Par Prof.Mahmoud Dhaouadi - sociologue [email protected] Le jeûne du mois du Ramadan constitue l'un des cinq piliers principaux de la religion musulmane. Le Coran, en tant que première référence de l'Islam pour la connaissance de la nature des choses, parle du jeûne comme obligation religieuse pour les femmes et les hommes comme on va voir dans les dernières lignes de cet article. D'autre part, l'esprit scientifique du raisonnement musulman se base aussi sur les données empiriques des phénomènes. C'est ainsi que nous soulevons ici l'impact que le jeûne exerce sur le cerveau du point de vue à la fois du raisonnement humain et du texte coranique révélé. En d'autres mots, il y a dans l'héritage authentique de la connaissance musulmane une coopération et amitié entre la science et la religion. Les scientifiques, les penseurs et les Foukaha (les savants dans la religion de l'Islam) ont utilisé le raisonnement et les références sacrées pour établir leurs connaissances et leurs sciences dans l'héritage authentique de la pensée et les sciences. Par exemple, le cheminement d'Ibn Khaldoun est loin d'être l'exception dans son parcours intellectuel arabo-musulman avant la période de la colonisation occidentale. La légitimité de combiner la science et l'Islam dans tant de domaines scientifiques est un phénomène remarquable dans la civilisation musulmane. Dans ce sens, le raisonnement musulman est le lieu où se rencontre la connaissance résonnée avec celle de la révélation. Il y a aujourd'hui en Occident une tendance qui désire mettre fin au divorce entre la religion et la science ( Cayton, Simpson 2009). Celle-ci s'applique aussi à la pensée des postes-modernistes européens (Lyotard 1984). Dans ce nouveau contexte, La revue Science et Avenir – janv-fév 2016 a organisé en 2015 un colloque où des scientifiques et des représentatifs des trois religions (Le Christianisme, l'Islam et le Judaïsme) sont invités. Le numéro spécial de la revue s'intitulait: Dieu et la Science. Le rédacteur de la Revue a mis l'accent sur l'importance des dialogues. Les données proposées ici à traves ces réflexions sur la légitimité de conjuguer les deux sources de connaissance sont pertinentes. Jeûner : la cure de jouvence du cerveau* Cerveau et jeûne, l'association fait bon ménage depuis la nuit des temps. Les chamans y avaient recours pour entrer en contact avec les forces invisibles, les religions ont ensuite ritualisé ce chemin de privation pour rapprocher l'âme de Dieu. Clarté, vivacité, clairvoyance: ces vertus présumées du jeûne ont-elles une réalité physiologique? Du côté des médecins, le jeûne a toujours été considéré comme dangereux. Mais en 1880, un médecin américain, le Dr Dewey, fait une observation essentielle. Chez les personnes mortes de famine, le cerveau et le système nerveux sont intacts, au contraire de tous les autres organes! Même lorsque l'on meurt de faim, l'organe cérébral reste alimenté. Mais quel est donc son carburant? L'énergie du cerveau est fournie normalement par le glucose. En cas de privation de nourriture de plus de 16 heures, l'organisme fabrique un substitut du glucose: les corps cétoniques. Et le cerveau adore ça! Une expérience récente à Boston a montré qu'en présence de glucose et de corps cétoniques, le cerveau préférait les corps cétoniques. Un supercarburant qui pourrait, en partie, améliorer les performances cérébrales pendant un jeûne. Le physicien russe Vladimir Leshkovtiev a ainsi écrit un livre encyclopédique de physique en 21 jours de jeûne! Jamais, raconte-il, je n'avais possédé de telles capacités intellectuelles. Notons également que lors d'un jeûne, le taux de sérotonine, cette hormone, qui favorise le sentiment de calme et de bien-être, augmente. En Occident aujourd'hui, les recherches se concentrent sur la protection contre les maladies neuro-dégénératives. El les résultats sont spectaculaires. Mark Mattson, du National Institute of Health a ainsi montré qu'un jeûne intermittent a permis d'accroître chez les souris leur résistance contre les maladies d'Alzheimer, de Parkinson et de Charcot en produisant des protéines responsables de la croissance et de la survie de neurones en développement. Des protéines également capables de faire repousser des neurones endommagés et de favoriser ainsi la production des cellules nerveuses par les cellules souches. Valter Longo, de l'université de Los Angeles, autre star des sciences du vieillissement, vient de montrer qu'un jeûne de 5 jours tous les trois mois favorisait la neurogénèse de l'hipocampe. La science moderne démontre ainsi que le jeûne, longtemps décrié par la médecine officielle, devient un important outil de régénérescence cérébrale. Les vertus du jeûne dans le Coran Après avoir vu les nouvelles découvertes scientifiques des biens faits du jeûne sur le cerveau, on regarde maintenant comment le texte coranique dans la sourate 2 du Saint Coran parle des vertus du jeûne : 183- Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l'a prescrit à ceux d'avant vous, pendant un nombre déterminé de jours ainsi atteindrez vous la piété.184-. Quiconque d'entre vous est malade ou en voyage, devrait jeûner un nombre égal d'autres jours. Mais pour ceux qui ne pourraient le supporter (qu'avec grande difficulté) il y a une compensation : nourrir un pauvre. Et si quelqu'un fait plus de son propre gré, c'est pour lui; mais il est mieux pour vous de jeûner; si vous saviez ! 185- Ces jours sont le mois du Ramadan au cous duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc, quiconque d'entre vous qui voit la lune de ce mois, qu'il jeûne! et quiconque est malade ou en voyage, alors qu'il jeûne un nombre égal d'autres jours.- Dieu veut pour vous la facilité, il ne veut pas la difficulté pour vous, afin que vous en complétiez et que vous proclamiez la grandeur de Dieu pour vous avoir guidés, et afin que vous soyez reconnaissants !186- Et quand Mes serviteurs s'interrogent sur Moi...alors je suis tout proche: Je réponds à l'appel de celui qui Me prie quand il me prie. Qu'ils répondent à Mon appel, et qu'ils croient en Moi, afin qu'ils soient bien guidés. ------------------------------------- * Thierry De Lestrade: Documentariste plusieurs fois primé et auteur de Le jeûne, une nouvelle thérapie ? Voir Le Point (Hors-Série - fév-mars 2016): Le guide du cerveau, p.33. Clayton, P. & Simpson, Z.(Eds) (2009) The Oxford Handbook of Religion and Science, Oxford, Oxford University Press. Lyotard,J-F (1984) The Postmodern Condition, Minneappolis, University of Minnesota Press.