Après les multiples désastres, dans le secteur de la santé, le gouvernement a, enfin, pris la peine de bouger, pour annoncer de nouvelles mesures. Mais, c'est trop tard et pas assez, parce que la maladie de ce secteur est devenue endémique, en raison du laisser-aller, la nonchalance et l'insouciance des décideurs, en plus de la mauvaise gouvernance, la corruption, les pénuries et tant d'autres maux dont il est victime. Le dernier problème en date est celui de ces laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent des médicaments non-conformes aux standards internationaux et qui circulent dans les hôpitaux et, même, dans les officines privées. Des mesures viennent d'être annoncées par le gouvernement pour le secteur de la santé. Mais, elles ont l'allure d'un trompe-l'œil pour les plus exigeants, alors qu'elles n'offre rien ou pas assez pour les régions déshéritées. Rien n'a été annoncé, ou presque, concernant les fameux hôpitaux universitaires et multidisciplinaires dont on nous a promis la naissance, à Béja, Gafsa, Kairouan et j'en passe… Face au désastre annoncé et qui perdure, le porte-parole du gouvernement, Iyed Dahmani vient d'annoncer, récemment, l'adoption d'un programme spécifique en faveur du secteur de la santé publique, fruit des recommandations issues du dialogue participatif sur les défis et mesures urgentes visant la remise à niveau du secteur. On a le droit de nous demander pourquoi ces mesures ont, tellement, tardé et pourquoi elles sont annoncées comme si c'était une faveur qu'on fait à certaines régions et pas d'autres ? Annoncé à l'issue d'un conseil ministériel présidé par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, ce programme s'articule autour de six axes : le financement du secteur, les équipements médicaux et la maintenance, les médicaments et les dispositifs médicaux, la gouvernance et la numérisation du secteur et la lutte contre la corruption, le renforcement des ressources humaines et la santé hospitalière. Pérennité financière du secteur Il a été décidé d'allouer une enveloppe additionnelle de près de 100 millions de dinars au fonds d'appui à la santé publique. Ce fonds a pour objectif de prendre en charge les frais des prestations hospitalières pour les détenteurs du carnet de soin gratuit et les bénéficiaires des cartes à tarif réduit. Il sera question aussi de régler une partie des dettes des établissements publics envers la pharmacie centrale (200 millions de dinars) et de soumettre le projet de loi sur la réforme des caisses sociales à l'Assemblée de Représentants du Peuple (ARP). En comparaison avec d'autres domaines qui concernent, seulement, des privilégiés, ces sommes sont vraiment dérisoires et, même si elles peuvent résoudre les problèmes, il faut se demander où les pouvoirs publics vont puiser pour les collecter ? C'est dire qu'il faut être vraiment crédule pour y croire… et ce ne sera, en fin de compte, que des promesses qui ne seront pas tenus, comme beaucoup d'autres, d'ailleurs. Tout le monde sait que l'Etat ne trouve, actuellement, des ressources qu'à travers l'endettement et qu'il fait tout pour obtenir la 6ème tranche du prêt du Fonds monétaire international (FMI) pour boucler son budget pour cette année, avec, en perspective, une loi de finances complémentaire, comme nous sommes habitués, pour boucler la boucle. En parallèle, il est presqu'impossible de trouver d'autres bailleurs de fonds, en raison de la dégringolade de notre économie et du manque de confiance sur la scène financière internationale. Pour ce qui est des équipements médicaux et la maintenance, Iyad Dahmani a indiqué qu'une enveloppe de 107 millions de dinars sera mobilisée pour les acquisitions programmés au titre de 2016, 2017 et de 2018 (22 millions de dinars) et à la publication d'appels d'offres relatifs à l'achat de matériel médical (85 millions de dinars). Il sera question également de mobiliser des ressources annuelles destinées à la maintenance des équipements lourds et la mutualisation des moyens entre les hôpitaux. Médicaments et dispositifs médicaux Dahmani a annoncé le démarrage, en avril 2019, des travaux du projet « Ville « Al-Dawa 2 » à El Agba relevant du gouvernorat de la Manouba, expliquant que ce projet permettra à la Pharmacie Centrale d'accroître sa capacité de stockage des médicaments et son aptitude à hisser les réserves en médicaments, et à approvisionner le secteur de la santé. Il s'agira aussi de généraliser l'expérience de l'hôpital Habib Thameur en matière de distribution automatique et sécurisée des médicaments, tant elle a permis d'exercer un contrôle sur le coût des médicaments, atteignant les 30% du budget total alloué. Il a, par ailleurs, indiqué que le dossier de la Société des Industries Pharmaceutiques de Tunisie (SIPHAT), sera soumis à la Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises à participation publique (CAREPP). Compter sur des entreprises qui battent de l'aile pour rétablir l'équilibre des établissements hospitaliers est, vraiment, une aberration. Il est certain, donc, qu'on va opérer des coupes sur les besoins du citoyen en médicaments, afin de montrer qu'il y a des abus d'usage des médicaments Gouvernance, numérisation et lutte contre la corruption Dahmani a déclaré qu'une enveloppe de 80 millions de dinars sera consacrée à la modernisation du système des données hospitalières, en plus du démarrage imminent du projet de médecine à distance aux hôpitaux de la Rabta, Habib Thameur, Jendouba, Tozeur et au Centre de traumatologie et des grands brûlés à Ben Arous. Il a, aussi, annoncé l'adoption du système de gestion à distance des rendez-vous, à partir d'avril 2019, dans 12 établissements sanitaires, pour ensuite la généraliser sur la totalité des structures sanitaires à partir du mois de juillet 2019. L'infrastructure informatique serait mise en place dans 600 centres de santé de base (dispensaires) au cours de l'année 2019 pour généraliser l'expérience sur les autres structures de santé au cours des années 2020 et 2012, moyennant une enveloppe de 15 millions de dinars. D'autre part, il a fait savoir que le gouvernement vient d'approuver le projet de loi sur la protection des patients et sur la responsabilité médicale. Il a déclaré qu'une école nationale de santé publique sera créée dans l'objectif de hisser les compétences des professionnels de la santé et dont les textes réglementaires seront élaborés avant la fin de 2019, en plus de l'instauration, les après-midi, d'un système de consultations externes dans les hôpitaux et les dispensaires. Au train où vont les choses, ces mesures son éphémères, parce que le secteur ne dispose plus de moyens gérables, surtout qu'il a été laissé en perdition pendant les neuf dernières années. Renforcement des ressources humaines Le porte-parole a annoncé l'ouverture de 2000 nouveaux postes au titre de 2019. L'objectif étant de combler les postes vacants notamment au sein des services classés « prioritaires », ce qui trop ambitieux pour y croire, avec les restrictions imposés par le FMI au niveau des recrutements dans la fonction publique et le secteur public. En outre, une étude visant à fixer les normes des ressources humaines et des établissements hospitaliers et les structures de santé sera prochainement menée. Une autre étude sur le système de facturation électronique sera réalisée. Dahmani a assuré qu'une enveloppe portée à 35.5 millions de dinars sera allouée à trois projets. Le premier concerne la mise en place d'une centrale de traitement d'air dans les blocs opératoires du CHU Habib Bourguiba de Sfax, du CHU Charles Nicolle et de l'hôpital régional Mohamed Taher Maamouri de Nabeul. Le deuxième projet concerne la réhabilitation de 10 chambres blanches dans les services de néonatologie de plusieurs établissements (le centre de maternité et de néonatologie, le CHU Charles Nicolle, le CHU Aziza Othmana, l'hôpital Mongi Slim de la Marsa, l'hôpital régional Habib Boukatfa de Bizerte, l'hôpital régional Mohamed Tlatli de Nabeul, le CHU Hédi Chaker de Sfax, le CHU Fatouma Bourguiba de Monastir, le CHU Farhat Hached de Souse et le CHU Taher Sfar à Mahdia). Le troisième projet prévoit de doter 10 hôpitaux publics d'équipements de stérilisation. De plus, le porte-parole du gouvernement a fait savoir que le projet de traitement des déchets hospitaliers dangereux sera généralisé aux 12 gouvernorats restants, moyennant un coût de 10 millions de dinars. Toutes les décisions concernent les établissements hospitaliers en place. Pourtant, les Tunisiens auraient voulu savoir où est passé l'argent destiné à la création des nouveaux hôpitaux. En parallèle, ceux sont les zones favorisées qui bénéficient de l'attention du gouvernement, alors que les zones intérieures n'obtiennent rien, sauf les promesses habituelles. Faouzi SNOUSSI