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Le grand retour de Raouf Gara
Publié dans Le Temps le 15 - 05 - 2016

Après une absence relativement longue, l'artiste plasticien Raouf Gara revient avec une exposition aux allures de grande rétrospective. Reliée à la mer et à sa ville natalede Kélibia, l'oeuvre de Gara est inséparable de l'abstraction tunisienne et d'une démarche artistique qui allie un sens profond de la couleur et un univers en perpétuel mouvement. La Maison des Arts accueille cet artiste à partir du 27 mai pour l'un des temps forts de la saison artistique...
Sur la longue plage de Sidi Mansour, alors que les vagues lèchent le rivage, il n'est pas rare, en toutes saisons, d'apercevoir la silhouette de Raouf Gara qui, un sac à la main, collecte tessons, débris, algues fossilisées et autres friandises d'artiste rejetées par la mer.
Cette pêche miraculeuse est l'une des multiples facettes de cet artiste dont le nom est inséparable de celui de sa ville de Kélibia. De fait, Gara s'identifie, se confond avec sa ville natale, sa mer généreuse, le fort qui la domine et aussi le port où il a élu domicile et installé son atelier.
La mer, obsession lumineuse
Et quel atelier! La mer pour horizon et des dizaines d'oeuvres en cours d'achèvement, ou encore reprises pour atténuer un coloris, renforcer un contour, dégager une perspective. Dans ce véritable capharnaüm, l'artiste est souverain...
Non loin de ses travaux en cours, Raouf Gara garde toujours quelques toiles que son père, Naïf absolu et surprenant autodidacte, avait peintes alors qu'il allait sur ses cent ans. Surprenants tableaux, enroulés dans le secret d'un atelier, jaillissants de couleur qui fusent de tous côtés, comme si fauvisme et symbolisme n'avaient aucun secret pour ce paternel confrère.
C'est ainsi chez Raouf Gara! L'art est partout, dans un fouillis que seul lui sait démêler et dans un lieu dont il continue à alimenter l'esprit convivial. Car, pour Gara, il est essentiel de travailler dans un environnement ouvert, dans la proximité des autres artistes. Du coup, il a transformé son atelier en espace culturel où se croisent musiciens et plasticiens, à l'ombre du souvenir de Zine Essafi qui fut un habitué des lieux.
Les intellectuels de Kélibia, les Samoud notamment, se retrouvent ici, face au grand large, pour refaire le monde et rêver à une création ancrée et novatrice. Les lieux fourmillent de vie et d'idées mais ce n'est qu'aux petites heures du jour que l'artiste travaille.
Depuis maintenant quatre décennies, Raouf Gara participe au mouvement pictural tunisien. Et s'il est un peintre de la mer, un maître des tonalités bleues, c'est bien lui! Dans notre histoire de l'art, il occupe une place à part, une position discrète, repliée voire solitaire. Toutefois, il n'a jamais cessé d'approfondir le même sillon dans une oeuvre aujourd'hui gigantesque.
Nos artistes ont-ils représenté la mer? La réponse est incontestablement un oui au pluriel. Toutefois, la tradition marine reste très liée à la peinture de chevalet ou bien au paysage ou encore à des thématiques classiques.
La logique de l'oeuvre abolit la cohérence
Chez Gara, c'est une toute autre démarche. Ayant choisi la mer comme matrice pour son oeuvre, il la décline dans une abstraction arcboutée à une démarche personnelle. La mer de Gara est à nulle autre pareille. La mer de Gara n'existe pas mais elle est partout. Allégorie, métaphore, symbole, cette mer irradie la totalité de son oeuvre, la structure et l'articule.
Obsession lumineuse, l'onde est le noyau invisible de la méthode de Gara. Travaillant face au grand bleu, l'artiste parvient à totalement assimiler cet espace à son travail, à le disséminer, le fragmenter comme un miroir aux reflets différents mais au sens singulier.
Qu'il travaille sur des tessons de céramique ou des sculptures aux formes torturées, Gara s'inspire de la mer, revient toujours à la mer, y puise son matériau qu'il soit matériel - comme des algues ou des bris de verre - ou sublime à l'image des forêts de symboles que décrivait Charles Baudelaire. La logique interne de l'oeuvre de Gara fait exploser la cohérence de ce qui ne constitue pas un modèle mais la juxtaposition "alogique" d'éléments épars.
Ces éléments dépendent les uns des autres, composent l'oeuvre mais ne se soumettent jamais à une exigence de représentation. Raouf Gara ne représente pas, il crée ex nihilo. Il imagine des rébus, des incohérences, un hétéroclite fortuit, des caprices plastiques qui échappent à toute logique référentielle. L'artiste est libre, son oeuvre découle directement de cette liberté qui rompt avec les scénographies fussent-elles issues de limpides abstractions.
La peinture lacunaire de Raouf Gara
C'est en cela que Raouf Gara brouille toutes les cartes de l'abstraction tunisienne. Il ne revendique rien, il est indépendant des modèles et des modules, il échappe complètement aux tentations de la tradition et de l'héritage. Ce point est essentiel car chez lui, le tableau, avant d'être une image, est une surface signifiante, un fragment de vérité au sens structuraliste du terme. Chez Gara, il n y a pas de référent iconique et, du coup, son oeuvre s'écarte des écoles et des analyses pour s'imposer désincarnée, absurde et libre. Raouf Gara agit aux limites de la représentation, dans une zone floue où c'est l'oeil, et seulement l'oeil et la mémoire du spectateur, qui peuvent se soumettre à des référents éventuels.
La peinture lacunaire de Raouf Gara répond toutefois à une organisation plastique rigoureuse. Le puzzle n'est qu'illusion de labyrinthe, allusion aux méandres de l'art abstrait. Le reste est une affaire d'infini, de jeu, de déploiements, de fragments qui glissent et d'effets de relief sur des surfaces souveraines.
Oeuvre ardue que celle de Gara qui est entré en art comme on entre en religion. Oeuvre insaisissable car elle échappe au sens et aux classifications critiques. Est-ce pour cela que l'ermite joyeux de Kélibia est peu abordé par la critique? Serait-ce plutôt à cause du repli qu'il a choisi?
Objets réels et leurres de réalité
Probablement un peu des deux... Il n'en reste pas moins que cet artiste enrichit la complexité de l'abstraction tunisienne et questionne les limites et les échappées de toute peinture. En cela, il est bien un acteur essentiel de notre modernité picturale, un acteur qui surgit du fond de la toile pour faire naître des mondes transparents, des objets réels qui deviennent des leurres de réalité et les plus belles ambigüités de l'abstraction.
Il était temps que Gara revienne! Il était temps que la Maison des Arts salue son parcours inimitable. Il est encore temps pour la critique de découvrir son cheminement. Et dans ce domaine précis, les collectionneurs ont déjà plusieurs coups d'avance car, en Tunisie et surtout en Europe, ils se sont emparés de l'oeuvre unique de ce plasticien d'au-delà les frontières du sens.
Pour terminer, un coup de chapeau à Sameh Habachi, la directrice de la Maison des Arts qui parvient peu à peu à installer la diversité dans cette galerie de référence. Un coup de chapeau aussi à Sana Tamzini qui, à la tête de la Direction des Arts au ministère de la Culture, bouscule les certitudes figées et donne enfin à l'art contemporain ses lettres de noblesse.
Avec ce duo qui allie le charme à l'efficacité, Raouf Gara fait figure de troisième mousquetaire en cette veille d'une rétrospective si attendue et qui livrera tous ses secrets le 27 mai prochain.


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