La course au poste de gouverneur de la Banque centrale de Tunisie atteint son dernier virage, surtout que le mandat de Chédli Ayari, actuel gouverneur de cette institution financière nationale arrive à expiration au mois de décembre. Deux candidats, d'envergure différente, mènent campagne, actuellement, pour être à la tête de cet organe vital de la gouvernance économique et financière. Le poste de gouverneur de la BCT, source de polémique, de convoitises personnelles et de luttes partisanes, depuis la révolution du 27 décembre 2010/14 janvier 2011 devrait être vacant, en décembre prochain avec l'expiration du mandat de Chédli Ayari, l'actuel gouverneur controversé dont le parcours a fait l'objet de nombreuses critiques. La course est déjà ouverte et plusieurs personnalités devraient, potentiellement, aspirer à occuper ce poste, avec des noms qui circulent, par ci et par là, notamment, Mohamed El Karam, Ezzeddine Saïdane, mais, aussi, Hakim Hammouda et Jalloul Ayed, en particulier. Toutefois, pour ce poste prestigieux, il est nécessaire de tirer les leçons du passé et de ne pas tomber, comme ce fut le cas avec la Troïka, dans les choix partisans, tout en veillant à ce que l'efficacité soit le maître-mot pour celui qui va occuper ce poste prestigieux qui représente une mission et non seulement un honneur. Dans ce sens, Ezzedine Saïdane a été le premier à entamer une campagne effrénée, montrant ses ambitions d'occuper ce poste et, sachant que les moins bons sont les premiers à s'afficher, il est nécessaire de rappeler la carrière de ce potentiel candidat. Dans sa carrière, Ezzeddine Saïdane avait subi un échec cinglant à la tête de la BIAT, de même qu'il avait été remercié, lors de son passage à l'Arab Banking Corporation, pour devenir, actuellement, un intermédiaire de vente de matériel informatique, ce qui donne matière à réflexion pour le choisir comme gouverneur de la BCT, un poste qui nécessite beaucoup de maîtrise du sujet et ne peut plus accepter n'importer quelle bévue, parce qu'il y va de l'avenir de tout un pays. Un autre candidat se présente, aussi, pour la BCT, en la personne du banquier de carrière, Ahmed El Karam, actuel directeur général-adjoint de l'Amen Bank qui présente une stature satisfaisante et n'a pas d'appartenance politique. Entretemps, le passage de Chédli Ayari à la tête de la BCT a fait l'objet de nombreuses polémiques, avec de nombreuses critiques de sa manière d'opérer et dont la dernière en date est celle de l'économiste Moez El Joudi, président de l'Association tunisienne de gouvernance (ATG) «La BCT a dévié de son rôle principal et ne contrôle ni l'endettement du pays, ni encore l'inflation. Et elle n'a aucune prévision sur le budget du pays. Pour preuve: son gouverneur actuel joue un rôle politique et sa communication est peu cohérente. Pire encore : ses positions sont dictées par l'intérêt des responsables politiques. Et c'est à partir de là que nait la mauvaise gouvernance», a déclaré l'économiste Moez Joudi, lors d'une conférence sur la gouvernance publique, vendredi à Tunis, selon le journal en ligne Kapitalis. Il a relevé, par ailleurs, que le gouverneur de la BCT n'a commencé à parler de la situation catastrophique de l'économie tunisienne que très récemment. «Nous avions prévu cette situation, il y a déjà un an. La réaction du gouverneur, à l'époque, était de nous qualifier de ‘'gherben'' (corbeaux) qui n'annoncent que de mauvaises nouvelles», a déploré M. Joudi, Et d'ajouter: «Nous sommes des experts sans casquette politique et nous intervenons par sentiment de devoir envers notre patrie ». Le président de l'ATG appelle à une réforme urgente de l'Institut d'émission afin de le doter de tous les moyens pour exercer ses missions dans les meilleures conditions. Il suggère, à cet égard, que les dirigeants de la BCT, notamment le gouverneur et le vice-gouverneur, soient élus par un collège d'administrateurs représentant les principales parties ayant lien avec cette institution. Pour M. Joudi, les statuts de la BCT, datant des années 1960, doivent être revus en vue de «renforcer son autonomie et garantir sa neutralité». La BCT est appelée aussi à changer et à faire évoluer sa communication, qui doit être «fluide et régulière, fiable et transparente» et «présenter aux différents opérateurs économiques une idée claire et non tronquée ou politisée sur les comptes de l'Etat et les principaux indicateurs macro-économiques». L'expert appelle, par ailleurs, à impliquer davantage les jeunes compétences qui «ont beaucoup à donner. Ces jeunes, doivent être mis au service du pays et non des partis», a insisté l'économiste. Et d'ajouter, sur un ton cinglant que les séniors qui nous gouvernent apprécieront: «Nous n'avons pas vraiment besoin de has-been». La BCT doit aussi, selon encore Moez Joudi, «veiller davantage sur la bonne marche du secteur bancaire, en renforçant son système de veille dans ce domaine, tout en laissant les marges nécessaires aux différents établissements bancaires pour pouvoir évoluer en toute confiance et en suivant des plans de développement stratégiques bien structurés dans le temps et pertinents dans les objectifs». Sur le plan macro-économique, l'ATG et son président estiment que la BCT «doit être impliquée en amont dans la conception des politiques économiques, pour mieux les orienter dans l'intérêt du pays et mieux accompagner les décideurs en leur donnant les compléments d'informations nécessaires et les connaissances requises en matière de politiques monétaires». Bref, on l'a compris, les membres de l'ATG souhaitent voir le gouverneur de la BCT se dérober à l'influence des politiques, axer son travail sur ses missions de contrôle, de conseil et d'accompagnement des politiques financières et monétaires, mais aussi contribuer efficacement à la lutte contre les mafias de l'économie parallèle qui ronge le pays de l'intérieur et menace l'Etat tunisien.