Je suis venu ici au Caire en quête d'un nouveau départ pour les Etats-Unis et les Musulmans du monde entier, un départ fondé sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel, et reposant sur la proposition vraie que l'Amérique et l'Islam ne s'excluent pas et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence. Ces propos, explicites et agréables à la fois, tenus récemment, au Caire, par le président américain Barack Obama, inspireraient l'annonce d'un véritable « New Deal » dans l'histoire des relations entre les Etats-Unis et le monde musulman… Les « décennies de méfiance » imposent néanmoins cette question qui risque de gâcher la fête : a-t-on le droit d'être aussi optimiste.
À Ankara, lors d'un discours prononcé le 6 avril devant le Parlement turc, Obama a déjà fait clairement savoir que l'Amérique n'est pas - et ne sera jamais - en guerre contre l'Islam. La même phrase qu'il a réitérée auparavant tant dans son discours d'investiture que dans l'interview qu'il a accordée à la chaîne satellitaire arabe « Al-Arabiya ». Si l'on croit aux promesses qu'il a lancées au cours de sa campagne électorale, le locataire de la Maison Blanche compte aussi organiser une conférence qui réunit des dirigeants et leaders musulmans venant des quatre coins du monde, durant la première année de son mandat. Un souhait dont la réalisation s'avère déjà très fort probable, vu le nombre des promesses qui ont été, jusqu'à présent, tenues.
Morbide, la tristement célèbre théorie du « Clash of Civilizations » semble enfin avoir été enterrée avec son instigateur Samuel P. Huntington, décédé juste quelques jours avant l'investiture de Barack Obama. Par respect à la mémoire de l'homme, faut-il encore souligner que Huntington a lui-même vivement critiqué l'instrumentalisation de sa théorie par l'administration Bush et les néocons.
Enterrer l'abominable thèse de l'affrontement des civilisations, c'est aussi ce que semblent définitivement faire ces propos formulés par Obama dans le même discours du Caire : « À travers le monde, nous pouvons transformer le dialogue en un service interreligieux de sorte que les ponts entre les êtres humains mènent à des actions en faveur de notre humanité commune ».
A vrai dire, et malgré la multiplicité et la complexité des problèmes marquant les relations entre les deux parties, le dossier du conflit arabo-israélien demeure incontestablement le véritable test à passer et le baromètre de tout changement éventuel dans les actes et non pas seulement dans le discours.
Si l'on enchaîne avec autant d'enthousiasme sur l'actif de l'atypique 44e président des Etats-Unis, on pourrait également dire qu'Obama restera dans les annales comme étant l'un des rares – si ce n'est le premier - présidents américains qui ont osé afficher un « non » gros, ferme et explicite face aux responsables de l'Etat hébreu, en ce qui concerne le dossier de l'expansion des colonies israéliennes : « Les Etats-Unis n'acceptent pas la légitimité de la continuation des colonies israéliennes. Ces constructions constituent une violation des accords passés et portent préjudice aux efforts de paix. Le moment est venu pour que ces colonies cessent. ». Encore, il est clair qu'on ne peut transiger sur la solution des deux Etats aux yeux d'Obama : « L'Amérique ne tournera pas le dos à l'aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un Etat à lui ».
Prenant une autre mesure, devenue à la fois automatique et symbolique, Obama a également reporté l'exécution de la décision de transférer le siège de l'ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Ce faisant, il s'inscrit tout simplement dans la continuité de ce qu'ont toujours fait les présidents américains qui l'ont précédé, y compris l'ultra partial G. W. Bush.
Tout cela est encourageant mais reste de loin en deçà des attentes des Musulmans du monde entier. Car il n'est point facile d'essuyer le mauvais souvenir de longues et sombres décennies de partialité et d'injustice, durant lesquelles régnait la logique aveugle des « deux poids deux mesures », régulièrement mise en œuvre par l'Occident, en général, et les USA, en particulier, dans leurs politiques à l'égard du monde musulman. Seulement, il y aurait peut-être aujourd'hui la chance de comprendre finalement que la paix n'est pas un simple compromis. La paix est plutôt une solution juste et durable. On ne pourra jamais en jouir avant de lever l'injustice et de restituer les droits violés.
Reste que « le changement ne se produira pas du jour au lendemain »; je reprends encore le même Barack Hussein Obama. Le temps qu'impartira le (ou les) mandat(s) de cet homme serait-il suffisant ? Une question qui ne tarde pas d'ailleurs à en appeler une autre : en tendant la main à l'Islam, Obama représente-t-il vraiment l'ensemble des forces politiques influentes aux Etats-Unis ? C'est une autre question qui nécessite une profonde réflexion avant d'oser en apporter une réponse qui serait convaincante.
Malgré tout, la méfiance est encore là…. Exactement comme dans les films d'horreur, on craint que le « Clash of Civilizations » ressuscite de sa tombe.