Alors que nous nous intéresserons dans quelques jours à travers un dossier spécial sur le concept de « villes jardins » en Tunisie, nous nous penchons aujourd'hui sur les éco-quartiers. Un éco-quartier, ou quartier durable est un quartier urbain qui s'inscrit dans une perspective de développement durable: il doit réduire au maximum l'impact sur l'environnement, favoriser le développement économique, la qualité de vie, la mixité et l'intégration sociale. Il s'agit de construire un quartier en prenant en considération un grand nombre de problématiques sociales, économiques et environnementales dans l'urbanisme, la conception et l'architecture de ce quartier. Au final, c'est un quartier urbain pensé de façon à minimiser son impact sur l'environnement. Sa conception recherche généralement au moins une autonomie énergétique et vise à réduire l'empreinte écologique. I. Caractéristiques types d'un écoquartier • Du point de vue environnemental, l'écoquartier concilie autant que possible les différents enjeux environnementaux dans le but de réduire son impact : • meilleure gestion des déplacements avec limitation de la voiture et incitation à l'utilisation de transports doux (transports en commun, vélo, marche à pied). Le concept des éco-quartiers facilite l'usage du vélo grâce à des pistes cyclables ou des voies vertes, la présence de parking à vélo sécurisé (vélo station), des voies piétonnes permettant de circuler en toute sécurité et des arrêts de bus parcourant le quartier. • Réduction des consommations énergétiques: les bâtiments, notamment, répondent à des exigences très strictes avec des consommations au m⊃2; aussi faibles que possible, avec une recherche si possible de bâtiment à énergie positive. Les éco-quartiers remarquables recourent tous aux énergies renouvelables (solaire, le plus souvent). • Les matériaux de construction utilisés et les chantiers doivent faire l'objet d'une attention particulière (meilleure gestion des déchets de chantier, réutilisation d'éléments dans le cadre d'une réhabilitation...). • Limitation de la production de déchets: le tri sélectif est de rigueur, et les déchets verts peuvent également être facilement compostés grâce à des emplacements prévus à cet effet - le compost pouvant ensuite être utilisé pour les jardins et espaces verts. • Réduction des consommations d'eau: les eaux pluviales sont récupérées et utilisées pour arroser les espaces verts, nettoyer la voie publique ou alimenter l'eau des toilettes. • Favoriser la biodiversité : suivant les éco-quartiers, des mesures peuvent être prises ou encouragées pour permettre à une flore et une faune locale de s'épanouir. Dans un éco-quartier, les habitants sont généralement très impliqués dès la conception du quartier ou au démarrage du projet de réhabilitation. Fidèle aux principes de développement durable qui place la concertation au cœur du processus, la conception de tels quartiers attache une importance particulière aux principes de bonne gouvernance, à la mixité socio-économique, culturelle et générationnelle. De par sa conception, le quartier durable permet : de faciliter l'accès à des activités sportives et culturelles, de réduire la distance et les temps d'accès en favorisant l'utilisation des modes doux. Du point de vue économique, les services et les commerces se voudront multi-fonctionnels. II. Acteurs et Gouvernance De l'élaboration à la phase d'exploitation, les quartiers durables sont le résultat de l'action entreprise par une multitude d'acteurs. L'idée même de lancer un éco-quartier émane généralement de la collectivité concernée. Des bureaux d'étude forment une équipe de travail pluridisciplinaire, à même d'articuler tous les enjeux entre eux : architectes, programmistes, urbanistes, sociologues, consultants en environnement... qui doivent se montrer particulièrement ouverts à la démarche durable. Un éco-quartier ne pourrait pas se faire sans grands acteurs du bâtiment. On retrouve donc des promoteurs, investisseurs et gestionnaires de réseaux. En France par exemple, les bailleurs sociaux se sont beaucoup impliqués dans les quartiers puisqu'ils ont tout intérêt à voir les factures énergétiques diminuer. Ils sont devenus un moteur essentiel dans le lancement de telles opérations. La participation citoyenne doit s'établir très en amont du quartier, un facteur clé pour un éco-quartier réussi. En prenant ainsi part à la conception de leur futur lieu de vie, il sera ensuite plus facile d'en respecter les principes de fonctionnement (notamment les taux de tri ou de possession d'une voiture, deux indicateurs souvent révélateurs du succès d'un éco-quartier). On peut souligner l'originalité des démarches développées pour encourager cette participation : réseau intranet au quartier, forum internet, publication de revues de quartier, débats, séminaires, expositions… Les associations de défense de l'environnement sont étroitement impliquées, ayant des intérêts évidents dans la mise en place de tels quartiers. III. Education et sensibilisation Un éco-quartier ne peut correctement fonctionner que si ses habitants participent à sa réussite et jouent le jeu. A cette fin, l'éducation environnementale est incontournable et se poursuit tout au long de la vie de l'éco-quartier car la population, comme ailleurs, se renouvelle. Ainsi, la plupart des quartiers ont mis en place des structures de promotion du développement durable uniquement à destination des habitants : agence de communication, achat collectif d'ampoules basse consommation, site internet, prospectus, conférences, animations pour enfants… Une forme de gouvernance interne au quartier se met souvent en place, sur un mode participatif. IV. Service, commerce et culture Dans l'optique de réduction des distances, l'éco-quartier tente d'établir un zonage multifonction. Réunissant évidemment du logement, mais aussi des entreprises, des services, des commerces (souvent au rez-de-chaussée des immeubles), des salles de spectacle, Dans ce zonage multifonction se trouvent également de nombreux espaces verts. Ici aussi, les éco-quartiers marquent leur originalité par le fait d'éviter la séparation entre les jardins privés et les espaces publics, ceci afin de constituer un continuum vert et d'augmenter le bien-être. V. Action sociale et santé La mixité inter-générationnelle, culturelle et socio-économique est une priorité dans l'élaboration d'un éco-quartier. Celle-ci est encouragée par divers moyens : en variant la taille de l'appartement, en aménageant des appartements spécialement pour certaines catégories de personnes (personnes à mobilité réduite, personnes âgées), en fixant une limite maximale aux revenus des locataires. VI. Socio-Economie La conception d'éco-quartier est une opportunité économique non négligeable. Les exigences en termes de développement durable constituent un potentiel économique, dans la mesure où elles nécessitent à la fois la création de nouveaux emplois, une recherche appliquée efficace afin d'utiliser les technologies les plus appropriées, et éventuellement la création de nouvelles entreprises dans le domaine. Il s'agit d'un secteur « neuf», en pleine évolution et dont l'activité va irrémédiablement augmenter. La thématique des transports (promotion des modes doux, transports en commun) mais aussi celle de la cohésion sociale dans l'éco-quartier ne peuvent être dissociées de l'aspect économique. Il n'est pas réaliste d'imaginer des quartiers auto suffisants, où employés et habitants se confondent. Cependant, une relocalisation au moins partielle de l'économie est nécessaire et doit favoriser la création d'emploi. La présence à proximité de services, commerces et équipements doit permettre un accès facile aux besoins du quotidien. L'habitat peut être un levier important en se posant au centre d'un projet de vie pour l'ensemble du quartier. La réponse à donner aux besoins de mixité sociale aussi bien que fonctionnelle, l'adéquation avec la demande et/ou les enjeux locaux, la proposition de modèles alternatifs pour l'habitat pour impulser une modification des comportements et mode de vie est une clé d'entrée majeure et nécessite une grande attention. Un éco-quartier implique de rechercher : • Une maîtrise de l'étalement urbain et des déplacements • Une urbanisation respectueuse de l'environnement, • Une mixité sociale et une re-localisation partielle de l'économie. Un écoquartier en 10 points : 1 - L'automobile n'est pas la bienvenue: les stationnements sont rares et dispendieux, mais le secteur est desservi par le nec plus ultra en fait de transports en commun. 2 - Un max de verdure: parcs, aménagements sur les toits, jardins communautaires, le vert est de mise. 3 - Vélos et piétons bienvenus: pour faciliter un mode de vie actif, on multiplie les pistes cyclables, supports à bicyclettes et allées piétonnières. 4 - Récupération de l'eau: dans certains cas, on récupère l'eau de pluie pour irriguer les espaces verts, voire alimenter en eau les toilettes. 5 - Moins d'énergie consommée: les appartements peuvent être munis de modules affichant leur consommation quotidienne d'énergie, les lampadaires fonctionnent avec des iodes à faible consommation et on fournit des appareils électroménagers peu gourmands. 6 - Chauffage urbain: le quartier peut avoir un système de chauffage autonome alimenté par de la biomasse (des résidus forestiers, par exemple) qui réduisent les émissions de GES. 7 - Récupération des déchets: des systèmes automatisés souterrains recueillent les déchets avec différentes conduites à succion situées dans les logements (déchets, recyclage, compostage). On n'a donc pas besoin de camions à ordures pour enlever le tout. À Hammarby, en Suède, on va jusqu'à produire de l'énergie avec les déchets pour alimenter le quartier. 8 - Construction verte: on limite la construction en hauteur et les couloirs venteux. On favorise les matériaux de construction dits sains comme les fibres recyclées ou le bois, par exemple. 9 - Commerces de proximité: épiceries, pharmacies et autres commerces se trouvent souvent au rez-de-chaussée des immeubles résidentiels pour minimiser les déplacements en auto vers l'extérieur et favoriser la vie de quartier. 10 - Milieu de vie: on favorise la mixité des fonctions en donnant de la place au résidentiel, au commercial et aux immeubles à bureaux. La mixité sociale est aussi favorisée avec des résidences à prix variés, dont une section réservée au logement social. Exemples d'écoquartiers Hammarby-Sjöstad (Stockholm, Suède) Créé en 1991 en prévision de Jeux olympiques que la Suède n'allait finalement pas obtenir, Hammarby est considéré comme la référence en matière d'écoquartiers et en possède toutes les caractéristiques. Le maire Régis Labeaume est loin d'être le seul à s'y être intéressé puisque le quartier attire, année après année, des délégations d'élus des quatre coins de la planète. Il a une superficie de 1,8 kilomètre carré Royal Sea Port (Stockholm, Suède) Ce projet dont la construction a débuté cette année vise à pousser encore plus loin le modèle développé à Hammarby. Si tout se déroule comme prévu, ce quartier situé dans une ancienne zone portuaire devrait accueillir 30 000 bureaux, 10 000 résidences et fonctionner sans énergie fossile à partir de 2030. Bo-O1 (Malmö, Suède) Campé sur le terrain de l'ancienne usine Saab dans le sud du pays, Bo-01 est une autre belle réussite suédoise. En plus de reprendre le modèle d'Hammarby, l'écoquartier de Malmö s'est rendu célèbre avec l'oeuvre Turning Torso de l'architecte Santiago Calatrava, une tour résidentielle torsadée de 190 mètres de haut. Vauban (Fribourg, Allemagne) Ce petit écoquartier dont les origines remontent au milieu des années 1990 est deux fois plus petit que D'Estimauville. Construit sur d'anciens terrains militaires, il ne tolère aucune voiture. S'ils persistent à en garder une, ses résidants doivent la laisser dans un garage à l'entrée du quartier moyennant une facture salée. Dockside Green (Victoria, Colombie-Britannique) Premier écoquartier construit au Canada, Dockside Green a commencé à pousser en 2005 sur un ancien site contaminé du port. Une fois complété, il devrait compter 1000 résidants. La Colombie-Britannique a par ailleurs un autre projet de ce genre sur les terrains de l'Université UBC à Vancouver. Dossier réalisé par Raoul FONE