La controverse sur la dette est présente dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement économique. Dans un pays en crise transitionnelle, l'actualité économique est ponctuée par les tenants et les aboutissants de la dette publique en termes de soutenabilité et de financement… dont les effets sur la stabilité macroéconomique et, partant , sur le bien-être social, ne sont pas neutres. Economistes et responsables politique reconnaissent que la dette est incontournable pour financer le développement mais qu'il existe un seuil au-delà duquel elle devient perverse pour l'économie. En Tunisie, aujourd'hui, le débat reste ouvert sur le niveau souhaitable de la dette et la manière de la restructurer. Austérité ou relance budgétaire en période de crise d'endettement? S'il existe une réponse pour laquelle tous les économistes s'accordent, c' est qu'il n'existe pas de consensus sur les prescriptions et chaque cas est spécifique. Fidèle à son habitude, l'IHE a organisé le samedi 4 février un débat sur « Le marché financier et les alternatives pour alléger le Budget de l'Etat » en conviant M. Bilel Sahnoun , directeur général de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis. Le débat s'est penché sur les questions suivantes : -Le rôle du budget de l'Etat : l'optimalité du financement du budget de l'Etat par le marché des capitaux; -Quelles alternatives pour alléger le recours au budget de l'Etat; -Quelles sont les conditions de succès d'ouverture du capital des Institutions publiques ? -Quel impact sur les investisseurs, sur le marché financier ? Le financement du budget de l'Etat : Recours au marché des capitaux Bilel Sahnoun, DG de la BVMT, est revenu sur le rôle crucial de la Bourse dans le financement du budget de l'Etat. Dans ce sens, il a affirmé que la Bourse reste indispensable pour financer le développement de l'économie. Un benchmarking international sur l'importance du rôle des marchés financiers dans les économies montre qu'un marché financier dynamique peut jouer un rôle crucial dans l'allocation des ressources en faveur de l'investissement productif et assurer une croissance et un développement durable pour les économies. En effet, le marché financier tunisien souffre de sa petite taille, de la faiblesse des champs d'intervention, de l'absence de son rayonnement et de sa visibilité à l'international mais également d'un ensemble d'indicateurs qui mettent en exergue ces carences. Un marché dirigé par la dette n'a pas eu les occasions attendues pour être sollicité pour lever des capitaux pour financer le budget de l'Etat, que ce soit pour venir en aide au financement des entreprises publiques, ou par l'émission d'emprunts nationaux, fréquents et de montants compatibles avec les capacités de notre marché intérieur. La dette publique en Tunisie ayant atteint 55 Milliards en 2016 peut être jugée comme excessive, mais c'est la structure de notre dette qui pose un problème, a indiqué Bilel Sahnoun, puisqu'elle est constituée de 2/3 des dettes extérieures, et uniquement 1/3 des dettes intérieures. Le marché financier permet de lever des fonds importants pour financer les entreprises, les collectivités locales ou les infrastructures soit en fonds propres, soit à travers la dette obligataire. L'Etat, principal acteur de par les différentes fonctions économique, sociale et sécuritaire qu'il exerce, a tout intérêt à profiter des multiples avantages que procure le marché financier pour réaliser ses objectifs. Les alternatives pour alléger le financement par le budget Afin d'accroître la capitalisation boursière du marché et avoir une meilleure représentativité sectorielle de l'économie et davantage d'opportunités de placements pour les investisseurs, intégrer la liste des marchés émergents et paraître dans les écrans radar des investisseurs internationaux (Indices MSCI), ce qui est de nature d'attirer l'investissement direct et indirect étrangers, plusieurs alternatives peuvent être offertes par le marché financier pour pallier cette dérive telles que : -Promouvoir auprès des établissements publics et collectivités locales le financement au moyen d'emprunts obligataires garantis par l'Etat. Cette forme de financement devrait contribuer à un changement culturel visant à inverser la structure de la dette de l'Etat, actuellement dominée par l'endettement extérieur à hauteur des deux tiers ou par la contribution du marché domestique qui reste faible et limitée à un tiers. -Financer les grandes infrastructures de développement dans les régions par des emprunts obligataires spécifiques à chaque projet. L'Etat peut passer par le marché pour le financement des projets de PPP et émettre des emprunts destinés au renforcement de l'infrastructure sous forme de «projects bonds» ou « obligations d'infrastructures ». A travers le marché obligataire, les établissements publics et les collectivités locales ayant des besoins de financements importants peuvent se procurer les ressources longues pour financer leurs programmes d'investissement, une manière de nature à alléger le budget de l'Etat. -Procéder à des émissions de SUKUKS (Loi promulguée en 2013 en attente des textes d'application). – La session d'actions au public en cédant sur le marché aux investisseurs tunisiens et étrangers, tout ou une partie des participations confisquées. – La privatisation partielle par cessions ou émissions de nouvelles actions en s'inspirant des expériences passées sur les privatisations: ouvrir le capital d'entreprises publiques opérant dans des secteurs concurrentiels pour une meilleure transparence et pour leur permettre de lever sur le marché des fonds nécessaires à leur développement sans grever le budget de l'Etat en assurant des ressources supplémentaires aux caisses de l'Etat. Dans le cadre de cette stratégie, M. Sahnoun a précisé que l'objectif de l'ouverture du capital des entreprises publiques est de garantir la pérennité de l'entreprise concernée à travers l'amélioration de son efficacité et de sa compétitivité en consolidant l'équilibre des finances publiques et en réduisant les dépenses prises en charge par le budget de l'Etat au profit de certaines entreprises publiques pour assurer une transparence et une meilleure gouvernance afin de valoriser le patrimoine et de se soumettre aux mécanismes et à la logique des marchés en impliquant davantage les salariés dans les entreprises à privatiser (actionnariat salarial). A cet égard, l'Etat doit se consacrer en priorité à son rôle d'animateur et de régulateur de l'économie. Cependant, le succès d'un tel processus n'est envisageable qu'avec l'existence d'une volonté politique qui tient à moderniser l'entreprise publique et lui donner les moyens de se développer et de pérenniser ses activités avec l'engagement d'une politique de communication agressive et adaptée en fonction des cibles et de leurs niveaux de responsabilités (partenaires sociaux, ministères,...) en vue de convaincre et présenter la finalité de ce processus en tenant de mettre sur le marché des entreprises ayant de bonnes perspectives de développement (Telecom, énergie, .....). Les apports des privatisations en Tunisie La privatisation constitue un vecteur important pour stimuler l'investissement étranger et certaines privatisations sont considérées comme un moyen supplémentaire d'attraction de cette catégorie d'investissement qui contribue notamment au transfert de technologie et au développement de l'exportation. Le programme de privatisation offre ainsi de larges opportunités susceptibles de susciter l'intérêt des investisseurs étrangers. Les résultats enregistrés dans ce domaine sont encourageants. En effet, une grande partie des recettes de privatisation proviennent des achats effectués par les investisseurs étrangers. L'Etat tunisien a engrangé 5963 millions de dinars, bilan de plus de 200 opérations de privatisation. Les investissements étrangers représentent la part du lion des recettes de privatisations et restructurations avec un taux de 87 %, soit 5181 MDT jusqu'à 2009. Le secteur des services domine la recette de la privatisation tunisienne avec 81,6 % du total. Il est suivi par le secteur industriel (surtout les industries des matériaux de construction, des céramiques et du verre) avec 17,7 % générant 1055 MDT. Les secteurs des télécommunications (Tunisie Télécom), de l'électricité et du gaz (la STEG), de l'eau potable (la SONEDE) et de l'assainissement ont été parmi les premiers secteurs qui ont fait l'objet d'un partenariat public privé étranger ou tunisien. Le marché financier faisait aussi l'objet de privatisation :La privatisation partielle des leaders tunisiens de l'assurance STAR, Tunis Ré et Assurances Salim. Le secteur bancaire a été également touché par la politique de privatisation telle que l'Union Internationale de Banques (UIB) ,Attijari Bank (l'ex Banque du Sud) et la (BTK) ainsi que le secteur du leasing ( Modern Leasing), la distribution (Magasin Général) et l'industrie ( Le Moteur, SOTUVER, Ennakl, Citycars,..) . L'Ecole Internationale de Carthage : estimée à 22 MD, elle a été privatisée à 66 MD et Suzuki à 35 MD. Avec un tel quota d'entreprises, le programme de privatisation des entreprises publiques en Tunisie a permis la mise en route d'une économie plus libérale, ouverte aux investisseurs étrangers et à la concurrence internationale. Les freins aux privatisations Les résultats enregistrés dans le domaine de privatisation sont encourageants, cependant, des freins à la privatisation existent tels que : -Des freins sociaux : non adhésion des syndicats au processus. -Crainte de perte de contrôle d'un secteur. -Insuffisance de l'épargne financière (baisse actuelle du taux d'épargne à 12% contre 21% en 2010) : accroissement de la thésaurisation de la monnaie depuis 2010 et fuite des avoirs en devises (mise en place de mesures spécifiques pour remettre en circulation ces ressources financières dans le circuit économique). « Les participations de l'Etat dans des secteurs concurrentiels demeurent très importantes » a dévoilé M.Bilel Sahnoun. A titre d'exemple : l'Etat détient des participations dans 12 banques, 3 opérateurs téléphoniques, la distribution pétrolière, les médias, l'immobilier, le tourisme, le secteur automobiles ... Il a poursuivi que « la Tunisie a réussi ses privatisations, pourquoi pas Tunisie Telecom, Société Nationale de Distribution de Pétrole « AGIL », Alpha Ford, Banque Zitouna , Zitouna Takaful ,Shems FM et Groupe la Presse ?