Pris entre les fardeaux de la dette et de la masse salariale, le projet de loi de finances 2016 révèle l'étroitesse de la marge de manœuvre du gouvernement Essid. Cette marge de manœuvre est analysée, ci-après, par la revue française « Le Point » qui voit que le gouvernement doit faire des pirouettes et des cabrioles pour arriver à joindre les deux bouts. La situation n'est pas reluisante en cette période de disette en Tunisie et le gouvernement tente de présenter un projet de budget de l'Etat qui soit le plus proche possible de la réalité. Mais les moyens semblent beaucoup manquer pour coller les morceaux de ce puzzle, alors que les pays donateurs et ceux qui avaient fait de multiples promesses ne semblent pas pressés d'apporter cette aide si nécessaire au redécollage du pays. Malheureusement, cela a été toujours le cas pour les question d'aides et les responsables tunisiens semblent avoir cru au père Noël dans leurs comptes et leur décompte des amis sincères, ce qui fait qu'aujourd'hui, la Tunisie ne peut compter que sur ses propres moyens et sur son capital humain qui doit comprendre que rien ne peut se faire sans l'apport de chaque citoyen et de chaque homme d'affaires. La reprise de l'investissement local, la revalorisation du travail et l'union nationale face aux dangers qui guettent chaque jour le pays, sont les seuls moyens pour une reprise économique sur des bases solides, dans le pays. Dans ce sens, le budget de l'Etat sera discuté dans les prochains jours, alors que trop de failles persistent et que la vérité n'est pas dévoilée totalement aux citoyens. Voici ce qu'en pense la revue « Le Point ». "Nous sommes dos au mur", disait le président de la République fin mars. L'attentat du Bardo venait de porter un premier coup fatal à l'industrie du tourisme. Les 38 morts du Riu Marhaba Hôtel à Sousse, le 26 juin, ont accru ce sentiment d'agir chez les responsables politiques. Le projet de loi est à l'image du propos de Béji Caïd Essebsi : "dos au mur». Le service de la dette : 1/6e du budget Un projet de loi de finances, c'est à la fois une ordonnance et un check-up des finances de l'Etat. On y lit les budgets alloués aux ministères, les prévisions sur lesquelles ce budget sera fondé, les plus et les moins d'un pays durement frappé par la crise économique. Premier constat : le service de la dette représente 1/6e des dépenses de l'Etat tunisien, soit le premier poste budgétaire devant le ministère de l'Education (4,5 milliards). 5,130 milliards de dinars tunisiens sont affectés aux remboursements, en hausse de 6 % par rapport à 2015. Les intérêts représentent 1,8 milliard. Ce sont eux qui font flamber l'enveloppe, en hausse de 9 % là où le remboursement principal est en baisse de 4 %. Certains, dont l'Utica, préviennent qu'en 2017 ce seront huit milliards qu'il faudra virer aux créanciers. Les salaires : 13 milliards de dinars... Christine Lagarde, la directrice-générale du FMI, avait souligné que la masse salariale de la fonction publique pesait pour plus de 13 % du PNB. Cela se traduit par un chiffre de 18,6 milliards sur un budget de 29 milliards. Avec les augmentations actées et les nouveaux recrutements (15 915 nouveaux employés), cela s'envole de 12 %. La sécurité, priorité des priorités Les ministères de l'Intérieur et de la Défense représentent, à eux deux, près de cinq milliards. Le 7, avenue Bourguiba, siège du MI, bénéficie d'un accroissement de 11 % de ses moyens. La Défense, avec 2 milliards, obtient une augmentation de 17 %. Car la a situation sécuritaire intérieure et extérieure (Libye, frontières algériennes) l'exige. Cercle vicieux, ce qui est accordé à l'appareil sécuritaire ne peut que léser d'autres postes prioritaires. Gouverner, c'est trancher. Pour la Tunisie, les marges de manœuvre sont macroscopiques. Un budget construit sur un taux de croissance optimiste Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont tablé sur une élévation de 2,5 % de la croissance en 2016. En 2015, elle devrait terminer aux alentours de 0,5 %. Et rien ne laisse espérer une embellie pour 2016. Réformes : il est urgent de ne plus attendre La Tunisie, depuis la chute de la dictature de Ben Ali, a connu de profondes réformes. Nouvelle Constitution, nouveau régime politique (parlementaire), création d'instances indépendantes... La boîte à outils institutionnels n'est pas encore complète. Pas de Cour constitutionnelle, notamment. Sur le plan économique, de grandes lois (décentralisation) sont en stand-by, attendant un regain d'intérêt de la part des pouvoirs exécutif et législatif. Le contexte politique se caractérise par un chaos baroque : le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, se divise. Un tiers de ses députés menace de quitter le bloc parlementaire. Et l'heure des règlements de comptes a sonné. Deux députés démissionnaires du groupe à l'ARP se sont vu retirer leurs présidences de commission par le clan majoritaire, soit 54 députés. La realpolitik prime sur la situation catastrophique de l'économie nationale. Slim Chaker, ministre des Finances, a envoyé "un message à la communauté internationale qui est un message d'abattement". Et d'avertir, faute de soutiens financiers accrus, que "la Tunisie vit des temps difficiles" et que "la tempête risque de se transformer en ouragan". Les atermoiements et les solutions peu convaincantes Cette analyse explique tant bien que mal les recherches de solutions exposées timidement par certains ministres et les pseudo-solutions colportées par des rumeurs qui ne sont pas totalement vérifiées, notamment le recours aux « Chèques islamiques », avec comme gage le stade olympique de Radès, ainsi qu'à une banque privée française pour nous aider à fixer nos priorités de développement et, par conséquent, préparer le budget de l'Etat de l'année prochaine. Le tollé provoqué par pareilles solutions est assez important. Certains parlent de bradage de biens publics, alors que d'autres pensent qu'on met la Tunisie aux enchères.