Il n'y a pas de liberté qui capitule. Toute femme qui hérite de la liberté la transmet et lutte pour non seulement, la garder, mais également pour la répandre et élargir tous les champs du possible et même de l'impossible. Se libérer du joug de croyances ancestrales qui ont fait de la femme un être mineur a toujours été l'œuvre des pionniers et des pionnières éclairées qui se sont distinguées par leur courage et leur ténacité face à des sociétés rétrogrades et conservatrices mues par le désir de museler la parole et toute velléité de briser les chaînes du servage. Chez nous, on pourrait faire un bilan rapide et constater que tout a été fait pour que la femme jouisse de liberté et des droits fondamentaux. Mais, les dernières années ont été plutôt âpres pour le combat féminin puisque les mal intentionnés ont jonché le chemin de ronces et de chardons. D'Elyssa à La Kahéna, de Jazia Hillalia à Saïda Aïcha Mannoubia, de Aziza Othmana àTawhida Ben Cheïkh, de Bchira Ben Mrad à bien d'autres, à des centaines d'anonymes, à des milliers, vous étiez nombreuses à traverser ce chemin tortueux et torturé face à l'incompréhension, à la marginalisation, au rejet, au mépris, aux préjugés sexistes. Et lorsque vos aînées vous ont balisé ce chemin, vous étiez prêtes à rêver, à désirer, à vouloir l'utopie qu'un certain janvier a enfantée. Mais il en fut autrement car les adorateurs des ténèbres ne lâchent pas leurs privilèges et que certaines esclaves sont persuadées de leur propre infériorité. Longue est la route pour réclamer liberté, égalité, parité, dignité. Longue sera le combat contre ce projet pernicieux dont le seul objectif est d'asservir les femmes et d'assujettir les hommes. Sur le pavé vous étiez, rebelles et indignées, la colère en bandoulière, le verbe pour arme. On vous a vues venir de partout, femmes des cités, des villages, femmes de la terre, femmes des villes, réconciliées, porter la bannière d'un pays, les préjugés jetés à vos pieds. Et malgré toutes leurs manœuvres immondes, c'est votre voix de stentor qui couvrit les vociférations haineuses. Mais, leur dessein est noir et ils attendent leur heure. Les forces de l'obscurantisme minent le chemin et espèrent un instant d'abandon et de silence pour vous reprendre votre butin de victoire. Il y aura encore un fait divers qui semblerait anodin, futile, qui passerait presque inaperçu, pour que les foudres tombent du ciel, un soir où vous rentrerez d'une fête tardive ou de votre travail de nuit, ou sur une plage où on n'a de regard que pour votre tenue. Votre corps demeure lieu de désir et de convoitise, lieu de conquête car il ne vous appartient pas, il est propriété de tous ceux qui détiennent un pouvoir. Femmes de ce pays de miel et de thym, vous êtes son cœur battant. Vous les militantes acharnées, vous les mères, épouses, filles et sœurs de tous nos martyrs qui forcez l'admiration, fières, dignes, debout malgré les mille tragédies. Vous les femmes qui creusez les sillons pour planter des merveilles. Vous qui ramassez, à la nuit tombée, tous nos déchets: bouteilles en plastique, sachets jetés par des vendeurs inconscients. Vous en faîtes des monticules et les emportez sur vos dos courbés. Vous qui, pliées sous votre fagot, parcourez des kilomètres, déesses du feu. Vous, travailleuses, ouvrières aux mains calleuses qui bâtissez un devenir. Vous artistes, intellectuelles, au verbe percutant, qui vous battez pour la pensée souveraine. Vous toutes, Sisyphes au combat harassant, sans cesse recommencé. Vous toutes, luttant pour des droits fondamentaux dont dépendra le sort d'une révolution qui devrait aboutir à l'amélioration de votre statut dans une direction progressiste et moderniste, vous milliers d'anonymes, femmes et hommes, c'est vous qui forgerez le destin d'un pays.