On ne saurait bâtir que sur une terre arable, c'est-à-dire une terre qui produit un patrimoine. Un patrimoine historique. Et une telle terre constitue la plateforme de la mémoire collective. Oublier est le pire des catastrophes. C'est priver le discours qui génère le présent de ses solides fondations, c'est le rendre stérile, improductif. Et c'est, partant, rendre toute projection vers le futur friable comme du sable et toute perspective opaque comme le chaos. Voilà ce à quoi s'expose une nation quand elle n'a pas de passé ou quand elle fait l'impasse sur ce passé. Et qu'est-ce le drame que vit l'Amérique sinon, celui de ne pouvoir disposer de repères qui balisent son passé. Le résultat en est navrant: cet Etat surpuissant s'affole quand surgit devant lui un obstacle ou un problème. Il réagit immanquablement par des accès de violence qui s'exacerbent au fur et à mesure que la solution se dérobe. Et c'est pour cette raison que les Etats-Unis ne peuvent avoir de relations solides qu'avec les pays qui n'ont pas de passé comme l'Australie, le Canada et surtout Israël. Israël prototype même du pays sans mémoire, car quel lien peut exister entre ce qui s'est passé il y a plus de 2.500 ans dans la Judée et la Samarie de l'Antiquité et le peuplement juif de l'époque présente? L'Ancien Testament, diriez-vous? Non ça ne peut l'être, étant plus le vecteur d'une idéologie à base mythico-religieuse qu'une véritable relation historique. Contrairement au passé grec où la convergence entre la mythologie, la philosophie et l'histoire fonde un moment d'intense lumière dans le devenir de la civilisation et marque à jamais la mémoire des hommes. La Tunisie, qui vient de célébrer le mois du patrimoine ainsi que la Journée mondiale des musées, s'attache à restaurer la mémoire collective et à la protéger contre les méfaits de l'oubli et de l'amnésie, car le Président Ben Ali est convaincu que le fil directeur de l'histoire de la Tunisie, trois fois millénaire, constitue le meilleur garant de l'intégrité de son identité.