Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a annoncé son initiative présidentielle – concernant la formation d'un gouvernement d'union nationale – le 2 juin courant. Quatre jours plus tard, il avait reçu Habib Essid au palais de Carthage dans le cadre de leur réunion hebdomadaire. Contredisant tous ceux qui avaient prédit la démission d'Essid à l'issue de la même réunion, les deux présidents s'étaient contentés de faire l'état des lieux de la situation du pays. Publié dans la matinée d'hier, un communiqué de la présidence de la République a informé que l'entrevue hebdomadaire entre les deux chefs a eu lieu. Selon le document en question, Habib Essid et Béji Caïd Essebsi se sont penchés sur les dossiers du pays et plus précisément sur le dossier sécuritaire. Par ailleurs, le président de la République et le chef du gouvernement sont revenus sur les discussions, qui sont en train d'être menées au palais de Carthage entre les quatre partis de la coalition et les deux organisations nationales, entrant dans le cadre de l'initiative présidentielle. Le document et la rencontre n'ont apporté rien de concret. Mais, quand on est habitué aux déclarations des deux hommes, séparément, on ne peut que conclure que les contradictions et les tensions commencent à se faire sentir. Cela a commencé avec Béji Caïd Essebsi qui a assuré, lors d'une entrevue l'ayant réuni avec le journaliste palestinien Abdelbari Atwan, qu'il a lui-même demandé à Habib Essid de ne pas présenter sa démission dans l'immédiat. Selon BCE, Habib Essid comptait démissionner le lundi 6 juin mais il aurait finalement fini par se soumettre aux demandes persistantes du chef de l'Etat. Par cette demande, BCE dit avoir évité tout vide politique en attendant que les concertations entre les différentes parties concernées finissent par aboutir. Cette déclaration, accordée au cours de la semaine dernière, avait fait taire tous ceux qui parlaient d'un conflit majeur entre les deux chefs. Mais le calme et la certitude n'auront pas duré trop longtemps ! Habib Essid a, à son tour, décidé de parler. Accordant une grande interview au journal électronique ‘Alarabya.net', le chef du gouvernement a exprimé sa surprise quant au timing choisi par le chef de l'Etat pour lancer une initiative pareille ‘surtout que le pays traverse une période fragile au niveau sécuritaire'. Précisant qu'il est favorable pour un large remaniement ministériel ou pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, Essid a néanmoins assuré qu'il n'a aucune intention de fuir devant ses responsabilités. Et d'ajouter que démissionner revient à affaiblir l'Etat. Questionné sur sa dernière entrevue avec Béji Caïd Essebsi – celle dont a parlé le président avec Abdelbari Atwan en assurant qu'Essid allait présenter sa démission à son issue – le chef du gouvernement a indiqué que le président ne lui a pas demandé de démissionner. A la fin de l'interview, Essid a rappelé que la Constitution prévoit plusieurs scénarios pour la démission du gouvernement et de son chef. Les deux entretiens du président de la République et du chef du gouvernement ne sont nullement en parfaite harmonie. Cela nous laisse conclure que les deux hommes n'ont pas du tout la même vision sur l'état actuel des choses dans le pays. Or, si Habib Essid refuse de présenter sa démission, cela présenterait un blocage pour l'initiative présidentielle qui ne pourrait donc pas voir le jour qu'en cas d'accord avec une majorité parlementaire pour une éventuelle motion de censure à l'encontre d'Essid. Si jamais on en arrivait là, la formation d'un gouvernement d'union nationale risque de prendre plus de temps que prévu. Un luxe que le pays ne peut s'offrir...