A force de penser à l'économie en Méditerranée, on a failli oublier la géopolitique. Pourtant, les enjeux de cet ordre sont importants. En effet, un colloque ayant pou thème « Les perspectives géopolitiques en Méditerranée : 2010 et après ? », a rectifié le tir en plaçant la question géopolitique de nouveau au cœur des réflexions sur l'avenir de la Mare Nostrum. Aujourd'hui, il faut l'avouer, la Méditerranée est beaucoup moins méditerranéenne qu'elle l'était tout au long de son histoire. L'Union pour la Méditerranée, dernière manifestation institutionnelle du projet de la convergence entre les deux rives de la Méditerranée, a viscéralement invité presque tout le monde à la région; d'abord en englobant tous les pays membres de l'Union européenne et non seulement les pays riverains; ensuite en faisant fi l'une des dimensions du conflit israélo-palestinien, avec tous les acteurs extérieurs qui y sont impliqués ou simplement concernés. Ce faisant, l'Europe, malgré son poids considérable en tant que puissance internationale, a écroué en quelque sorte son action diplomatique. Bien qu'elle soit le premier partenaire commercial d'Israël, elle ne peut désormais exercer une véritable pression sur l'Etat hébreu qui ne cesse d'avorter toute tentative, voire ébanche, de paix au Proche-Orient. De ce fait, l'Europe maintient un certain statu quo –qui tend maintenant à s'institutionnaliser- et qui est souvent vu comme un parti-pris pour Israël. On passe ainsi d'un rôle européen peu actif à un nouveau rôle condamné à être peu efficace. Paradoxalement, cette évolution se déroule à un moment marqué par une nette tendance à la « multipolarisation », donc favorable à une meilleure implication de l'Europe dans le processus de paix. Malgré l'évidence de cette opportunité historique, l'Europe continue à tourner le dos à la géopolitique et à soutenir inconditionnellement la thèse selon laquelle l'économique doit primer. Une thèse qui a prévalu, selon les prétentions des décideurs et responsables européens, lors de la construction de l'Union européenne. Cependant, cette vision ne semble pas transposable dans le contexte méditerranéen. L'expert stratégique français Pascal Boniface, va même plus loin en affirmant qu'il s'agit d'une vision erronée et historiquement mal fondée, puisque les Européens, eux aussi, ont décidé de faire la paix avant de se lancer dans leurs grands projets économiques. Alors que nombreux panélistes ont essayé de fuir les aspects géopolitiques, le directeur du fameux think-tank français IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), a insisté sur la centralité des dossiers politiques, notamment la persistance du conflit israélo-palestinien. Selon lui, la dernière offensive militaire menée par Israël à Gaza a jeté un trouble dans l'espace euro-méditerranéen. Demain ne semble pas aussi prometteur. On ne peut pas aller très loin, y compris sur le plan économique, lorsque le nouveau chef de la diplomatie israélienne menace trois fois, en si peu de temps, de recourir à la bombe nucléaire, et lorsque deux sur trois de ses cibles éventuels appartiennent à l'espace méditerranéen.