Quoique brillant par une variété incroyable de mets et des appellations pompeuses, la nourriture servie par la grande majorité de nos restaurants et établissements similaires ouverts au grand public est, tout juste, bonne à remplir le ventre et manque complètement de goût et de saveur, estime le chef cuisinier Mounir Dawla, cuisinier d'un restaurant connu dans la ville de la Goulette, en nous présentant, dans un entretien, la situation de la profession et de la restauration destinée au grand public, en Tunisie, en général. Il ajoute qu'à travers ce jugement critique, il ne cherche nullement à se faire valoir, en dénigrant ses pairs, mais c'est uniquement pour la défense et la protection de la profession face à l'esprit mercantiliste et aux pratiques frauduleuses croissantes sur la qualité qui commence à l'entacher profondément aux dépens des exigences élémentaires de l'art culinaire, reconnu comme étant une des spécificités essentielles des peuples et la marque de leur enracinement civilisationnel. Ainsi, il y a l'art culinaire tunisien, ou la cuisine tunisienne, l'art culinaire italien ou la cuisine italienne, française, chinoise, etc. Or, ajoute notre interlocuteur, l'un des fondements de l'art culinaire est de préparer des aliments ayant du goût et de la saveur, de sorte que le bon cuisinier est celui qui sache cuisiner des plats et des mets qui procurent du plaisir à celui qui les mange, grâce à leur bon goût et à leur saveur, et non pas celui qui bâcle et prépare n'importe quoi et n'importe comment. Pourtant, c'est malheureusement ce qui domine, chez nous, aujourd'hui, en dépit de la diversité incroyable qu'ont connue les aliments et la nourriture servis au grand public par les restaurants et les établissements similaires. On y retrouve, aux côtés des spécialités tunisiennes traditionnelles comme le couscous, les ragoûts, les tajines, les aliments farcis, d'innombrables autres préparations, qu'elles soient étrangères et nouvelles comme la pizza italienne, la chawarma turque, le poulet rôti aux broches électriques, dans les rôtisseries, et les « fast-foods », ou locales remises au goût du jour, à grande échelle, outre les sandwiches de tous genres, les pâtés, les gâteaux, les boissons, tout ceci proposé et vendu par les restaurants et établissements similaires ouverts au public, ainsi que, dans les rues, sur les trottoirs, par des revendeurs ambulants. Mounir Dawla nous a indiqué avoir appris le métier ou l'art culinaire sous la direction de grands chefs qui lui ont communiqué comment combiner savamment les ingrédients pour obtenir des mets succulents et bons à manger. Et d'ajouter qu'à son avis, il s'agit principalement d'une question de conscience professionnelle et non pas de renforcement du contrôle administratif pour faire respecter les règles de la bonne cuisine dans les établissements de restauration destinée au grand public, en allant de la conservation et de la préparation des matières premières comme les viandes, les poissons et les légumes, jusqu'à la cuisson et la prestation de services aux clients. Il attire l'attention sur les aspects liés à la propreté et à l'hygiène qui souffrent de grandes lacunes, mettant l'accent sur le rôle dévolu aux clients et aux consommateurs, dans ce domaine. Cependant, a-t-il dit, le comportement des Tunisiens sur ce point est incompréhensible, car ils acceptent n'importe quoi et consomment tout ce qu'on leur offre et propose, sans distinction, à l'instar des aliments refilés par les revendeurs des rues. Selon lui, la raison en est les prix bas pratiqués par ces revendeurs à la sauvette, et par les rôtisseries et autres restaurants spécialisés dans la pizza et les plats « fast-foods ». En effet, estime Mounir Dawla, ce sont désormais les prix qui régissent et orientent notre profession et la restauration, en général, et non pas les exigences de la bonne cuisine et de l'art culinaire, et ceci est valable autant pour les consommateurs qui sont attirés davantage par les prix bas, abstraction faite de la qualité, que pour les restaurateurs qui jouent sur ce côté afin de proposer des plats à prix bas, à la portée de tous, c'est-à-dire qu'ils compriment les prix des plats au détriment de la qualité, en usant de mille artifices. Et ceci explique la différence entre les prix pratiqués par les restaurants respectables et ceux pratiqués par ces jongleurs sur la qualité, de sorte qu'il importe que les citoyens et les organisations de défense du consommateur soient conscients de cet aspect.