Cinq priorités, la guerre contre le terrorisme en premier L'endettement a atteint 56 millards de dinars en 2016 contre 25 milliards de dinars en 2010 Fort déséquilibre de la balance des payements et aggravation du déficit du budget de l'Etat Le chef du gouvernement désigné Youssef Chahed a déclaré hier que le gouvernement d'union nationale est nécessaire pour faire face aux difficultés à venir. «L'intérêt de la patrie doit être placé au dessus de nos différences idéologiques. Aujourd'hui, la Tunisie, a plus que besoin, d'unité nationale». S'exprimant à la séance de vote de confiance au gouvernement, à l'hémicycle du Bardo, Youssef Chahed a affirmé que le gouvernement d'union nationale est le cadre idoine pour surmonter les difficultés. Il a affirmé le souci de garantir la solidarité gouvernementale «Certains s'attendaient à ce que mon cabinet soit une simple coalition entre les partis politiques. Je n'ai pas opté pour ce choix». «Ce gouvernement regroupe des représentants de la majorité des familles politiques et des compétences nationales indépendantes», a-t-il tenu à préciser. Et d'ajouter «Cette équipe ressemble à la Tunisie dans sa différence, sa pluralité et la multiplicité de ses visions». Passant en revue le plan d'action du gouvernement et ses priorités, il a indiqué qu'un programme exceptionnel sera mis en œuvre pour surmonter la crise que connait le pays, en se focalisant sur les principaux points contenus dans le «Document de Carthage», parallèlement à la conception d'un nouveau modèle de développement. Au cours de la prochaine étape, les efforts seront axés sur cinq priorités dont en premier lieu la guerre contre le terrorisme, a-t-il soutenu. Chahed s'est engagé, dans ce sens, à promulguer avant la fin de l'année en cours, la loi relative à la prise en charge matérielle et psychologique des enfants des martyrs, parmi les forces de la sécurité intérieure et l'armée, victimes d'actes terroristes. L'Etat prendra en charge ces enfants jusqu'à l'âge de 21 ans, a-t-il promis. Youssef Chahed s'est également engagé à réviser le dispositif législatif et réglementaire pour assurer une protection optimale des agents de sécurité pendant l'accomplissement de leur mission, à fournir tous les moyens propres à renforcer les capacités des institutions sécuritaire et militaire, développer les appareils de renseignement et parfaire la coordination entre les différentes parties intervenantes et lutter contre la contrebande eu égard à son rôle dans le financement du terrorisme. Il s'agit aussi de mettre en place un programme «ambitieux» pour le développement des zones frontalières et de révéler la vérité sur les assassinats politiques, dont en premier lieu l'assassinat des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. La deuxième priorité du gouvernement consiste, a-t-il dit, à lutter contre la corruption. Il sera, ainsi, procédé à la définition de la mission, des compétences et du domaine d'intervention du gouvernement et de l'Instance nationale de la lutte contre la corruption qui sera consolidée par de nouvelles ressources humaines et matérielles. Il s'agit, aussi, a-t-il ajouté, de renforcer les mécanismes de contrôle du gouvernement et des différentes instances spécialisées en la matière. Il a invité le ministère de la Justice et le ministère public à accorder la priorité absolue aux dossiers de corruption, s'engageant à proposer, dans les plus brefs délais, les textes juridiques relatifs à la lutte contre la corruption, dont la loi organique portant création de l'Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, la loi sur l'enrichissement illicite, les conflits d'intérêt et la protection des dénonciateurs de la corruption. Il a, en outre, indiqué que d'ici fin 2016, l'Instance nationale de lutte contre la corruption sera, dans une première phase, dotée de dix bureaux régionaux avant l'installation d'autres sections réparties sur l'ensemble des gouvernorats. Dans ce sens, il a souligné qu'une fois la confiance votée par le Parlement, tous les membres du gouvernement feront la déclaration de leurs biens dans un délai ne dépassant pas deux semaines. Sur un tout autre plan, Youssef Chahed a assuré qu'il fera de la culture un secteur majeur et de référence qui encourage la création et garantit la liberté et la dignité. Il a annoncé que des espaces dédiés à la jeunesse seront créés, en plus de la réhabilitation des maisons de jeunes. «Il est inconcevable que ces institutions continuent à accueillir les jeunes du 21e siècle avec des moyens datant des années 80 et 90», a-t-il fait observer. Abordant le secteur des médias, Youssef Chahed s'est engagé d'organiser les décrets-lois 115 et 116 dans une loi, de concert avec les professionnels du secteur. Il a promis de soutenir l'action des instances de régulation dans l'audiovisuel et la presse écrite et électronique, outre l'organisation de la publicité publique. La vérité au peuple Youssef Chahed a souligné d'autre part, qu'il est de son devoir de dire au peuple la vérité sur la situation difficile prévalant dans le pays depuis les cinq dernières années, marquées par la progression du taux de chômage et la marginalisation continue de plusieurs régions, quartiers populaires et catégories démunies. Il a indiqué que cette situation a engendré une baisse de confiance du peuple en l'Etat et le désespoir de plusieurs franges de la société, affirmant que tout un chacun est responsable de cette situation, allant de la classe politique, à la société civile, l'administration et la presse. Chahed a fait remarquer que la Tunisie a réussi la transition politique et démocratique sauf que les tergiversations de la classe politique ont impacté la situation économique et sociale dans le pays, ajoutant que le citoyen ne déploie aucun effort au travail, outre le rechignement des hommes d'affaires à investir, notamment dans les régions intérieures, la prolifération de la corruption et du népotisme ainsi que la crise des valeurs que le pays a connus. Et de préciser que l'instabilité régionale, le terrorisme et la crise économique que traversent les principaux partenaires économiques ont contribué à aggraver la situation précaire que le pays vit. Il a également cité la régression de la production de certains secteurs économiques, tels que ceux du phosphate dont la production a baissé de 60%, des hydrocarbures et du tourisme, d'où le faible taux de croissance enregistré au cours des cinq dernières années pour s'établir à 1,5%, assurant qu'un point de croissance permet de créer entre 15 et 20 mille emplois. Cette baisse de création d'emplois, a-t-il dit, a entraîné le recours au recrutement dans la fonction publique qui a atteint 112 000 nouveaux fonctionnaires compte non tenu des recrutements dans les entreprises publiques, expliquant que la masse salariale qui était de 6,7 milliards de dinars en 2010 est actuellement estimée à 13,4 milliards de dinars. Les dépenses de l'Etat qui ont dépassé ses recettes ont entraîné un déficit du budget de l'Etat, incitant le gouvernement à l'emprunt massif et par conséquent au fort endettement du pays qui a atteint 56 millards de dinars en 2016 contre 25 milliards de dinars en 2010, soit 62% du PIB. Après avoir évoqué le déficit du budget de l'Etat qui est passé de 3600 millions de dinars à 6500 millions de dinars, Chahed a mis l'accent sur le déficit de la balance extérieure des paiements causant une baisse de 25% de la valeur du dinar au cours des cinq dernières années. D'où, a-t-il affirmé, le recours à l'emprunt pour combler le déficit budgétaire, financer les projets et les dépenses de l'Etat en s'adressant notamment au fonds monétaire international (FMI), sachant que l'Etat s'est engagé à une augmentation des salaires au cours de l'année 2017 d'un montant de 1615 millions de dinars et prévoit un taux de croissance n'atteignant dans le meilleurs des cas que 1,6% l'année prochaine. Cette situation qui s'est aggravée en l'absence d'une fermeté de l'Etat exige de prendre les mesures qui s'imposent, d'adopter une politique d'austérité, de réduire les dépenses de l'Etat et de licencier des milliers de fonctionnaires, a averti Chahed. L'Etat sera, par ailleurs, obligé d'augmenter les impôts tant sur les entreprises que les particuliers et d'arrêter les projets d'infrastructure de base. L'initiative du président de la République de former un gouvernement d'union nationale s'inscrit dans ce cadre, d'où la nécessité de placer l'intérêt national au dessus des différends afin de faire face aux prochaines difficultés, soulignant que la situation exceptionnelle nécessite un programme exceptionnel. Renforcement de la productivité, fermeté contre les sit-in illégaux Youssef Chahed a encore déclaré que le gouvernement d'union nationale œuvrera au renforcement de la productivité et à l'adoption d'une politique ferme contre les sit-in illégaux, et ce, sans toucher au droit de grève garanti par la constitution. Chahed a souligné que le gouvernement se penchera également sur la résolution du dossier du bassin minier à travers le dialogue, l'augmentation du rythme de l'investissement public et l'orientation de l'investissement vers les régions de l'intérieur. Afin d'impulser l'investissement national et d'attirer l'investissement extérieur, le chef du gouvernement désigné Youssef Chahed s'est engagé à promulguer dans les plus brefs délais, des législations exceptionnelles destinées à relancer l'économie. L'objectif est de permettre la réalisation immédiate des mégaprojets d'importance nationale dans les domaines des concessions, du partenariat public-privé (PPP) et des marchés publics. Ces mégaprojets assureront la relance des secteurs structurés à forte valeur ajoutée et favoriseront le développement des petites et moyennes entreprises (PME) pour fournir des emplois, promouvoir l'économie nationale et réaliser le développement inclusif. Il a appelé, dans ce cadre, l'ARP à accélérer l'adoption du code de l'investissement et du plan quinquennal de développement 2016-2020, avant l'organisation de la conférence internationale sur l'investissement, au mois de novembre. S'agissant de la situation financière du pays, il a souligné que le gouvernement d'union nationale devra engager les réformes nécessaires pour préserver les finances publiques et éviter l'adoption d'une politique d'austérité. Chahed a ainsi fait remarquer que les finances publiques font face à deux problèmes majeurs, à savoir le fort déséquilibre de la balance des paiements qui a atteint 9%, en 2016, et l'aggravation du déficit du budget de l'Etat. La solution réside, a-t-il dit, en l'impulsion des exportations en tant que priorité nationale, notamment les activités à forte valeur ajoutée et contenu technologique développé. S'agissant du déficit budgétaire, le gouvernement œuvrera à réformer le système fiscal qui sera basé sur le principe de la justice et l'élargissement de l'assiette fiscale, outre la concrétisation des principes de solidarité nationale en fixant les modèles et mécanismes de participation des entreprises et des hommes d'affaires dans les projets sociaux. Il y a également lieu de renforcer l'administration fiscale et le recouvrement en ressource humaines et financières qu'il faudra doter de nouveaux mécanismes de contrôle dans le cadre de la lutte contre l'évasion fiscale. Le gouvernement présentera la loi de finances complémentaire pour l'exercice 2016, a souligné Chahed, ajoutant que dans le cadre de la loi de finances 2017, des dispositions seront prises en vue de limiter le déficit, condition à même d'éviter les difficultés financières. S'agissant du dossier de l'environnement, le chef Chef du gouvernement désigné a indiqué que la Tunisie n'a pas réussi, après la Révolution, à régler le problème de l'accumulation des déchets à cause d'un mauvais diagnostic, outre le problème structurel du système de propreté notamment dans les centres de transformation des déchets et les décharges contrôlées . Pour Chahed, le nombre réduit de décharges et celles anarchiques constituent les principales causes de la pollution et des problèmes de santé. Il a, dans le même cadre, indiqué que la résolution de cette problématique structurelle est la principale raison expliquant sa décision d'intégrer le ministère des Affaires locales et de l'Environnement. La transformation et le recyclage des déchets, affirmant que les problèmes des centres de transformation constitueront les principales priorités du nouveau ministère.