Pour la cheffe économiste de l'OCDE, « le pire scénario serait de voir une multiplication des tensions commerciales créant une incertitude permanente et partout ». C'est précisément ce qui risque d'arriver Alors que les Etats-Unis viennent de relever les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois, amenant Pékin à riposter avec une hausse des taxes visant 60 milliards de produits américains importés et programmée pour le 1er juin, l'OCDE estime que la guerre commerciale coûtera à chacun des deux pays 0,2 à 0,3 point de croissance d'ici à 2021-2022. Un impact qui pourrait doubler s'ils ne reviennent pas sur les mesures récemment annoncées. La guerre commerciale commence à peser lourd sur une croissance mondiale revue à la baisse. La Chine et l'Europe sont particulièrement touchées. Le 17 mai, Donald Trump a lancé la « World trade week » (semaine du commerce international) aux Etats-Unis. A cette occasion, le président américain a invité ses compatriotes « à regarder les événements, les shows commerciaux et les programme éducatifs célébrant les bénéfices du commerce pour notre pays. » Pour le show, ils ont été servis. La veille, l'homme fort des Etats-Unis a signé un décret interdisant aux entreprises américaines d'utiliser du matériel de télécommunication fabriqué par des entreprises présentant un risque pour la sécurité nationale : 190 sociétés étrangères ont été couchées sur une liste noire du département américain du Commerce, dont quatre françaises. La réaction a été immédiate. Ce lundi, premier jour de la « World trade week », les géants américains des semi-conducteurs Intel, Qualcomm et Broadcom, ainsi que Google, ont provoqué un séisme mondial en annonçant la rupture de leurs liens commerciaux avec Huawei. Un coup terrible infligé au fabricant chinois, avant que Washington ne fasse un pas en arrière en accordant trois mois de délai au leader mondial de la 5G avant l'application des sanctions. Il n'empêche, la guerre commercialeentre deux empires vient d'atteindre un nouveau niveau. Engagée il y a un an par Donald Trump, cette montée des tensions protectionnistes, qui s'est traduite mi-mai par une nouvelle hausse de 10 % à 25 % des barrières douanières américaines sur 200 milliards de dollars de produits chinois – à laquelle Pékin a répondu par des mesures de rétorsion sur 60 milliards de produits américains qui seront mises en place le 1juin –, est en train d'étouffer la croissance mondiale. L'OCDE a sonné l'alerte mardi à l'occasion de la présentation de sesnouvelles prévisions macroéconomiques. Et dire qu'il y a deux ans seulement, l'horizon macroéconomique international était « sans nuages ». Nommée depuis cheffe économiste de l'OCDE, Laurence Boone dresse le constat d'une économie mondiale en perte de vitesse. Ses nouvelles prévisions font état d'un ralentissement de 0,1 point par rapport à mars. L'OCDE n'anticipe plus que 3,2 % de croissance dans le monde en 2019, le rythme plus faible depuis la fin 2015. « Trop faible », insiste l'économiste. Le rebond attendu en 2020 serait par ailleurs assez faible, avec 3,4 % de croissance. Si les échanges continuent de progresser en dépit des tensions sino-américaines, leur croissance ne devrait pas dépasser 2,1 % cette année. Un plus bas depuis l'éclatement de la crise « La principale urgence à traiter, c'est la faiblesse du commerce mondial », affirme Laurence Boone. Si les échanges continuent de progresser en dépit des tensions sino-américaines, leur croissance ne devrait pas dépasser 2,1 % cette année. Un plus bas depuis l'éclatement de la crise. « Elle devrait être de 7 % ! », fulmine le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, rappelant que « la croissance des échanges internationaux est normalement deux fois supérieure à la croissance du PIB ». Selon les calculs de l'OCDE, les Etats-Unis comme la Chine devraient perdre 0,2 à 0,3 point de croissance d'ici à 2021-2022 avec les mesures actuelles. Si la crise devait s'amplifier, ce serait bien pire (voir graphique). « L'Europe et la Chine sont les premières victimes du ralentissement des échanges commerciaux », relève Laurence Boone. Plombée par le ralentissement de l'économie allemande, attendue à 0,7 % cette année, la croissance européenne ne devrait pas dépasser 1,2 % cette année et 1,4 % l'an prochain. L'Italie échapperait de justesse à une récession avec une croissance nulle, alors que les prévisions pour la France sont confirmées à 1,3 % pour 2019 comme pour 2020 (Bercy est plus optimiste avec 1,4 %). « L'Eurozone a fortement ralenti et sa croissance va rester faible », résume l'économiste. En dépit du Brexit, la prévision pour la Grande-Bretagne est relevée de 0,4 point pour 2019 et 0,1 point pour 2020, à respectivement 1,2 % et 1 %. Un scénario basé sur une sortie organisée de l'Europe. Dans le cas contraire, « les perspectives seraient significativement plus faibles », avertit l'OCDE. « Beaucoup d'incertitudes » demeurent enfin sur l'économie chinoise, dont les prévisions restent inchangées à 6,2 % de croissance cette année et 6 % en 2020, un niveau historiquement faible. En réalité, à l'exception de l'Inde dont l'économie continue d'accélérer (7,2 % de croissance cette année), le seul pays à profiter des tensions actuelles est… les Etats-Unis. L'économie américaine tire son épingle du jeu avec une croissance attendue à 2,8 % cette année après un premier trimestre meilleur que prévu, soit à peine moins qu'en 2018 (2,9 %) et 0,2 point de plus qu'escompté par l'OCDE en mars. Donald Trump aurait-il fait un coup de maître en affaiblissant l'économie mondiale sous les coups de ses attaques protectionnistes, tout en aspirant les capitaux mondiaux grâce à un stimulus fiscal de 1 000 milliards de dollars ? Laurence Boone ne le croit pas. « Les tensions sur les échanges commencent à atteindre les Etats-Unis. Les baisses d'impôt vont disparaître en 2020 et la croissance va alors commencer à ralentir. » Au premier trimestre, la demande intérieure privée n'a d'ailleurs pas dépassé 1,3 %, un niveau assez faible. Les Américains commencent à pâtir de la hausse des prix des produits importés alors que les salaires progressent moins vite. Peut-être le début des problèmes pour Donald Trump. l'opinion