Pour les JCC, les cinéphiles sont conviés à un véritable festin et ne s'en privent pas. Malgré les bousculades, les conditions de projection et quelques déceptions, le rêve est toujours au rendez-vous. Retrouvailles avec Sembène Ousmane, hommage à Djibril Diop-Mambety et promenades dans un Tunis enchanté par le cinéma sont au quotidien du public qui ne s'en lasse pas, jusqu'à tard dans la nuit... Suivre une session des JCC, c'est entrer dans un labyrinthe d'oeuvres et de rencontres, avoir le tournis des images qui s'entremêlent et ne plus en savoir où en donner de la tête! C'est que l'offre est plutôt conséquente et très concentrée dans le temps. On peut invariablement commencer sa journée par un film, un atelier ou un débat. On pourrait tout autant se laisser dériver et aller à la rencontre des films sans avoir un programme préconçu. Voyage dans le temps au Rio à la découverte du grand Sembène C'est comme cela que certains se retrouvent, comme transportés dans le temps et redécouvrent "La Noire de...", ce fameux film de Ousmane Sembène qui a remporté le Tanit d'or en 1966. Ce film est chargé d'histoire. D'abord, il nous rappelle que Sembène était aussi écrivain puisque ce film est inspiré et adapté d'une de ses nouvelles. Ensuite, cette oeuvre sénégalaise est le premier film réalisé en Afrique subsaharienne. D'ailleurs, Sembène a été l'un des piliers des JCC, pour ne pas dire l'un des co-fondateurs du festival. Ce film n'a pas pris une ride. Mieux, il a été projeté grâce à une copie restaurée qui lui rend tout son grain et sa justesse. "La Noire de ...", premier Tanit de l'histoire des JCC L'oeuvre est plutôt courte avec une heure et des poussières mais très intense car elle raconte les difficultés d'une Africaine à s'adapter en France, à surmonter son sentiment d'exil. Elle se nomme Diouna et se retrouve employée de maison dans une famille française, des patrons sans scrupules qui lui font mener une vie de Cosette et la réduisent en servitude à la manière des Thénardier. Ebranlée, sans illusions ni espoir, Diouna finira par se suicider. Un film direct, une oeuvre dénonciatrice, une métaphore sur l'esclavage et une image d'une grande beauté avec un Sembène qui maîtrise le noir et blanc à la manière des grands maitres du réalisme italien ou des cinéastes novo du Brésil. Ousmane Sembène continuera le cinéma et entretiendra des rapports de proximité avec la Tunisie et les JCC. Ses films suivants - notamment "Le Mandat" et "Xala" - connaitront même des sorties commerciales réussies à Tunis. Il est l'exemple même de ces passerelles entre l'Afrique du nord et l'Afrique de l'Ouest et fait pleinement partie de la mémoire des JCC. Entre films d'hier et cinéastes de toujours Quand on a l'embarras du choix, on peut tout autant poursuivre dans la même veine et s'offrir une tranche de rêve devant les oeuvres de Djibril Diop Mambety auquel un hommage est rendu au cours de cette édition des JCC. Sénégalais, comme Sembène, Diop Mambety a débuté comme comédien avant de se lancer dans la réalisation. En présence de son frère Wasis Diop Mambety, l'hommage des JCC a permis à Cheikh Omar Sissoko de raconter son amitié avec l'auteur de "Badou Boy" et " La petite vendeuse de soleil", son dernier film sorti un an après sa mort en 1998. Diop Mambety restera un cinéaste d'une grande sensibilité, un regard tourné vers les histoires des petites gens pour lesquelles il avait une tendresse incommensurable. Il restera aussi son hilarant "Badou Boy" qui met en scène une poursuite entre un gamin de Dakar et un gendarme ventripotent. Ceci sans parler de "Touki Bouki" et "Hyènes", des oeuvres puissantes à l'esthétique spectaculaire. Ces hommages sont au fond une belle chose et permettent de saluer l'oeuvre de cinéastes très proches des JCC comme par exemple Youssef Chahine dont plusieurs oeuvres maitresses sont également projetées au cours des JCC 2016. Jouer à la loterie des films à Ibn Rachiq! Avec le festival, les déambulations dans la ville finissent toujours par vous mener au cinéma... Ibn Rachiq ne désemplit pas avec quatre projections par jour et un impressionnant brassage du public. Parfois, on entre les yeux fermés dans la salle obscure c'est à dire qu'on joue à ne découvrir le film qu'à l'intérieur de la salle. A Ibn Rachiq, les oeuvres sont tellement diversifiées qu'on gagne presque toujours à cette loterie des films. En effet, cette salle culturelle projette des Tanits d'or des JCC comme "Les Dupes" de Tawfik Salah, des oeuvres restaurées comme "La Promesse" des frères Dardenne, des oeuvres en compétition comme "Bois d'ébène" de Moussa Touré, des premières oeuvres comme "Skin" ou "Maputo", des films du monde français, allemands ou danois sans oublier le cycle Ciné-promesse. Ibn Rachiq, dans toute cette diversité, dit bien l'essence et l'esprit des JCC et donne le vertige aux flots de spectateurs avides de découvertes et affamés de pellicule. Pour une semaine, la ville de Tunis retrouve le plaisir d'un film en soirée puisque certaines salles proposent aussi des projections à 21h30. Que du bonheur pour les noctambules rassasiés qui pourront toujours se réfugier au Mondial ou au Colisée, ivres d'images et dans l'attente de nouvelles découvertes le lendemain... Ainsi vont les JCC, de salle en salle, de film en film, de rêve en rêve...