Entre Raouf et Mahmoud Gara, le lien filial se double d'une proximité artistique. Seif Chaouch et Emna Belkadi ont réuni les travaux des deux plasticiens de Kélibia pour une exposition qui comporte la nouvelle collection de Raouf Gara et une rétrospective consacrée à son père Mahmoud Gara. Du 29 octobre au 9 novembre à la galerie des esthètes et des collectionneurs... Animée par Seif Chaouch et Emna Belkadi, la galerie Alexandre Roubtzoff est l'un des nouveaux espaces culturels qui participent activement à la vie culturelle dans la ville de la Marsa. Portant le nom d'un artiste russe ayant vécu en Tunisie au vingtième siècle, cette galerie a une nette prédilection pour les oeuvres de collection et se distingue aussi par ses incursions dans le domaine ouvert de l'art contemporain. La mer abstraite de Raouf Gara A partir de ce samedi 29 octobre, la galerie Roubtzoff accueillera une exposition des plus originales et aussi des plus inattendues. Cette exposition mettra en regard les oeuvres de Raouf Gara, un plasticien réputé, avec celles de son père, un artiste à la vocation aussi tardive que fulgurante. En effet, Mahmoud Gara s'est mis à la peinture à l'âge de 99 et a en quelques années avant sa disparition, réalisé une oeuvre surprenante. On ne présente plus Raouf Gara; ou plutôt, on le qualifie de peintre de la mer tant son oeuvre décline le grand bleu chromatique. De Kélibia où il a toujours vécu, Raouf Gara idéalise la mer, l'installe au coeur de son travail et parvient à en faire le fil rouge de ses créations. Que ce soit par le biais du bleu inspirateur ou par celui de tessons et algues fossilisées récupérés sur le rivage, Gara se référe toujours à la mer. C'est une mer abstraite qui irradie son oeuvre et en constitue la matrice. C'est aussi une mer imaginaire et des allégories marines qui forment l'univers et l'imaginaire de ce peintre qui présente sa nouvelle collection à la galerie Roubtzoff après avoir été au coeur d'une rétrospective organisée par la Maison des Arts. Plus abstrait que jamais, Raouf Gara poursuit d'inépuisables recherches et confirme une démarche qui lui a valu une reconnaissance internationale et l'attention des collectionneurs. Sa nouvelle collection est à l'image de l'ensemble de son oeuvre qu'elle transcende grâce à un nouveau regard et la puissance suggestive de ses abstractions. Fulgurances et illuminations de Mahmoud Gara En regard des oeuvres du fils, celles du père éclaireront les cimaises de la galerie Roubtzoff par leur originalité. En effet, Mahmoud Gara (1902-2005) est un cas à part dans toute l'histoire des arts plastiques en Tunisie. Totalement autodidacte, Mahmoud Gara a connu une incroyable illumination artistique alors qu'il était âgé de 99 ans. Etranger aux pinceaux et aux couleurs, il vivra comme une fulgurance qui lui fera produire des dizaines d'oeuvres exubérantes, étonnantes et d'une incomparable fraîcheur. On peut évoquer à son propos la création d'un peintre naïf ou encore celle d'un enfant qui renaît tant ses travaux semblent virginaux, purs, profondément spontanés. Le plus extraordinaire, c'est que par des détours inconscients et des traits libérés, il retrouve la candeur des abstractions d'un Gorgi ou les explosions de couleurs d'un Lamine Sassi. Atteint par la grâce, en état de créativité fébrile, Mahmoud Gara passera trois années de sa vie à créer, dessiner, produire. Rarement montrées au public, ses oeuvres avaient été exposées de son vivant avant qu'il ne s'éteigne à l'âge de 102 ans dans sa ville de Kelibia. Idéal contrepoint à la nouvelle collection du fils, les créations retrouvées de Mahmoud Gara seront à leur manière le clou de cette exposition et un moyen de réfléchir sur les chemins de la création. Quelles sont les structures similaires chez le père et le fils? Quels archétypes surgissent à la confluence des deux artistes? Comment la mer est-elle présente dans leurs oeuvres? Les regards des visiteurs seront ainsi invités à méditer sur la genèse d'une oeuvre inattendue et les constantes d'un parcours reconnu. Et il est fort probable que public et critiques trouveront convergences, points d'appui et lignes de rupture dans les deux oeuvres en regard. Une rétrospective Bouabana pour la fin de l'année Seif Chaouch et Emna Belkadi prennent ici une belle initiative: celle de réunir un fils prodigue et son père capturé par les muses dans une même exposition qui se poursuivra jusqu'au 9 novembre. De manière éloquente, cette exposition survient après une ouverture de la saison placée sous le signe de la jeunesse avec un événement qui vient d'offrir de rencontrer un grand nombre d'artistes de la nouvelle génération et leurs approches plurielles. La galerie Alexandre Roubtzoff devrait poursuivre dans ce sillage et organiser trois autres expositions d'ici la fin de l'année. En effet, tout de suite après "Gara père et fils", la galerie accueillera une exposition qui mêlera les oeuvres de l'artiste disparu Ridha Bettaieb avec celles de son frère Brahim Bettaieb . Ensuite, ce sera au tour de Abdelmajid El Bekri d'occuper les cimaises de l'espace avant de les céder à une prometteuse rétrospective de fin d'année consacrée à Habib Bouabana.