«A quelques mois du congrès de l'UGTT, plusieurs syndicalistes mènent des campagnes électorales prématurées en vue de gravir les échelons ou de sauvegarder leurs positions actuelles au sein de l'organisation», estime un dirigeant de l'UTICA «Les autorités versent souvent de l'huile sur le feu par des réactions sécuritaires disproportionnées aux mouvements sociaux», souligne le S.G. Adj. de l'Union régionale du travail du Kef, Taoufik Chebbi Alors que les partenaires sociaux s'apprêtent à lancer un nouveau round de négociations sociales qui aboutirait à des majorations des salaires au titre des années 2016 et 2017, la contestation sociale reprend de plus belle dans plusieurs régions et secteurs. Après les violents heurts ayant opposé à Kerkennah les forces de l'ordre à des manifestants dénonçant la remise en cause d'un vieil accord salarial entre la société pétrolière britannique Petrofac et l'Etat tunisien et les manifestations des diplômés chômeurs qui étaient interdits de travailler dans le secteur public du temps de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali en raison de leur activités politiques et syndicales, les centres hospitalo-universitaires, les hôpitaux régionaux, les dispensaires et autres établissements publics de santé (EPS) risquent, sauf accord de dernière minute, d'être paralysés par une grève générale aujourd'hui. Le mot d'ordre de ce débrayage a été lancé par la Fédération générale de la santé rattachée à l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), en signe de protestation contre le «non-respect du droit syndical» et la détérioration de la situation matérielle et morale du personnel soignant et des agents travaillant dans les établissements publics de santé. Cette grève fait suite à une «journée de colère» organisée lundi devant le siège du ministère de la Santé. La Fédération générale de la santé réclame, en premier lieu, la libération de cinq membres du bureau exécutif du syndicat de base de l'hôpital universitaire Habib Bourguiba à Sfax qui ont été placés en garde à vue pour entrave à la liberté de travail, conformément à l'article 136 du code pénal. Selon le directeur régional de la santé publique à Sfax, ces syndicalistes ont empêché un comité médical composé de hauts cadres du ministère de la Santé d'accéder à l'hôpital en vue d'évaluer la situation de cet établissement. La Fédération réclame, également, la nomination d'un nouveau directeur à la tête de l'hôpital Habib Bourguiba de Sfax pour remplacer le responsable actuel qui appartient à l'institution militaire et le lancement de véritables réformes du secteur public de la santé. D'autre part, une grève générale est prévue pour le 3 mai prochain dans le gouvernorat du Kef pour dénoncer le manque de développement et la persistance du chômage dans la région. Cette grève a été décidée suite à la dispersion manu militari d'une marche pacifique organisée par des manifestants qui protestaient contre les décisions prises en faveur de la région du Kef lors d'un conseil ministériel. Ces décisions qui concernent essentiellement la création d'une compagnie pour l'exploitation des phosphates, la construction d'une autoroute et l'aménagement d'une zone de libre échange avec l'Algérie ont été jugées décevantes par les habitants de la région. Et last but not least, les poubelles risquent de déborder les 4 et 5 mai prochain en raison du mot d'ordre de grève lancé par la Fédération générale des municipalités pour réclamer des promotions et des reclassements professionnels en faveur des éboueurs. Selon les syndicalistes, ces diverses grèves s'expliquent par le refus des autorités de lever les injustices dont souffrent plusieurs secteurs et certaines régions défavorisées. «Le gouvernement semble incapable de rassurer les couches socioprofessionnelles les plus vulnérables et de leur donner de l'espoir», clame le secrétaire général adjoint de l'Union régionale du travail du Kef, Taoufik Chebbi. Et d'ajouter : «Force est aussi de constater que les autorités versent souvent de l'huile sur le feu par des réactions sécuritaires disproportionnées aux mouvements sociaux comme ce fut le cas au Kef, où la Ligue Tunisienne pour la Défense des droits de l'Homme a recensé des violences policière sans précédent». Certains observateurs montrent, d'autre part, du doigt une surenchère syndicale dégageant de forts relents d'enjeux électoralistes liés au prochain congrès de l'UGTT. «A quelques mois du congrès de l'UGTT, plusieurs syndicalistes tentent de se mettre au devant de la scène et mènent des campagnes électorales prématurées en vue de gravir les échelons ou de sauvegarder leurs positions actuelles au sein de l'Organisation», estime un dirigeant de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), indiquant que la marge de manœuvre du gouvernement est réellement limitée au regard du marasme économique que connaît le pays.