Q 1) Existe-t-il des divergences entre comptabilité et fiscalité ? Compte tenu des différences d'approche et des critères de mesure des résultats, il est normal qu'il existe des divergences entre comptabilité et fiscalité. Mais, divergence n'implique pas incompatibilité. Bien au contraire, le point de départ pour la détermination du résultat fiscal est toujours constitué par le résultat comptable. C'est en effet en partant du résultat comptable, après modifications comptables, que la fiscalité procède aux différents ajustements permettant de passer du résultat comptable au résultat fiscal. Le résultat fiscal est une notion que définissent les lois fiscales, compte tenu des recettes dont l'Etat a besoin et des différents objectifs d'ordre social et économique. Ces lois fiscales sont souvent modifiées en fonction des fluctuations de la conjoncture économique et des besoins de l'Etat. Q 2) Quels sont les principes de base sur lesquels repose la comptabilité ? Il s'agit des hypothèses sous-jacentes et des conventions comptables. Elles sont la traduction d'un environnement économique, social, politique et légal particulier. Elles orientent la préparation des normes comptables et contribuent à la résolution de problèmes comptables posés. La comptabilité est en fait un langage, c'est-à-dire qu'elle a une fonction de communication d'information selon des règles reconnues par tous et qu''on vu développer dans ce qui suit : A- Les hypothèses sous-jacentes Le cadre conceptuel tunisien a retenu deux hypothèses sous-jacentes : La continuité d'exploitation et la comptabilité d'engagement. Elles représentent un préalable dont l'acceptation est nécessaire et découlent d'un consensus ou d'un compromis entre des intérêts divergents. Elles constituent en fait le fondement et la base du système comptable. 1. La continuité d'exploitation La continuité de l'exploitation implique que l'entreprise continuera d'exister pour un laps de temps suffisamment long, et qu'elle réalisera un bénéfice raisonnable au cours d'une période plus importante que la durée de n'importe quel actif. Cela ne signifie pas que l'entreprise vivra indéfiniment, mais l'on suppose que son existence sera plus longue que celle de ses actifs, et qu'elle fonctionnera assez longtemps pour que ses engagements et ses contrats soient respectés. 2. la comptabilité d'engagement Dès qu'un événement se produit, il est pris en compte et son effet sera enregistré en ce moment même indépendamment des encaissements ou paiements. Autrement dit, les produits et les charges sont comptabilisés dès leur engagement c'est-à-dire, ils sont enregistrés à partir de la facturation et non à partir des encaissements ou des décaissements. B - Les conventions comptables L'expression conventions comptables sert à désigner les règles selon lesquelles les états financiers devraient être établis. Le cadre conceptuel énumère 12 conventions comptables : 1. la convention d'entité : Cette convention ne dispose que l'activité économique peut-être attribuée à une entité comptable particulière autonome. Donc, cette activité est comptabilisée d'une manière distincte et séparée des propriétaires de l'entreprise ou de toute autre entité économique. Par conséquent, seulement les transactions de l'entreprise seront comptabilisées et non celles de ses propriétaires. 2. La convention de l'unité monétaire Le comptable est tenu de choisir une unité d'échange unique pour tenir compte des transactions d'une entreprise. Pour ce faire, la monnaie (dinars) a été choisie comme unité de mesure de l'information véhiculée par les états financiers. Ce choix repose sur le fait que l'unité monétaire est pertinente, simple, compréhensible et universelle. 3. La convention de la périodicité Des informations sur la position et la performance financière de l'entreprise doivent nécessairement véhiculées d'une façon périodique aux lecteurs intéressés. Cette contrainte a amené les comptables à dresser des états financiers à intervalles réguliers tout au long de la vie continue de l'entité comptable. Cette période de temps ou exercice peut être un mois, un trimestre ou une année. Elle peut coïncider avec l'année fiscale ou commencer et se terminer au moment où l'exploitation atteint son niveau le plus bas ce qui correspond à l'année normale d'exploitation. Par ailleurs, la loi n° 96-112 du 30 décembre 1996 relative au système comptable des entreprises précise dans son article 22 que l'exercice comptable dure douze mois; Il débute le premier Janvier et se termine le 31 Décembre de la même année. Cependant, pour les particularités de certaines activités une date différente peut être prévue par les normes comptables. 4. La convention du coût historique Les opérations comptables doivent être enregistrées à leurs coût d'acquisition et non pas à leur valeur économique. De plus, il ne faut pas modifier le coût d'acquisition d'un actif pour tenir compte de l'augmentation de leur valeur marchande ou de réalisation. Cette valeur peut varier d'un exercice à l'autre et elle est empreinte de subjectivité. De ce fait, le bilan n'indique pas la valeur des actifs mais leur coût non-amorti. En effet, c'est le montant que l'entreprise est disposée à supporter en contrepartie de biens ou services reçus ou à recevoir. En absence de paiement, ces biens et services seront évalués à la valeur qui aurait due être décaissée. Dans ce cas le coût historique est la juste valeur monétaire des actions émises ou des biens et services acquis ou moment de l'émission ou l'acquisition. 5. La convention de réalisation de revenus : Cette convention permet de déterminer le moment où un produit doit être constaté. Elle sert de base pour l'identification, la reconnaissance et la mesure du revenu en comptabilité. Le revenu résulte de la création de biens et services par une entreprise durant une période spécifique de temps. Il équivaut donc à la mesure de nouveaux actifs reçus pour soit vente de biens, soit intérêt et loyer, soit gain résultant d'un paiement avantageux des dettes. 6. La convention de rattachement des charges aux produits Selon cette convention, la constatation d'une charge est liée à la constatation d'un produit. Donc, on ne constate pas une charge à la date de décaissement ou au moment où le service est rendu ou encore lorsque la production est terminée, mais plutôt, au moment où le service ou le bien contribue à la constatation d'un produit. Ainsi, lorsque des revenus sont comptabilisés au cours d'un exercice, toutes les charges qui ont contribué à leur réalisation doivent être déterminées et par la suite rattachées à ce même exercice. 7. La convention de l'objectivité Le souci majeur du comptable est de fournir des données comptables justes. De ce fait, il est primordial que les transactions et événements pris en considération dans l'élaboration des états financiers soient justifiés par des preuves. 8. La convention de la permanence des méthodes Une société applique la convention de la permanence des méthodes lorsqu'elle utilise les mêmes méthodes comptables de prise en compte c'est à dire de constatation, de mesure et de présentation. 9. La convention de l'information complète Cette convention exige que toutes les informations nécessaires soient relatées au niveau des états financiers dans le souci de ne pas induire le lecteur en erreur. Car toute omission peut rendre l'information douteuse, fausse et trompeuse et en conséquence peu fiable. Elle perdrait également de sa pertinence. 10. La convention de prudence La prudence signifie que lorsqu'on se trouve devant un doute sérieux concernant un problème comptable, il faut choisir la solution qui risque le moins de surévaluer l'actif net et le bénéficie. La prudence est la convention qu'on doit appliquer lorsqu'on doit juger d'une situation d'incertitude. 11. La convention de l'importance relative Cette expression «importance relative» est utilisée pour décrire le caractère significatif des informations contenues dans les états financiers. Un élément est jugé important s'il est vraisemblable que son omission ou son inexactitude aura pour conséquence d'influencer ou de modifier une décision. 12. La convention de la prééminence du fond sur la forme Dans le but de représenter fidèlement la transaction, il est nécessaire qu'elle soit présentée et comptabilisée en accord avec sa substance et sa réalité économique et non pas seulement selon sa forme juridique. A vrai dire, il est plus important en comptabilité de refléter la nature économique des opérations que leur forme juridique. Ce critère ressemble à celui utilisé en droit qui postule qu'il est plus important de respecter l'esprit que la lettre de droit. Q 3) Comment la fiscalité s'est- elle basée sur la comptabilité ? Et existe –il des différences de traitement ? Lorsqu'on parle d'impôt on entend systématiquement que le résultat imposable est le résultat fiscal, cependant, il faut remarquer que le résultat imposable est basé sur le résultat comptable. En effet, et afin de pouvoir parvenir à la perception de l'impôt, l'administration fiscale s'est basée sur la comptabilité et ses principes comptables généralement admis pour le calcul du résultat fiscal. Ceux-ci sont, donc, pour la fiscalité un instrument, qu'elle doit gérer pour la détermination du résultat imposable. La fiscalité a pris part à l'hypothèse sous-jacente de comptabilité d'engagement, puisqu'elle enregistre les créances dès qu'elles sont acquises et les dettes dès qu'elles sont nées ; c'est la théorie des créances acquises. Toutefois, le problème se pose par l'évaluation du produit de chaque exercice dans les contrats à exécution prolongée (travaux de longue durée dépassant généralement l'année). La méthode de l'avancement des travaux préconisée dans le système comptable consiste à prendre en considération le pourcentage du produit relatif à l'avancement des travaux. Toutefois, le code de la T.V.A a dérogé à cette méthode puisque l'impôt est exigible suite à l'encaissement des avances et non au fur et à mesure de l'exécution des travaux. Par ailleurs, la convention de rattachement des charges aux produits est retenue en fiscalité et est appliquée avec une relative rigueur : Il est fréquent que l'administration fiscale se fonde sur cette convention pour rejeter des charges qui ne sont pas imputables à l'exercice ou y inclure des produits qui s'y rattachent. D'autant plus, seuls les événements existants ou connus à la date de clôture de l'exercice peuvent être retenus pour le calcul des résultats imposables. La non prise en considération d'événements postérieurs qui peuvent remettre en cause le bénéfice de l'exercice, fait encourir à l'entreprise des risques de difficultés de trésorerie ainsi que des manques d'autofinancement. D'autre part, un revenu réalisé au cours d'une année est imposé et demeure imposable quant bien même il serait annulé dès l'année suivante. L'anéantissement rétroactif d'un revenu est sans influence sur l'imposition initiale. En fait, l'interdiction de prendre en compte l'incidence de rétroactivité(1) est appliquée par l'administration fiscale à la lettre. Toutefois, la règle de l'annualité de l'impôt et les conventions de rattachement et de la périodicité interdit que l'on remette en cause une imposition à raison d'événements qui se sont produits ultérieurement. I - Incidence de la T.V.A La taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A) apporte des divergences quant à la valeur d'entrée des immobilisations. En effet, ces biens doivent être enregistrés sous déduction du montant de cette taxe récupérable. Cependant, le code de la T.V.A limite cette disposition aux assujettis à la dite taxe. Ce qui veut dire qu'un même bien peut ne pas avoir la même valeur au bilan de deux entreprises dont l'une est assujettie et l'autre ne l'est pas. Il est à préciser qu'en général toutes les entreprises du même secteur ont le même régime fiscal. Il n'en demeure pas moins que l'investisseur à risque a qui les états financiers sont adressés en priorité se trouve devant des informations financières conçues de façons différentes. En tout état de cause, notre étude porte sur les divergences de traitement apportées par la fiscalité. Dans le même ordre d'idées, il s'en suit que même dans le cas où les deux entreprises sont assujetties, la valeur d'un même bien ou bilan peut être différente selon le prorata de déduction financière propre à chacune d'elle. En effet, l'article 9 du code de la T.V.A précise que la déduction est en fonction du prorata de déduction. Aussi cette déduction initiale est sujette à des révisions à la fin de chaque année civile pendant la période d'amortissement du bien, lorsque le prorata dégagé au titre de chaque année varie de plus de cinq centimes par rapport à celui appliqué initialement. De là, on peut déjà constater cette anomalie qui conduit pour un même bien à des valeurs différentes suivant la régime fiscal de celui qui l'achète et qui par conséquent va nuire à la bonne information comptable qui veut que les entreprises aient le même régime de taxe indirect et ce pour que les bilans des entreprises soient comparables. Certes, il est admis que pour le cas du reversement de la T.V.A. complémentaire permet la non variation de la valeur comptable des biens immobilisés et la non mise en cause des amortissements pratiqués ; Cependant, il faut remarquer que ce procédé va engendrer un calcul complexe de régularisation pendant toute la période prévue pour la révision du prorata. Par ailleurs, dans le cas où une entreprise assujettie perd cette qualité, elle sera dans l'obligation de reverser la T.V.A déduite, ce qui va augmenter la valeur comptable des biens correspondants du montant réservé. On assiste donc à un changement de la valeur des biens comme si un complément du coût d'achat venait de se révéler alors que la valeur réelle n'a pas varié. Ces anomalies qui paraissent paradoxales, vont donc nuire aux objectifs de l'information et aux conventions comptables. Cette mesure fiscale a pour effet l'application exacte d'une base objective de mesure selon les méthodes divulguées. Une telle mesure garantit la vérifiabilité de l'information financière. Toutefois, elle constitue une entorse au critère de comparabilité concernant les états financiers d'une même entreprise et les états financiers d'un même exercice pour différentes entreprises. II - L'inflation Les effets des variations des prix sur les montants comptabilisés en coûts historique comportent un aspect fiscal qui ne peut être négligé. En fait, la taxation déterminée sur la base de la comptabilité en coût historique entraîne, en période inflationniste, un prélèvement de l'état sur des résultats qui ne sont pas réels, dans la pire des hypothèses, il peut même y avoir paiement par l'entreprise d'un impôt alors que son résultat réel est une perte. C'est dire que la taxation sur la base de la comptabilité historique entraîne en période inflationniste, un appauvrissement de l'entreprise. Toutefois, en période déflationniste, l'effet est inverse. En plus, le non respect de la convention de l'objectivité pourrait être mis en cause puisque les incitations fiscales diffèrent d'une région à une autre créant ainsi des distorsions. Il en va de même du non respect de critère de la comparabilité entre deux entreprises dont l'une exerçant son activité dans une région où il y a des incitations à l'investissement.