Il ne se passe pas une semaine, voire un jour, sans que les Tunisiens ne soient pris dans l'engrenage d'une quelconque polémique. Et ce ne sont sûrement pas les thèmes et les événements qui manquent. C'est à croire que, parfois on les invente, justement, pour occuper les esprits et l'opinion publique. Il faut dire que les réseaux sociaux aidant, plus particulièrement le Facebook, certaines pages et de simples profils, sous couvert de l'anonymat, se plaisent à sauter sur le moindre fait, politique, social, sécuritaire ou même de fait divers, pour le gonfler et lui donner un halo mérité ou non. S'il n'y a rien, qu'à cela ne tienne. On inventera ou on créera l'événement. Et comme toujours, cela démarre avec un post, un statut, un témoignage audio ou un document vidéo avant que les médias audiovisuels, par plateaux interposés, ne prennent le relais pour lui donner plus de « crédibilité et de consistance ». Et le traitement se fait d'une manière telle pour que le buzz soit garanti. Le mot est lâché. Il est magique et le sésame s'avère incontournable pour tout média à la recherche de la relance de son audimat qui constitue, à son tour, une condition sine qua non pour tout retour commercial et publicitaire. Bien entendu, des faits majeurs, il y en eu et il y en aura toujours. Mais, souvent, une simple proposition, dont on ne sait pas le pourquoi du choix de timing, sert d'alibi pour tenir en haleine l'opinion publique, plusieurs jours, voire des semaines durant. A part les événements qui s'imposent, tels le déroulement du 10ème congrès d'Ennahdha et, auparavant, celui de Nidaa Tounès qui ont défrayé officiellement la chronique, ou encore les actes terroristes et les opérations sécuritaires qu'ils entraînent, on notera une multitude de faits, apparemment anodins ou « provoqués » qui retiennent l'attention des citoyens, férus du « m'as-tu vu » et du « qu'en dira t-on ». On signalera, tout d'abord, l'initiative prise par l'élu Mehdi Ben Gharbia qui a proposé un projet de loi prônant l'égalité en matière d'héritage entre la femme et l'homme. Le thème a été débattu en long et en large à travers les plateaux radiotélévisés et les réseaux sociaux qui ont fait parler toutes les parties intéressées, de près ou de loin, par la question. Ces dernières s'en sont données à cœur joie dans leurs analyses du pour et du contre de ce projet. Mais la plupart des critiques s'attachaient à relever le mauvais choix du moment arguant du fait qu'il n'y a aucune urgence à soulever ce point délicat, considéré comme tabou à un point tel que même le leader Habib Bourguiba, n'avait pas osé y toucher lors de la promulgation du Code du statut personnel (CSP). Or, ceux qui sont pour cette initiative, dont en premier lieu son auteur, rétorquent que le « mauvais timing » est un faux argument dans la mesure où, en suivant cette logique, il n'y aura pas de « bons moments ». Ensuite, il y a eu cette accusation lancée par Mohamed Fadhel Ben Omrane, ancien chef du bloc parlementaire de Nidaa, contre un député qui assistait, en état d'ébriété, aux travaux de la Commission des finances au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), une affirmation formellement démentie par l'intéressé présumé. Mais entretemps, elle a accaparé énormément de temps et d'espaces à travers les médias. Le même député démissionnaire de la présidence du bloc de Nidaa, vient de lancer une autre « bombe » en révélant que le nouveau président de la commission des finances n'a pas de diplôme, voire même pas celui de la Sixième. « Un ex-marchand de glibettes », affirme t-il. C'est dire qu'il va falloir s'attendre à une grosse polémique qui n'a fait que commencer. Autre affaire qui fait du bruit. Il s'agit de cette déclaration de la députée de Nidaa Tounès, Héla Omrane qui a eu la perspicacité et l'audace de dénoncer la liste des « martyrs » d'Ennahdha où figure Mehrez Boudagga, accusé et condamné pour avoir été un des auteurs des explosions survenues, en 1987, dans les hôtels de Sousse et Monastir. Cette remarque dénonciatrice de Héla Omrane lui a valu un tollé de critiques et de « colère » de la part des barons d'Ennahdha dont notamment, Abdellatif El Mekki et Samir Dilou, qui maintiennent leur affirmation que Boudagga est martyr et que les explosions en question « étaient l'œuvre des services sécuritaires de Ben Ali » pour les mettre, par la suite, sur le dos du parti islamiste de l'époque ». Or, un enregistrement audio-vidéo avec, Farhat Rajhi, qui avait jugé et condamné l'activiste nahdhaoui en question, affirmait, lors d'une émission télévisée, et jurait ses grands dieux qu'il avait instruit l'affaire en son âme et conscience et que l'accusait avait tout avoué devant la Cour en pleine audience. Mais il faut dire aussi, qu'Ennahdha a beau affirmer être devenu un parti civil et démocrate, mais il ne « badine pas » avec certains points et avec l'histoire de ses militants et avec le fait qu'il était « le seul mouvement à combattre farouchement le régime de Ben Ali ». D'ailleurs, on l'a vu à l'œuvre lors des polémiques soulevées pour la mémorisation du Coran au profit des gosses lors des vacances estivales dans les écoles de la République. Et puis, si l'on en croit les déclarations d'après le 10ème congrès, cette fameuse séparation entre le religieux et le politique reste très aléatoire et très floue puisque des députés et autres responsables politiques sont des membres à part entière au sein du Conseil de la Choura ! Autre objet de polémique et de controverse est cette proposition d'un projet de loi, initiative d'une députée d'Ennahdha appelant à une prolongation du congé de maternité. Est-ce le bon moment de soulever ce point ? Et puis, si en apparence, ce projet semble être tout bénéfique pour la femme, il n'en demeure pas moins qu'il renferme plein d'inconvénients dans le sens où il pourrait renforcer le préjugé quant à la « non rentabilité de la femme au travail » et diminuer, par voie de conséquence, ses chances lors des recrutements. Ceci a pour effet, également, de consacrer l'idée que la place de la femme se trouve à la maison pour s'occuper des enfants ! Bien entendu, ceci, sans oublier les petites « bricoles » de faits divers dont les auteurs où les victimes deviennent, comme par enchantement, des héros ou des personnages célèbres suite au tour des médias qu'ils font pour expliciter leur cas. La question qui se pose en conclusion est la suivante : s'agit-il d'un phénomène normal qui s'explique par le sevrage subi par les Tunisiens en matière de liberté d'expression et de droit à la parole, plus de cinquante ans durant ? Ou s'agit-il encore d'événements sciemment provoqués ou de ce qu'on appelle de manœuvres de diversions pour détourner l'attention de l'opinion publique des véritables problèmes et des vrais enjeux ? Alors, une évolution naturelle ou théorie du complot ? Les prochains jours et l'histoire se chargeront, bien évidemment, de tirer ces énigmes au clair!