Quelle est la durée de vie (politique) d'un gouverneur depuis la Révolution ! Quelques mois, peut-être un peu plus d'une année, au plus... Une étude statistique s'impose tout comme pour les ministres qui n'arrivent pas eux aussi, comme le dit le dicton populaire à chauffer un « fauteuil » (essakhen fi el korsi) et boucler un mandat de trois ans ! L'instabilité à ce niveau était certainement prévisible puisque en six ans nous avons eu « 7 » gouvernements, et encore faut-il que le changement de selles soit aussi reposant que le prévoit la sagesse populaire (tabdil essrouj fih raha !). Pour la crédibilité au niveau de la fonction étatique et de commandement, ces remaniements successifs n'apportent aucune efficacité et encore moins de visibilité. Quand on sait qu'il faut trois ans au minimum pour construire un barrage, ou une route nationale ou régionale, deux ans au moins pour finaliser un périmètre irrigué et entamer l'exécution d'une zone industrielle sans compter les années d'études et de bouclage du financement, on ne peut qu'être sceptique sur ce concept de « continuité de l'Etat » si malmené depuis un certain 14 janvier 2011. Or, le limogeage de responsables nationaux ou régionaux suppose l'échec des personnes désignées pour ces hautes charges, alors que l'accumulation des problèmes régionaux et des exigences lubrifiées par la démagogie galopante des politiques en quête de « prophéties » irréalistes, ne laisse aucune chance à qui que ce soit même « surdoué » techniquement, de pouvoir faire face et apaiser un pays totalement engagé dans l'irrationnel et l'irraisonnable ! Le déficit au niveau de l'infrastructure et du développement régional, en général, surtout de la moitié Ouest du pays qui est adossée à notre voisin l'Algérie, est connu de tous et il faut trouver des milliers de milliards pour engager les grands travaux, aménager l'irrigué, créer de nouvelles zones industrielles et surtout... surtout... les promoteurs à faire débarquer sur ces « Far-West » tunisiens, avec un réseau routier et de communication de fortune et des populations survoltées et manipulées par toutes les idéologies messianiques, religieuses et sociales enthousiasmées ! Les références qu'on devrait toujours avoir à l'esprit c'est l'Etat de l'indépendance au niveau national et les pays d'Asie au niveau international, si nous voulons vraiment faire « bouger » les régions vers le bon sens et le positif et non pas vers la rébellion permanente. Les gouverneurs comme les ministres de Bourguiba avaient une durée de vie (politique) d'au moins trois ans. Ceci a permis le développement prodigieux à partir de rien, avec aussi, un personnel politique pas très « énarque » et encore moins diplômé de « Harvard » ou de l'Ecole centrale de Paris à une ou deux exceptions près ! Les plans de développement ne mettaient pas une éternité pour se faire écrire et adopter. Quand je vois cette loi ou code de l'investissement qui traine en longueur ça fait trois bonnes années, il n'y a pas de quoi être optimiste ! Tout cela pourquoi... ?! parce qu'on va très loin dans les détails qui sont censés être du ressort des départements et ministères concernés, qui sont eux sur le terrain et qui savent où ça bloque. « Trop de vertu finit par tuer la vertu », disait Aristote puis Machiavel. Or, l'art du gouvernement est l'art de « l'imparfait » dans toute sa réalité et son étendue. Aujourd'hui, le Parlement britannique admet que M. David Cameron s'est trompé sur la Libye, et des sénateurs américains admettent que leurs présidents se sont trompés sur l'Irak... Mais, ça nous fait « une belle jambe » comme dirait Sacha Guitry ou Fernandel... car, qui peut, aujourd'hui, ramener les aiguilles de la montre à 2003 ou 2011 ?! Ce qui est fait est fait et M. Obama écrira un jour, j'en suis persuadé, ses « regrets » les plus « profonds » et les plus « sincères » pour avoir contribué à défigurer la Syrie en misant sur l'opposition dite « démocratique » alors qu'elle roule pour « Jabhet Ennosra », « Daëch » et des puissances régionales comme la Turquie, l'Arabie Saoudite et même Israël ! Pour revenir à nos moutons, qui sont heureux d'avoir la paix pendant 12 mois, jusqu'à l'Aïd prochain, nos régions ont besoin de calme et de sérénité qui sont à la base de la stabilité, qu'on veut, dynamique et alerte, pour engager les réformes nécessaires et les projets d'envergure, pour soulager ces contrées de la Tunisie profonde. Or, la mobilisation excessive et les campagnes de dénigrement de l'Etat de l'administration et de leurs représentants, les gouverneurs en tête, ne mènent à rien, si ce n'est à l'approfondissement des fractures sociales, la frustration populaire et l'épidémie du régionalisme et même du tribalisme. Mme Kalthoum Essaïdi, journaliste brillante à la Radio nationale, (arabe), m'a provoqué l'autre jour sur son antenne, en me posant la question suivante : « La révolte de Ali Ben Ghedhahom de 1864, justement, à Kasserine, au pays des Méjers et des Fréchiches... a-t-elle servi et fait avancer les institutions à cette époque » ?! Ma réponse à Mme Kalthoum et elle demeure valable, aujourd'hui, je vous la donne pour réflexion : « Si vous estimez que la suspension de la Constitution de 1861 par le Bey Mohamed, et le retour au pouvoir du souverain de droit divin, qui a gelé dans la foulée, la séparation des pouvoirs et surtout les compétences du Majless El Kebir (l'équivalent d'une Assemblée parlementaire)... si vous appelez tout cela, progrès, des institutions... Eh bien, moi, je pense tout à fait le contraire » ! « ...Wa Hadithna Kiess » ! A force de semer le vent dans les régions, nous risquons la tempête... qui pourrait remettre les pendules de « l'autoritarisme » à l'heure ! Au fait, savez-vous que 92% des Tunisiens, selon un récent sondage, ne sont pas opposés au retour de Ben Ali aux affaires ! A méditer !