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Chronique, le mot pour le dire : La vertu ou la prison !
Publié dans Tunivisions le 22 - 07 - 2013


« Si la femme était bonne, Dieu en aurait une ! »
Sacha Guitry, cité in Dictionnaire misogyne, p. 90
La justice transitionnelle, élevée à la dignité d'un ministère, nous a promis, entre autres monts et merveilles, d'éradiquer l'injustice dans la Tunisie postrévolutionnaire et de faire payer, aux caciques de la dictature déchue, au prix le plus fort, leurs abominables crimes. Le peuple exultait, en se promettant d'assister bientôt au procès de celui qui a été à l'origine de tous les maux du pays. En effet, le dictateur, toujours à l'abri dans sa luxueuse résidence saoudienne, a été condamné par contumace à près d'un siècle de prison ferme. D'autres procès sont en cours, d'autres encore sont en vue qui décuplerait peut-être sa peine. Entretemps, les autorités saoudiennes, avec lesquelles le gouvernement révolutionnaire de la Tunisie entretient d'excellentes relations, continue de prodiguer généreusement sa protection au ripou qui, deux décennies durant, a livré la nation aux convoitises de sa famille, de ses proches, de ses amis et de ses serviteurs.
C'est sur ces entrefaites qu'éclate l'affaire de la jeune fille que trois policiers ont surprise, en compagnie de son fiancée, dans une posture particulièrement provocante, souligne le porte-parole du ministère de l'intérieur, dirigé alors par l'actuel premier ministre. La sanction ne se fait pas attendre : les agents de l'ordre, convertis en juges et bourreaux, ont entrepris de violer méthodiquement la dévergondée. Comme ça, elle ne risquerait pas d'oublier cette leçon de sitôt. Deux ans après, cette affaire, dont plus personne ne parle aujourd'hui, traîne en longueur. A la suite de cette première, d'autres femmes, beaucoup d'autres femmes, ont été outrageusement agressées, non sans raffinement si l'on tenait compte du fait que, la toute dernière victime, une fille de dux-huit, s'est fait sodomiser par ses agresseurs. Les fins gourmets du genre, friands de chair tendre et de senations fortes, optent, eux, pour la pédophilie. Depuis que le gouvernement le plus fort – et le plus intègre surtout – a pris l'heureuse initiative de gracier les pédophiles, les adeptes de cet exercice se sont donné à cœur joie.
Le viol se banalise. Il semble en effet que, la révolution aidant, la femme ne soit plus perçue comme un acteur social à part entière. Aussi des douaniers se permettent-ils de demander aux femmes qui voyagent seules si leurs maris étaient au courant de leurs déplacements. Sa présence dans l'espace public est de moins en moins tolérée. Il s'agit là, en fait, de cas isolés, mais il n'est impossible que, à la faveur d'un changement politique approprié, ces mesures deviennent une règle légale. En même temps, le hijab gagne du terrain et le niqab, grâce surtout au coup d'éclat de la faculté des lettres de la Manouba et au plaidoyer – ô combien chaleureux ! – du président provisoire de la républicratie, fait désormais partie intégrante du costume national. Bien plus, il est perçu, par les autorités en place, comme un véritable exploit révolutionnaire !
En matière d'exploits révolutionnaires, une place à part devrait être réservée aux coups d'éclats des enfants de Rached Gannouchi, initiateurs d'une nouvelle culture qu'ils ont tendance, mus par leur nature fougueuse, de défendre un peu plus énergiquement qu'il n'est nécessaire. Leurs frasques se multiplient, mais ne semblent pas déranger outre mesure les autorités, surtout que l'action de ces champions de la vertu cible les marginaux, les dissolus et les dévergondée, en particulier ceux d'entre eux qui se font passer pour des artistes. L'esclandre d'El-ebdilliya, qui a failli tourner à l'insurrection, s'inscrit dans la continuité directe de l'affaire du viol et prouve, si besoin est, que la révolution du 23 octobre 2011 a fixé définitivement ses objectifs : l'identité – religieuse plutôt que nationale – et la moralité publique passent pour être les plus urgents ! Dans les deux cas, c'est la pudeur et la retenue que l'élan révolutionnaire des prosélytes, conduits par le fougeux Adel El-ilmi, un ancien adulateur du dictateur déchu converti en prédicateur, entend sauvegarder.
Il s'avère ainsi que la révolution, pour résister à la poussée de ses ennemis aguerris, ne peut pas se permettre le luxe de compter seulement sur les ressources sécuritaires de l'Etat, surtout après que la preuve a été faite que la police et l'armée sont loin d'être acquises à la cause de la légitimité populaire. C'est R. Gannouchi en personne qui a tiré la sonnette d'alarme, et conseillé partant à ses enfants de faire montre de beaucoup patience. Pour ne pas perdre la main, ces derniers s'emploient, aidés par les miliciens de service, à saccager l'ambassade des Etats-Unis, coupables d'avoir encouragé manqué de respect, à travers certains de ses cinéastes irresponsables, à la personne du prophète. Pour une fois, le père, contrarié par les excès de sa turbulente progéniture, déroge à la règle, et la rigueur se substitue à l'impunité : les moudjahidines sont condamnés à deux ans de prison avec sursis.
Eclate alors l'affaire d'Amina Sbou'i, dite également Tyler. Encore une femme, au fait une jeune fille de moins de vingt ans, dont la révolution aux abois se servira comme d'un bouc émissaire. Il importe de préciser que les révolutionnaires aux commandes ont une vue bien claire de leurs objectifs, en particulier de ceux d'entre eux qui sont en rapport avec le sacré, constituant de base de l'identité nationale et de la moralité publique. C'est ainsi que deux têtes brûlées, qui auraient cru au mythe des libertés fondamentales et, en particulier à celui de la liberté de conscience, ont écopé chacune de sept ans et demi de prison ferme. Leur crime, c'est d'avoir affiché publiquement leur athéisme.
Pas plus tard qu'hier, sur ordre du ministre des affaires religieuses, en contradiction flagrante avec les lois de la république, la police locale de Tébarka a procédé à l'arrestation de citoyens ( ?) tunisiens. Leur crime, c'est de s'être introduits dans des cafés ouverts et d'y avoir commis le crime impardonnable de ne point se conformer à l'obligation de s'abstenir de manger publiquement au cours du mois de ramadan ! L'Etat, soucieux du confort de ses citoyens, se doit de prévenir les sources de sédition. Les non-jeûneûrs, cela tombe sous le sens, en s'attachant ainsi à leur droit – inaliénable il est vrai – à la différence, provoquent la communauté des jeûneurs qui, elle, constitue la majorité écrasante des citoyens.
Amina, quant à elle, a été accusée, dans un premier temps, de profanation d'un cimetière (qu'elle n'a pas foulé des pieds) et, par conséquent, d'outrage aux morts. Or, la révolution, qui a satisfait toutes les revendications des vivants, s'est fait un devoir de s'occuper des morts et sévit contre tous ceux qui attentent à leurs droits. A cette première accusation s'ajouteront bien d'autres, aussi graves les unes que les autres. Sur la foi d'un témoignage contestable, émanant du gouverneur de Kairouan en personne, un homme dont la probité est hors de cause, la jeune fille fut accusée de s'être dénudée en public. C'est là un cas flagrant d'outrage aux mœurs. A l'origine de cette affaire rocambolesque, qui en passe de devenir l'affaire de l'ère révolutionnaire tunisienne, un fait inquiétant : Amina a écrit sur sa poitrine nue : Mon corps est ma propriété, il n'est l'honneur de personne.
Adel El-ilmi, le clown ecclésiastique de service, ne mâche pas ses mots : cette dévergondée devrait être lapidée sur la place publique. Le ministère public ne bronche pas, le fou d'Allah, fort de son droit, continue sur sa lancée. La tête de la jeune fille est mise à prix, symboliquement cela s'entend. La justice devrait donc s'en mêler pour apaiser l'opinion publique scandalisée et, plus important encore, préserver la pureté de la révolution. Pour cela, il lui faudrait un prétexte, et un bon. Amina en personne allait la lui offrir en se rendant à Kairouan pour protester contre la tenue du second congrés des Défenseurs de la Shari'a. C'est là-bas, dans des conditions assez obscures, qu'elle se ferait épingler en flagrant délit de profanation.
Il est inutile de rappeler les péripéties d'une affaire connue de tous. Le plus important, c'est que, là encore, une femme est outrageusement persécutée parce qu'elle a eu l'audace de disposer de son propre corps. La révolution du 23 octobre 2011, que R. Gannouchi dirige avec une poigne de fer, ne peut pas tolérer un écart pareil. Elle ne peut supporter pas tolérer, selon ses dires, de confondre la cité et la jungle. Le leader nahdhaoui, réputé pour sa pondération, se serait-il trahi, un peu à la manière de son acolyte Sahbi Atig, en confirmant le caractère éminemment politique de cette drôle d'affaire ? A l'heure où les tunisiennes se résignent au voile et, pour les plus masochistes d'entre elles, au linceul baptisé niqab, voilà que cette écervelée d'Amina s'entête à mettre en évidence ce sein que le Messie ne saurait voir !
C'est cette démarche précisément qui a perdu la jeune fille. Dégager le corps féminin de l'emprise du secret, autrement dit de l'interdit, est un geste subversif qui risque de compromettre les desseins révolutionnaires du Sheikh ! Son rêve, c'est d'éradiquer l'œuvre du mécréant Habib Bourguiba et de rétablir la polygamie. Besma Khalfaoui, la veuve du martyr Chokri Belaïd, estime que, sur ce point, la détermination révolutionnaire de R . Gannouchi est inflexible. Il s'agirait, pour lui, d'une affaire de vie ou de mort. Voilà pourquoi Amina Sbou'i devrait moisir en prison le plus longtemps possible. Ce n'est pas l'ex-militant des droits de l'homme, l'actuel président provisoire et le défenseur acharné des droits des niqabées, qui volerait à son secours. De ce côté-là, le Sheikh est tranquille. Pas de soucis non plus du côté du Bardo. Mustapha Ben Jâafar, empêtré dans les affaires inextricables de son parti qui vole en éclats, n'a même plus le temps de s'acquitter de son devoir à l'ANC.
« A nous deux Amina, et rira bien qui rira le dernier » ! C'est en ces termes que la révolution du 23 octobre 2011, par la voix de son initiateur, s'est adressée, à travers ce symbole qu'est désormais Amina Sbou'i, à la femme tunisienne pour lui crier, en pleine figure, en guise d'ultimatum, son dernier mot : « Vous avez le choix entre la vertu ou la prison » !


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