La région euro-méditerranéenne est appelée à devenir, à horizon 2010, une vaste zone de libre-échange et de prospérité économique, offrant aux entrepreneurs de larges perspectives de développement. Cette intégration économique est un processus irréversible, qui prend place dans un contexte global de mouvement accéléré des échanges et de concurrence accrue, sur fond d'évolution permanente des technologies de l'information et de la communication. Les préoccupations communes à tous les partenaires méditerranéens se formulent dans les termes suivants : Comment jouer la carte de la mondialisation et saisir les opportunités offertes par l'ouverture de l'espace économique euro-méditerranéen ? Comment rester compétitif et créer le nombre d'emplois suffisant pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail ? Quelles stratégies mettre en oeuvre pour créer de la valeur ajoutée et développer des complémentarités économiques ? Comment favoriser l'acte d'entreprendre et attirer de nouveaux investissements étrangers de façon durable ? L'entreprise, comme moteur de la croissance et du progrès économique et social, est au coeur de toutes ces préoccupations. La présente Charte contient les principes communs sur lesquels les politiques d'entreprise des partenaires de la région méditerranéenne doivent se fonder. L'ambition est de créer un environnement propice à l'investissement et à l'essor du secteur privé, ainsi que les conditions pour faire émerger des stratégies et des projets communs, tant au plan national que régional. Les préalables au succès de ces politiques sont un cadre macroéconomique stable et une justice équitable et transparente. Leur efficacité dépendra de la capacité à faire participer tous les acteurs, publics et privés, à leur élaboration et mise en oeuvre. Partant du principe qu'une politique de soutien des PME efficace est du ressort des autorités nationales, chaque partenaire méditerranéen appliquera les principes de la Charte, en fonction des progrès déjà accomplis et de ses propres priorités. Les résultats de sa mise en oeuvre seront périodiquement évalués. La Charte permettra de structurer des échanges systématiques d'expériences, de bonnes pratiques et de compétences dans l'espace euro-méditerranéen. La mise en commun et le partage de l'information entre partenaires sont à la base de la mise en place d'une plate-forme régionale de coopération. La Charte constituera un texte de référence pour la coordination et la définition des objectifs de l'assistance technique au développement du secteur privé, au plan régional, subrégional et national. Elle repose sur un engagement fort pour la coopération régionale. Lignes d'action : 1. Des procédures simples pour les entreprises Toutes les règles régissant l'activité des entreprises doivent être transparentes et appliquées uniformément. Elles doivent récompenser les réussites et considérer l'échec comme une source d'apprentissage indissociable de la prise de risque. Dans le but d'améliorer la gouvernance, les documents conviviaux seront pratique courante et nous nous efforcerons de créer une administration en ligne. Autant que possible, les procédures pour créer, transmettre une entreprise et cesser une activité seront simplifiées. Cela couvre la réduction des délais, des coûts, du nombre de formalités et du capital minimum pour créer une société, ainsi que l'amélioration de la législation sur les faillites sur la base des meilleures pratiques internationales. Cela implique aussi l'assistance pour trouver un emplacement et l'infrastructure d'accueil appropriés, à des prix abordables. Garantir la mise en oeuvre rapide des procédures pour l'exécution des contrats est également essentiel. Nous introduirons des mesures pour évaluer l'impact de la nouvelle législation sur les entreprises. Le principe doit être celui de limiter les exigences coûteuses au minimum nécessaire pour réaliser les objectifs de service public. Le législateur devra prendre en considération les moyens limités des petites entités. 2. Une éducation pour l'esprit d'entreprise Nous stimulerons l'esprit d'entreprise dès le plus jeune âge. Les connaissances générales sur l'entreprise, les attitudes entrepreneuriales et les compétences nécessaires pour entreprendre seront développées à tous les niveaux scolaires. Des modules spécifiques à la gestion d'entreprise devraient devenir un élément fondamental des systèmes d'enseignement, dans les collèges, lycées et à l'université. Nous soutiendrons les initiatives entrepreneuriales des jeunes et développerons des programmes de formation appropriés pour les dirigeants de petites entreprises. L'accent sera mis sur les compétences pour évaluer les idées commerciales, ainsi que sur la capacité à réaliser des « business plans » crédibles. Nous agirons, quand besoin est, pour promouvoir l'alphabétisation de toutes les catégories de travailleurs, qui sont des entrepreneurs potentiels. Les programmes scolaires et les programmes de formation favoriseront l'égalité des chances, en prenant en considération l'approche par genre. Ils seront adaptés aux besoins du marché du travail par un dialogue entre le secteur privé et le système éducatif. - 3 - 3. Des compétences adaptées Des compétences adaptées sont l'atout majeur d'une entreprise. La qualification du personnel doit être constamment améliorée. Nous développerons la formation professionnelle continue pour les travailleurs. Des initiatives spécifiques seront prises pour aider les salariés à se reconvertir et saisir les nouvelles opportunités d'emploi, y compris celles en relation avec l'utilisation des nouvelles technologies. Nous nous assurerons que les salariés ont la possibilité, quand cela est nécessaire, d'acquérir des compétences de base et d'avoir accès à la formation professionnelle. Ces activités devraient être rémunérées et effectuées pendant les heures de travail. Des formations spécifiques aux normes internationales de production et au marketing international devraient être mises en place. Nous adapterons les programmes universitaires aux besoins des sociétés innovatrices et promouvrons les liens entre la recherche, l'université et l'industrie, afin de faire de la recherche publique un atout dans la course à la compétitivité. La formation systématique visant à promouvoir l'utilisation d'innovations par les salariés devrait être encouragée. 4. Un accès au financement facilité Nous prendrons des mesures pour améliorer l'accès des PME au financement, en accordant une attention particulière aux nouvelles entreprises et aux entreprises à fort potentiel de croissance. Cet objectif repose sur des relations étroites entre le système bancaire et les entreprises. Les efforts doivent concerner à la fois l'offre et la demande de services financiers. Du côté de l'offre, les banques devraient pouvoir offrir des produits sur mesure pour les PME, notamment les petites. Leur personnel devrait être formé pour répondre aux besoins de tous les types d'entreprise. Les banques devraient être incitées à créer des départements spécifiques pour évaluer les besoins de financement des PME. Les pouvoirs publics ont un rôle de catalyseur à jouer pour faire coïncider les intérêts des banques et des entreprises. Nous développerons des systèmes de garantie adaptés à tous les types d'entreprise, y compris les nouvelles et les petites. Des instruments financiers innovateurs tels que fonds de capital risque, « business angels » et toute autre forme de financement des sociétés à croissance rapide devraient être promus. Ces actions devraient être fondées sur des partenariats public-privé pour assurer leur viabilité à long terme. Du côté de la demande, les entreprises devraient être mises dans l'état de donner des preuves de leur sérieux aux institutions financières. Chaque idée entrepreneuriale doit être soutenue par une définition précise de ses objectifs et par une stratégie commerciale. C'est seulement sur cette base que les banques peuvent indiquer aux entrepreneurs quel type d'instrument financier est le mieux adapté à leur projet. Les entrepreneurs doivent avoir un accès facile à des services de conseil pour préparer leur« business plans ». Quand cela n'est pas déjà le cas, l'efficacité du système d'imposition sera améliorée. Les systèmes fiscaux doivent être adaptés pour faciliter la création, le développement et le transfert des petites entreprises, favoriser les nouveaux emplois, récompenser le succès et encourager les start-up. L'information sur les incitations fiscales, y compris pour les investissements de formation et d'innovation, sera largement diffusée. 5. Un meilleur accès au marché Nous mettrons en oeuvre des actions pour rechercher et développer les complémentarités entre nos économies et favoriser l'intégration de nos entreprises aux systèmes de production des économies les plus compétitives. Nous développerons une stratégie régionale d'accès au marché pour servir les intérêts des exportateurs et utiliserons l'outil Internet. Nous poursuivrons la mise en oeuvre d'initiatives régionales pour faciliter le commerce des biens et des services et l'investissement, en vue de préparer la création de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne. L'accent sera davantage mis sur les mesures concrètes visant à améliorer l'intégration économique sud-sud. Cela inclut des mesures pour faciliter les procédures douanières. Cela inclut également, pour les partenaires qui le souhaitent, la recherche de solutions pour faciliter la transition vers le système communautaire de libre circulation des produits industriels et la négociation d'accords sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (ACAA). Les organismes de normalisation participeront aux activités des organisations européennes. 6. Des entreprises innovantes Le renforcement de la capacité des entreprises à innover est essentiel pour relever le défi de la compétitivité dans la région euro-méditerranéenne. Nous oeuvrerons pour le développement d'une culture de l'innovation et soutiendrons les efforts des entreprises de toute taille et de tout secteur qui veulent innover. Nous encouragerons l'utilisation imaginative des techniques de management et des technologies de l'information, ainsi que les investissements dans la qualité et le design. Nous nous assurerons que les marchés de la connaissance et les services fondés sur la connaissance dans nos pays se développent rapidement. Cela couvre la protection efficace de la propriété intellectuelle et le développement d'instruments financiers et d'incitations fiscales appropriés. Les consultants nationaux sont des fournisseurs indispensables de services à haute valeur ajoutée aux sociétés innovatrices. L'amélioration de la capacité des PME à identifier et sélectionner les technologies novatrices existantes et les adapter à leurs besoins spécifiques est une priorité. Nous faciliterons l'accès des PME à l'intelligence économique et technologique par des canaux appropriés tels que les infrastructures existantes de soutien aux entreprises, notamment par un accès au réseau des Centres Relais Innovation (CRI) et à des portails Internet. Les parcs technologiques et les incubateurs deviendront plus orientés vers les services. Nous renforcerons la participation de nos entreprises aux programmes nationaux, européens et internationaux visant la coopération, la diffusion de technologies, le partage de connaissances et le « benchmarking ». Nous encouragerons également leur participation aux projets internationaux de R&D qui favorisent les applications commerciales de la connaissance et des technologies. 7. Des associations professionnelles fortes La représentation des intérêts des PME doit être renforcée dans le processus politique et législatif. Les pouvoirs publics considéreront les façons et les moments les plus opportuns de consulter les associations professionnelles, ainsi que les moyens d'aider au développement de leurs compétences et de leur efficacité. Les associations professionnelles ont également un rôle fondamental à jouer pour informer leurs membres sur la législation et les normes en vigueur dans la région euro-méditerranéenne. Ce rôle pourrait être renforcé par des initiatives régionales, modelées sur celles mises en oeuvre pour préparer les pays d'Europe centrale et orientale à l'adhésion. 8. Des services de soutien aux entreprises de qualité Les organismes de soutien aux entreprises ont un rôle décisif à jouer dans le développement de celles-ci. La qualité de leurs services doit être améliorée, en s'inspirant des meilleures pratiques internationales et en délivrant une formation ciblée à leur personnel. Les méthodes d'évaluation de la qualité des services devraient être systématiquement appliquées. La qualité des services devrait être homogène sur l'ensemble du territoire, afin de promouvoir le développement des entreprises en dehors des zones urbaines. Tout système efficace et pérenne de services de soutien aux entreprises se fonde sur des partenariats entre secteur public et secteur privé. L'offre de service devrait répondre aux besoins de l'entreprise à toutes les phases de développement, et particulièrement à ceux des nouvelles entreprises et des plus petites, qui n'ont pas nécessairement les ressources suffisantes pour identifier et utiliser les services compétents. Les PME, en phase de création et de démarrage doivent avoir accès à une infrastructure industrielle d'accueil appropriée, notamment en matière de lots industriels et de locaux prêts à l'emploi dotés de cellules d'assistance-conseil chevronnées. Les mesures de soutien aux PME seront évaluées en termes d'impact sur leur compétitivité. Les informations sur les services et mesures existants doivent être cohérentes et émaner d'une source unique et clairement identifiable par l'entreprise. Les institutions de soutien telles que les chambres de commerce et les associations sectorielles peuvent sensiblement aider à atteindre ces objectifs. L'Internet est un outil efficace à cet égard. 9. Des réseaux et des partenariats euro-méditerranéens renforcés Des réseaux efficaces et des partenariats forts sont essentiels pour saisir les nouvelles opportunités du marché et améliorer la position de nos entreprises dans les chaînes internationales de valeur. Les difficultés auxquelles les PME sont confrontées sont davantage liées à leur isolement qu'à leur taille. La mise en commun des ressources est la seule manière de financer les investissements requis pour satisfaire les exigences des marchés extérieurs en termes de qualité, quantité et réactivité. Cela implique le partage de l'information, de la connaissance et du savoir-faire, l'utilisation d'infrastructures communes ou l'organisation groupée des achats. Nous stimulerons le développement de ces systèmes locaux de production par la fourniture de services de soutien adéquats et le cofinancement de l'infrastructure. Cela complétera les efforts consentis pour promouvoir la coopération entre le secteur privé, la recherche et l'enseignement supérieur. Les PME peuvent également avoir accès à de nouvelles technologies et aux techniques modernes de management en satisfaisant les exigences des grandes sociétés établies localement. Un réseau de fournisseurs locaux efficaces peut aider à réduire les délais de livraison et d'intervention des services après-vente, ainsi que les coûts de transport. Nous faciliterons le développement de programmes de liaison des fournisseurs. Les étapes incluent l'assistance aux grandes entreprises pour l'identification des fournisseurs potentiels, l'organisation d'événements de mise en contact, et le renforcement des compétences des fournisseurs. Sur un plan régional, les partenariats ont également un rôle déterminant à jouer pour relever les défis de la mondialisation par la réorganisation des chaînes de production dans la région euro-méditerranéenne. Nous diffuserons les meilleures pratiques en matière d'accords de coopération et créerons les conditions pour le développement de « clusters ». Nous organiserons des rencontres régulières et thématiques entre entrepreneurs et investisseurs, et soutiendrons le développement des projets communs d'importance internationale. Le textile/habillement est l'un des secteurs où de tels partenariats pourraient être développés en priorité. Dans le même temps, nous soutiendrons les initiatives visant à mettre en réseau les organismes de soutien aux entreprises dans la région euro-méditerranéenne, de la participation au réseau des Euro Info Centres à la coopération entre agences de promotion des investissements ou des PME. 10. Une information claire et ciblée L'information est un facteur stratégique de compétitivité. Nous mettrons tous les moyens en oeuvre pour faciliter l'accès des entrepreneurs à l'information qui leur permettra d'améliorer les performances de leurs entreprises. En signant la Déclaration de Caserte, les Ministres et représentants des Gouvernements présents à la Vème Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de l'industrie du 4 octobre 2004, s'engagent à mettre en oeuvre ces objectifs. Les partenaires de la région méditerranéenne, les Etats membres de l'Union européenne et les institutions européennes s'efforceront de développer les moyens, les structures de coordination et les formes de coopération (bilatérales, multilatérales, régionales) nécessaires pour atteindre les objectifs communs. Ils mettront en place les mécanismes appropriés pour évaluer les progrès et performances découlant de la mise en pratique de cette Charte. Ils feront toute recommandation nécessaire pour entretenir la dynamique de mise en oeuvre de la Charte.