses déceptions, ses désillusions, ses désirs et ce regard de l'Autre qui culpabilise ou sauve. Olfa Jomaa traite la thématique sans concession aucune. Elle met à nu, surtout, et le corps féminin et les déboires de toutes les femmes, leur tragédie dans un milieu englué de préjugés malintentionnés, d'idées préconçues, figées. S'attaquer aux préjugés, n'est-t-il pas démanteler les barreaux de nos prisons en notre for intérieur?